Quand Kim Clavel a entendu le premier pointage de 95-95, son ventre s’est serré. Les deux autres cartes, de 96-94 et 98-92, l’ont probablement soulagée. Non, le cauchemar de l’automne dernier ne se répéterait pas.

Sans avoir totalement dominé, l’ex-championne mondiale a eu un net ascendant sur son adversaire, l’Espagnole Fara El Bousairi, jeudi soir, dans un Cabaret du Casino de Montréal chauffé à blanc.

Assez, à tout le moins, pour décrocher une victoire majoritaire pour son match de retour après sa défaite controversée contre Evelin Nazarena Bermudez, le 7 octobre à Laval. Comme son promoteur Yvon Michel, suspendu six mois par la suite, elle avait critiqué la décision.

« Moi, je ne parle plus des juges », a prévenu Clavel (18-2, 3 K.-O.) d’entrée de jeu après s’être fait lever le bras droit par l’arbitre Martin Forest.

Je suis contente de ma performance, vraiment. J’ai suivi notre stratégie, notre plan de match. J’étais en très bonne condition physique contre une adversaire lourde, imposante physiquement. J’ai su m’adapter avec mon style, ma rapidité. J’en suis sortie gagnante et c’est ce qu’on voulait.

Kim Clavel

Prudente, l’entraîneuse Danielle Bouchard était persuadée que sa protégée de longue date avait remporté l’affrontement.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Fara El Bousairi et Kim Clavel

« On n’est pas dans la tête d’un juge, a rappelé la technicienne. De notre côté, on se dit qu’il faut toucher le plus clairement possible et se faire toucher le moins possible. C’est exactement ce qu’on a fait. Les habiletés de boxe, c’est Kim qui les avait. […] On a peut-être perdu deux rondes, maximum trois. C’est vraiment ce qu’on voyait en étant sévères dans l’analyse. Comme Kim l’a si bien dit, on n’a pas de contrôle sur les résultats, mais Kim a eu le contrôle sur sa performance. Elle en a clairement fait plus qu’il en faut pour gagner ce combat-là. »

Un combat de qualité

Ce ne fut pas la guerre totale annoncée par El Bousairi (8-4, 3 K.-O.). La Marocaine d’origine, plus costaude, a livré un duel plus « organisé » et moins échevelé qu’on pouvait l’anticiper. Clavel ne s’est pas énervée, rivalisant avec sa vitesse, son jeu de pieds, et surprenant sa rivale avec plusieurs combinaisons de la gauche qui touchaient la cible.

« Elle est arrivée ici quand même déterminée », a convenu Clavel, accompagné de son père, Pierre, lors de la mêlée de presse. « C’était un beau combat de qualité contre une guerrière. Je lui lève mon chapeau. »

Elle n’est pas venue ici pour un chèque de paye. Elle est venue ici pour se battre. J’ai livré la marchandise, je suis contente de renouer avec la victoire. Ça fait du bien. Après une défaite, c’est toujours difficile de revenir. Je suis revenue la tête haute, fière. Je vais bien dormir.

Kim Clavel, à propos de son adversaire

Encouragée par les cris puissants de son coach, El Bousairi, à qui La Presse a donné deux rounds (98-92), a bien réparti son énergie. Au cinquième, très serré, elle a déployé ses meilleures frappes, atteignant la Québécoise avec quelques combinaisons. Des « coups de masse lourds » plutôt que les « coups de fouet » de Bermudez, a illustré celle qui en était la cible.

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Fara El Bousairi

Consciente de son retard, El Bousairi a conclu le 10e assaut de façon endiablée – au même titre que Clavel –, mais il était trop tard. Avec raison, les quelque 600 spectateurs ont ovationné l’Espagnole quand elle les a salués après la décision.

« Je veux lui faire mal »

Clavel a puisé de la motivation dans ce qu’elle a perçu comme de l’arrogance de la part d’El Bousairi, mais celle-ci ne lui a jamais tiré la langue comme elle le fait parfois.

« Elle a été assez propre, [elle donnait] de beaux coups de qualité, a reconnu la native de Joliette. Une bagarreuse, certainement. Elle voulait jouer un peu à l’intimidation, mais je n’ai pas embarqué dans son jeu. J’ai utilisé mes jambes, j’ai utilisé tout le ring. Je suis très fière de ma performance. »

Bouchard a noté que son élève s’est davantage appuyée sur ses frappes de puissance, qui ont pincé l’Espagnole de façon constante. « Le choix de ses coups était pour dire : je veux lui faire mal. »

Elle avait quand même une bonne défensive en corps à corps, mais quand j’ai réussi à garder ma distance et jouer avec mes pieds, c’est là que ça tournait à mon avantage.

Kim Clavel

Le message est clair pour la principale intéressée, qui attend une autre convocation pour une ceinture mondiale, que se partagent l’Argentine Bermudez et la Mexicaine Yesica Nery Plata, les pugilistes qui lui ont infligé ses deux seuls revers.

Kim est toujours là, Kim a envie de victoires, Kim a toujours envie de devenir championne du monde. Maintenant, c’est le travail du promoteur de me ramener là et j’ai confiance en Yvon.

Kim Clavel

La date de son prochain duel est déjà convenue : le 16 mai, encore au Casino. En l’absence de blessure ou de coupure, le rendez-vous tient toujours.

« Je vais prendre quatre, cinq jours de repos et on va recommencer dans le gym. Ça va être une continuité parce qu’on s’entend qu’on va être en forme dès le début du camp. »

Yvon Michel, qui a suivi son gala à distance, peut souffler et se remettre sur le téléphone.