Rédemption complétée. À peine 50 semaines après son retour à la compétition, Vanessa Lepage-Joanisse est devenue championne du monde du World Boxing Council (WBC) chez les lourdes, jeudi soir, au Casino de Montréal.

La native de Saint-André-Avellin l’a enfin, sa ceinture. Dans un combat sans merci, où elle a dû encaisser de nombreuses lourdes frappes, Lepage-Joanisse a vaincu l’Argentine Abril Vidal par décision partagée.

Le suspense a duré jusqu’à la dernière seconde, littéralement. L’animateur a annoncé la première carte : 97-93 en faveur de Lepage-Joanisse. Puis la deuxième : 96-94 pour Vidal. Les deux boxeuses avaient les bras dans les airs au moment où l’animateur a complété : 97-93 pour Lepage-Joanisse, qui exultait.

La championne est apparue le visage tuméfié, le nez encore ensanglanté, devant les médias quelque 10 minutes après sa victoire. Sur son épaule reposait sa jolie ceinture verte.

PHOTO RYAN REMIORZ, LA PRESSE CANADIENNE

Vanessa Lepage-Joanisse l’a emporté par décision partagée des juges.

« Je vais essayer de ne pas me laisser emporter par les émotions… », a-t-elle lâché alors qu’une larme apparaissait au coin de son œil droit.

« J’ai tellement travaillé fort depuis plein d’années. Enfin, ça rapporte. Je suis juste fière. Vraiment, c’est beaucoup de cheminement, de sacrifices. »

Je suis fière de moi, de mon équipe. Merci à tout le monde qui est là depuis le début et à ceux qui se sont ajoutés après. Cette ceinture-là, ce n’est pas juste moi, c’est toute une équipe.

Vanessa Lepage-Joanisse

Il y a sept ans, en août 2017, Lepage-Joanisse était montée sur le ring pour tenter de remporter ce même titre ; elle s’était fait passer le K.-O. par la Mexicaine Alejandra Jiménez, qui, a-t-on appris plus tard, était dopée. C’est, encore à ce jour, la seule défaite de sa carrière. La Québécoise a traversé nombre de défis à la suite de ce revers, notamment un accident de voiture, une dépression, une prise de poids considérable, puis une importante perte de poids.

« Le but [en revenant à la compétition], c’était de mettre mon championnat du monde de 2017 de côté. Je ne pensais pas me rendre ici 50 semaines plus tard et mettre cette ceinture-là. C’est un long chemin, mais vraiment, je suis fière. »

Avec cette victoire, Lepage-Joanisse devient la première, chez Eye of the Tiger Management (EOTTM), depuis David Lemieux, à décrocher un championnat du monde.

Adaptation payante

Lepage-Joanisse peut dire merci à sa capacité d’adaptation ; c’est ce qui lui a permis de remporter ce combat.

Les deux pugilistes sont passées à l’attaque dès le son de la cloche. Aucune ne se défendait, si bien que toutes deux ont été touchées solidement à la tête. « Y en a dix, des rounds ! », a même crié un spectateur, invitant la Québécoise à ralentir le rythme et à ménager ses forces.

J’essayais d’embarquer comme dans une guerre de rue. C’était des grosses bombes. Mes coachs me disaient : “Arrête, ce n’est pas ça qu’on veut, ce n’est pas une bataille de rue. Vanessa, t’es capable de bien boxer, pense à la stratégie, à tes feintes.”

Vanessa Lepage-Joanisse

Après un deuxième round à l’avantage de Vidal, Lepage-Joanisse a semblé plus calme au troisième round. Plus prudente, elle se défendait plus adéquatement, tout en décochant quelques bonnes combinaisons. Elle a néanmoins reçu de bonnes frappes au visage en fin de round, et du sang est apparu sous son nez.

Au quatrième et au cinquième, Lepage-Joanisse a touché davantage sa cible. Vidal semblait plus dérangée. « Vany ! Vany ! Vany ! », ont scandé les spectateurs avant le sixième round, alors que le médecin demandait d’examiner l’oreille en sang de la Québécoise. Dans les gradins, on pouvait notamment apercevoir une Marie-Pier Houle attentive, qui a même crié quelques conseils à son amie.

