C'est ce soir, sur le coup de 19 h 30, sur la place Marlene Dietrich, que débute la 63e Berlinale, qui durera jusqu'au 17 février. Selon son directeur, Dieter Kosslick, le festival sera placé cette année sous le signe des dommages collatéraux de la crise économique.

L'an passé, le directeur avait promis une Berlinale des bouleversements sociaux et politiques, ce qui s'est révélé plus ou moins exact. Mais puisqu'il qu'il faut bien un nouveau slogan par année, allons-y pour les dommages collatéraux et ajoutons une touche de kung-fu pour être en phase avec le film d'ouverture de Wong Kar-Wai, The Grandmaster, l'histoire d'un maître du kung-fu des années 30 qui a enseigné les arts martiaux à Bruce Lee.

Je ne serai pas sur le tapis rouge ni sur le pavé gelé ce soir pour admirer l'équipe du Grandmaster, la lumineuse Zhang Ziyi (la vedette de Tigre et dragon comme de Rush Hour 2), le ténébreux Tony Leung ou Wong Kar-Wai, qui est aussi le président du jury. Qu'à cela ne tienne.

J'arriverai à Berlin samedi, juste à temps pour la photo de groupe de l'équipe des Misérables, qui débarquera en ville pour se rappeler au bon souvenir des Berlinois et surtout, pour marquer le lancement européen du film de Tom Hooper.

Plus important encore, je serai à Berlin dimanche, le jour J pour Denis Côté et son nouveau film, Vic et Flo ont vu un ours, présenté en compétition officielle et qui est en lice pour un ours coulé dans le bronze, plaqué or et nettement plus gentil que l'ours qui menace Pierrette Robitaille et Romane Bohringer dans son film.

Fait aussi rare que réjouissant, c'est la deuxième fois en deux ans qu'un film québécois se retrouve dans la compétition officielle. L'an passé, Rebelle marquait le retour du cinéma québécois dans cette prestigieuse sélection après une absence de 12 ans et encore.

Hormis Léa Pool, invitée en 1986 pour Anne Trister, puis en 1999 pour Emporte-moi, le cinéma québécois n'a pas brillé fort dans la compétition officielle de la Berlinale, se contentant d'invitations occasionnelles dans des sections parallèles. Mais cette année semble être celle de tous les espoirs.

En plus du film de Denis Côté, Anaïs Barbeau-Lavalette viendra présenter mardi Inch' Allah dans la section Panorama, l'équivalent de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes. Le même jour et à la même heure, les Berlinois découvriront, dans la section Forum, Le météore, le film très expérimental de François Delisle mettant en vedette Noémie Godin-Vigneau et la voix (seulement la voix) de François Papineau et d'Andrée Lachapelle.

S'ajoutera à cette joyeuse bande de Québécois la cinéaste abénaquise Alanis Obomsawin. Celle-ci viendra présenter un documentaire sur Richard Cardinal - un jeune Métis qui s'est suicidé dans les années 80 -, dans une toute nouvelle section consacrée aux cinémas autochtones.

Pour le reste, le risque de s'enfarger dans une actrice française sera grand à Berlin, cette année. La mythique Catherine Deneuve viendra faire son tour avec Elle s'en va, qui n'est pas la chronique annoncée de sa retraite, mais un film en forme de road movie sur une soixantenaire plaquée et ruinée qui part en cavale.

La très intense Juliette Binoche viendra présenter sa nouvelle alter ego: Camille Claudel, qu'elle incarne dans ses années d'asile dans un film du même nom. Autre vedette française, Isabelle Huppert défendra les couleurs de La religieuse, adaptation du roman de Diderot. Huppert y interprète soeur Saint-Eutrope, une méchante mère supérieure qui fait enfermer une jeune religieuse qui veut défroquer au XVIIIe siècle. Ça promet.

À chaque Berlinale ses espoirs et ses attentes.

Cette année, il risque d'y avoir une ruée pour Pardé («Rideaux tirés» en iranien), le plus récent film de Jafar Panahi, qui est toujours assigné à résidence et qui n'a pas le droit de quitter sa maison ni son pays. Comment a-t-il réussi malgré tout à tourner un film et surtout à le faire parvenir à la Berlinale? C'est un de ces mystères dont Panahi a le secret.

Quant à Isabella Rossellini, qui était la présidente du jury en 2011, elle revient cette année pour un hommage, le lancement de livres de photos de sa mère Ingrid Bergman, mais surtout pour présenter sa série comico-scientique Mammas, sur la maternité chez les animaux.

Avec une esthétique de bande dessinée, la série de la belle Isabella explore comment les différentes espèces animales s'occupent de leur progéniture.

Ce qui nous ramène à Denis Côté qui, l'an passé, était venu à Berlin avec ses girafes et ses autruches, les vedettes du film Bestiaire présenté dans la section Forum. Il y a un an, Côté était loin de se douter qu'il passerait aussi rapidement d'une section parallèle aux ligues majeures de la compétition officielle. En revanche, il savait déjà qu'il y aurait un ours dans son prochain film et qu'à Berlin, s'il y a un animal qui porte chance, c'est bien celui-là.