Ça faisait longtemps qu'on attendait les détails de la Charte des valeurs québécoises et c'est Le Journal de Montréal, lundi, qui a mis la main sur ce scoop tout chaud. Aucun travailleur de l'État ne pourra afficher une croix, un hijab, une kippa, un turban, si le ministre Bernard Drainville réussit à faire passer ce projet de loi (ce qui est loin d'être acquis).

La fin de l'article était involontairement comique: «On ne toucherait pas au patrimoine bâti, comme la croix du mont Royal, selon nos informations...»

Sérieux? La source péquiste qui s'est confiée au JdeM a vraiment ressenti le besoin de préciser cette immense lapalissade, cette évidence visible de la Lune?

Lol.

Ça m'inquiète: la rue Saint-Zotique pourra-t-elle continuer à s'appeler ainsi? Il faudrait me rassurer. Bernard, tu me lis? Appelle-moi, confirme-moi que la rue Saint-Zotique ne changera pas de nom. Oui, Bernard, appelle-moi, rassure-moi, de grâce, je promets de pas te citer...

Je l'ai écrit au moins 100 fois depuis 2006, depuis que ces affaires d'accommodements raisonnables ont commencé à faire faire la danse du bacon aux Québécois: je ne me sens pas menacé dans mon identité québécoise par les signes religieux des «autres».

Car c'est de cela qu'il est question, depuis 2006: des religions des «autres», de toutes ces religions qui ne sont pas la religion du Québec judéo-chrétien.

Et la Charte planifiée par le PQ va, semble-t-il, cristalliser l'hypocrisie des trois grands partis sur la laïcité: le crucifix de l'Assemblée nationale va rester accroché au mur. Parce que les signes de «notre»» religion ne sont pas religieux: ils relèvent - attention, bullshit brûlante en vue - du «patrimoine» québécois.

Pourtant, ce crucifix dans l'enceinte où on consacrerait la laïcité dans une Charte, c'est aussi con et contradictoire que si George Washington avait accroché le portrait de George III dans sa President's House, après la guerre de l'Indépendance.

Mais la CAQ, le PQ et le PLQ n'oseront jamais décrocher le crucifix. Parce que les Hérouxvillois, ça vote...

Je l'ai écrit 100 fois depuis 2006: la vue d'un hijab ou d'un turban ne me fait pas capoter. Chaque fois, ça m'a valu des remontrances de la part de mes camarades commentateurs: t'es un naïf, Lagacé, un idiot utile...

Ce qui m'attriste, évidemment. Surtout quand ça vient de gens que j'estime, parfois. Est-ce que je leur dis qu'ils sont alarmistes, frileux et que cette écume à la bouche leur donne des airs de Joseph McCarthy, moi?

Je ne fais pas la danse du bacon parce que je crois à trois trucs, de façon quasi religieuse.

Un, la plupart de ces accommodements qui ont dérapé ne sont pas la faute des croyants à kippa, à hijab ou à turban, qui ont exagéré dans leurs demandes. C'est plutôt la faute de bons Québécois qui ont eu peur de dire un mot très simple. Ce mot, c'est: non.

Deux, mon «identité» québécoise est assez forte pour résister à des couteaux cérémonials de pacotille, à des épais à boudins qui ne veulent pas recevoir un ticket d'une policière. Si vous avez peur du hijab d'une éducatrice de CPE, ben le mot le dit: vous êtes peureux.

Trois, j'ai beau avoir divorcé du p'tit Jésus et astiquer mon athéisme, ma conception de la liberté inclut la liberté de religion. Et la liberté de religion, c'est la liberté de la pratiquer et de l'afficher.

Bref, la Charte des valeurs québécoises du PQ me désespère comme la loi 78 du PLQ m'avait désespéré: c'est une manoeuvre qui jette de l'huile sur le feu, une façon de diviser les Québécois... pour espérer gagner les prochaines élections.

En direct du Moyen Âge

Fabrice de Pierrebourg l'annonçait hier, dans La Presse: des prédicateurs musulmans haineux s'apprêtent à débarquer à Montréal pour faire des conférences sur leur vision rétrograde et haineuse de la femme. Québec a urgemment écrit à Ottawa pour que le fédéral leur interdise l'entrée au Canada.

Mais non, mais non...

Qu'on les laisse entrer!

Le Québec sait organiser des manifs: on pourrait leur organiser un joli comité d'accueil, à ces fous d'Allah, avec des huées et des flashs de caméras. Ces gens n'aiment pas la lumière.

Et je serais curieux de voir les résultats d'une plainte au criminel contre Nader Abou Anas et Farid Mounir, pour propos haineux. Peut-être qu'on pourrait leur inculquer un peu de civilisation par le truchement d'un procès criminel, symbole d'une société de droit...

Pourquoi se priver de ce plaisir?

Matricule 728

Donc, si j'ai bien compris les procureurs de la Couronne, poivrer des passants qui n'ont rien à voir avec une manif, ce n'est pas digne de valoir à l'agente Stéfanie Trudeau, le célèbre «matricule 728» de la police de Montréal, une accusation au criminel?

C'est un peu gros à avaler, quand on regarde la vidéo de YouTube. Mais je dis ça en ayant en tête les images de l'autre film mettant 728 en vedette, celui de ses agressions à répétition sur ces pauvres citoyens de l'avenue Papineau (on saura prochainement si elle sera accusée pour ces événements). Je ne suis pas aussi serein qu'un procureur de la Couronne. Mais bon, la justice, c'est aussi la sérénité, j'imagine.