PHOTO RYAN REMIORZ, LA PRESSE CANADIENNE

Le combat que se sont livré Vanessa Lepage-Joanisse et Abril Vidal a été sans pitié.

Plus les rounds passaient, plus Lepage-Joanisse s’adaptait à son adversaire. Elle calculait davantage ses attaques, tout en tentant de contrer les contre-attaques de Vidal.

« Je pense que j’ai fait les ajustements qu’il a fallu pour ces combats-là. En camp d’entraînement, on m’a mise dans des situations auxquelles je pouvais m’adapter. J’étais contente quand mon coach m’a dit : “On va travailler plus des une-deux, on ressort.” Je l’avais pratiqué, donc ç’a juste été : parfait, on change de stratégie, on se replace. Finalement, c’est la touche qui a fait que j’ai remporté ce combat-là avec des entrées et des ressorties.

« Au huitième round, je me suis assise et j’avais le sourire. Je me suis dit : OK, j’ai gagné l’avance. C’est là que j’ai senti que j’avais pris le dessus dans le combat parce que je voyais que c’était serré.

« On ne m’a pas dit que j’avais l’avance, mais mon coach savait que c’était serré. Il m’a dit : “Là, il reste deux rounds, il faut des shots de puissance avec beaucoup d’explosion de jambes, mais sans laisser la tête immobile.” »

Elle a suivi ces conseils à la lettre. Et elle a obtenu le résultat souhaité.

Soirée parfaite pour Eye of the Tiger

Ce fut une longue, mais surtout fructueuse soirée pour Eye of the Tiger Management avant le combat final opposant Steven Butler à Steve Rolls. Après Joanisse, l’Allemand Osleys Iglesias, qui n’avait pas fait le poids la veille, a passé le K.-O. à l’Argentin Marcelo Coceres dès le premier round.

Dans le combat précédant celui de Joanisse, le Torontois Arthur Biyarslanov, nouvellement mis sous contrat par EOTTM, a malmené le Chilien Cristián Palma. Ce dernier n’a jamais été dans le coup. Biyarslanov est venu à bout de son opposant grâce à une série de crochets au corps en fin de troisième round. Résultat : victoire par K.-O. technique.

Auparavant, Luis Santana a vaincu le Floridien Emiliano Garcia par K.-O. technique. Au premier round, le Montréalais a paru beaucoup plus convaincant que son adversaire. Dans les dernières secondes, il a atteint Garcia sous la ceinture ; ce dernier a mis de longues minutes pour se relever, devant une foule impatiente. Il a fallu 1 min 31 s au deuxième round pour que Santana projette son adversaire au sol d’un lourd crochet de la droite.

Mehmet Unal a remporté son combat contre l’Argentin Facundo Galovar par décision unanime (80-72, 80-72 et 79-23). Après deux premiers rounds somme toute assez partagés, Unal a pris l’ascendant. Galovar, dont la quantité d’énergie semblait baisser à vue d’œil, se défendait de moins en moins bien devant les attaques du Montréalais au fil des rounds. Unal a donné beaucoup plus de coups qu’il n’en a reçus, mais son adversaire, pour le moins tenace, s’est tenu debout jusqu’à la fin.

Un peu plus tôt, le Montréalais Jhon Orobio a passé le K.-O. technique à son adversaire pour la sixième fois en six combats chez les professionnels. Cette fois-ci, c’est l’Argentin Cristián González qui a été sa victime. Expressif, ce dernier narguait Orobio lors du premier round, secouant la tête chaque fois que le Québécois le frappait. Au deuxième round, affecté par les nombreux coups, González s’est laissé tomber au sol une première fois avant de se relever. Orobio a repris de plus belle avec des coups tout en puissance, forçant l’Argentin à s’avouer vaincu.

Wilkens Mathieu, qui a été le premier à monter sur le ring sur le coup de 19 h, a offert une leçon de boxe au Tchèque Patrik Fiala. Leçon qui s’est conclue avec un K.-O. technique dès le deuxième round. Mathieu a envoyé son adversaire au sol d’un solide jab de la gauche. Fiala s’est relevé, mais l’arbitre a mis fin au combat dans les secondes qui ont suivi. Pour le natif de Québec, il s’agit d’une huitième victoire en huit combats, et d’une cinquième par K.-O.