Seulement 65 secondes se sont écoulées entre le son de la cloche indiquant le début du combat et le moment où Steven Butler est monté sur le coin du ring pour célébrer sa victoire. Le Québécois venait de passer le K.-O. au Torontois Steve Rolls.

Voilà des jours que l’on répète que ce combat, le dernier d’une carte de huit duels jeudi soir au Casino de Montréal, était déterminant pour la suite de la carrière de Butler. Le moins qu’on puisse dire, c’est que le Montréalais a su gérer la pression et livrer la marchandise.

Vu la nature expéditive de la rixe, Butler était frais comme une rose en se présentant devant les journalistes.

« J’avais besoin d’une victoire convaincante, a-t-il lâché. C’est ce que je m’étais dit dans ma tête, que c’était le combat qui allait me donner un tremplin pour retourner dans les combats payants, les combats où je veux performer. »

« La vérité, c’est que j’ai tellement sacrifié de choses dans ma vie. J’ai tout donné. Mes enfants me manquent. Ils pleurent à l’école parce que papa n’est pas à la maison. C’est beaucoup d’émotions et ça paie. »

Les premières secondes du duel n’annonçaient pas une fin si précipitée ; aucune des frappes des deux pugilistes n’avait encore atteint sa cible quand Butler a décoché un puissant crochet de droite qui a déséquilibré Rolls. Le protégé de Camille Estephan y est ensuite allé d’une série de frappes de la gauche, avant que l’arbitre Yvon Goulet ne lui demande de s’écarter.

Aux médias, Butler a expliqué que sa stratégie était d’endormir son adversaire avec de multiples doubles jabs. « John Scully [son entraîneur] voulait que je le touche avec ma première droite. Je l’ai touché avec ma première droite. »

Ça, oui. Et pas qu’un peu.

« Il ne se rappelait plus de ce qui s’était passé. Il ne savait plus qu’il s’était fait knocker. Moi, je sais que j’ai la puissance pour knocker n’importe qui dans le monde. »

Le président d’Eye of the Tiger Management, Camille Estephan, était fier de son boxeur qui, dit-il, « était très confiant ». « J’ai vu comment il a fait le travail avec John Scully. Il l’écoute très bien. Il a tout ce qu’il faut. Il a l’expérience, la puissance. Un gars si puissant peut fermer les lumières aussi vite qu’on a vu [ce soir]. »

Le « boost d’énergie »

Butler a raconté sans gêne avoir eu un « boost d’énergie » en constatant, dans les jours précédant le combat, qu’il était considéré comme un « underdog » par la plateforme de paris en ligne Mise-o-jeu.

« Je me suis dit : ah ouais, le monde mise sur moi, ne me croit pas, n’a pas confiance en moi. J’ai commencé à lire un peu sur les réseaux sociaux et j’ai tout de suite lâché ça parce que le monde me voyait perdre, me faire knocker. »

« Ça, c’est une victoire pour tous ces haineux-là. Ils me souhaitent de perdre, de me faire mal. Moi, je ne souhaite à personne de se faire mal. Je suis un Québécois contre un Ontarien et je n’ai pas eu le soutien entier de tous les Québécois. Ça m’a affecté, ça m’a fait mal, mais on va rebondir, on va revenir, on va reconquérir le cœur des Québécois. »

À ceux qui seraient tentés de réduire l’accomplissement du Montréalais en parlant de l’âge de Rolls – il a 38 ans, soit dit en passant –, Butler a une réponse.

« C’est un nom ! Ne venez pas me sortir que Steve Rolls est vieux, qu’il est ci et ça. Je vais vous envoyer chier, tu comprends ? Steve Rolls, c’est un vétéran qui est bon. J’ai fait du sparring avec lui. Je n’avais pas le dessus et lui non plus. On avait du sparring de qualité. Je savais qu’avec des petits gants, ça allait être avantageux pour moi. »

« J’ai confiance en ma puissance depuis le début de ma carrière. Je ne mets juste plus l’accent juste sur ça. Comme vous avez pu voir, j’ai contrôlé avec le jab. J’ai attendu que mon timing vienne. Je suis rendu plus intelligent, je suis rendu à 28 ans. »

Butler a eu deux occasions de mettre la main sur un titre mondial au cours de sa carrière. À deux reprises, il a été vaincu. Mais il n’abandonne pas. Son objectif demeure le même.

« Camille m’a dit qu’on pourrait facilement mettre une ceinture top 15 ou 12. Ce n’est pas l’argent qui manquait au niveau du financement pour la ceinture. C’est juste qu’on va y aller étape par étape. »

« On ne se met pas de pression. J’ai 28 ans, je commence à atteindre mon peak de carrière. On va voir les opportunités et ce qui va arriver prochainement. »

Estephan a, de son côté, qualifié ce combat de « relance » pour la carrière de Butler. « Il a été sur ESPN+ aux États-Unis. Les gens voient que c’est un gars qui a un atout… C’est inné, ça. Tu l’as ou tu ne l’as pas, cette puissance-là. Il peut causer des dommages à n’importe qui. Là, il est plus organisé, il a plus d’expérience. J’y crois vraiment. »