C’est une très belle rampe de mise à l’eau, qui donne accès à une rivière où abondent les poissons, les oiseaux, les tortues, les grenouilles et les mammifères. Seul problème, elle est réservée aux résidants de la municipalité. Encore heureux. Il y a des accès qui sont strictement réservés aux propriétaires riverains.

L’accès aux plans d’eau publics est problématique depuis de nombreuses années. Or, la situation continue d’empirer.

« Juste cette année, on parle d’une bonne quinzaine de municipalités qui ont interdit l’accès aux non-résidants ou qui ont imposé des tarifs excessifs », déplore Francis Girard, vice-président de l’Association des pêcheurs sportifs du Québec.

Cette association s’est jointe à d’autres organisations, comme Canot Kayak Québec, Nautisme Québec et la Fédération de voile du Québec, pour écrire une lettre ouverte au premier ministre François Legault afin de réclamer un accès plus équitable aux plans d’eau publics.

« La situation s’est vraiment détériorée, poursuit M. Girard. Il y a eu tout l’effet de la pandémie, qui a ramené certaines personnes à la pêche sportive. Les gens se sont garrochés. Des villes ont probablement vu une augmentation de l’achalandage. Ça les a amenées à mettre en place des restrictions ou de nouvelles réglementations. »

Ces restrictions ont souvent eu un effet domino. Lorsque les gens se butaient à un accès restreint, ils se rendaient en masse à un autre accès, provoquant un achalandage élevé… et incitant la municipalité à instaurer à son tour des restrictions. Et ainsi de suite.

Il y a une autre problématique, soit la privatisation des berges, affirme Pierre Marquis, directeur général de Canot Kayak Québec. Les municipalités laissent les promoteurs développer tous les lots le long des plans d’eau.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Même pour un simple kayak, il peut parfois être difficile de trouver un accès à l’eau.

« Il y a un avantage pécuniaire à développer les rives, ça rapporte des taxes », note-t-il.

Le problème, c’est qu’on ne conserve pas d’espace pour préserver un accès à l’eau.

Cela soulève toute la question de l’équité sociale : une famille de classe moyenne, qui n’a pas les moyens de se payer un chalet en bordure d’un plan d’eau, se retrouve exclue. Ou doit payer des frais d’accès très élevés.

Pour une famille moyenne, verser 50 $ par jour pour descendre un bateau, ce n’est pas beaucoup demander si on n’y va qu’une fois. Mais ce l’est si on y va toutes les semaines.

Francis Girard, vice-président de l’Association des pêcheurs sportifs du Québec

Certains endroits proposent une vignette annuelle de 300 $, 400 $ ou 500 $. La facture monte vite si on ne veut pas se limiter à un seul site.

« Éventuellement, on peut dépenser 1000 $ pour descendre notre bateau à deux ou trois endroits, déplore M. Girard. C’est là que la question de l’accessibilité devient difficile. »

Il rappelle qu’en principe, les plans d’eau publics du Québec, soit les lacs et les cours d’eau, appartiennent à tout le monde.

« Quand on est riverain, on possède un terrain en bordure, mais on ne possède pas le plan d’eau. »

Il y a quelques années, l’Association des pêcheurs sportifs du Québec avait intenté un pourvoi afin de faire invalider des règlements de la municipalité d’Ivry-sur-le-Lac qui restreignaient sérieusement l’accès au lac Manitou. Le dossier n’a pas avancé.

« Avec la pandémie, ça a été mis de côté, l’audience a été reportée », se désole M. Girard.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Certains lacs sont accessibles, d’autres moins.

Les signataires de la lettre ouverte au premier ministre, regroupés sous le nom de Collectif pour un accès équitable aux plans d’eau, suggèrent quelques solutions, à commencer par l’imposition d’un moratoire aux municipalités riveraines sur tout changement relié à l’accès aux plans d’eau.

« Il s’agit d’arrêter ces décisions et de réfléchir ensemble à des solutions convenables, pérennes et équitables. »

Même si les Québécois privilégient la gratuité, les utilisateurs des plans d’eau devraient quand même s’attendre au versement de certains frais.

« C’est sûr que les infrastructures, faut que ça se finance, note Pierre Marquis, qui prône un dialogue avec les municipalités. Mais il faudrait une certaine standardisation des frais et ne pas avoir d’abus. »

Une solution serait ainsi de mettre en place un réseau de rampes d’accès au Québec, financé en partie par des frais d’adhésion.

« Ce serait un peu comme la Fédération des clubs de motoneigistes du Québec, déclare Francis Girard. Les membres paient 500 $ par année pour avoir accès à tous les sentiers au Québec. »

L’argent est redistribué en partie aux clubs locaux qui doivent utiliser ces sommes pour baliser et entretenir les sentiers. Dans le cas de l’accès aux plans d’eau, les municipalités pourraient ainsi utiliser une partie des frais d’abonnement pour entretenir les infrastructures.

« Il y a plusieurs solutions possibles, affirme Francis Girard. Il n’y en a aucune qui soit une solution miracle, mais c’est toujours mieux que les décisions prises par les municipalités, souvent sans véritable consultation publique. »

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Le chiffre de la semaine

158 : c’est le nombre de décibels que peut atteindre le chant de certaines cigales.