Le CF quittera-t-il Montréal comme les Expos ?

Cette question, je l’ai entendue plusieurs fois cette saison. Tant au stade Saputo que sur les réseaux sociaux. Une préoccupation nourrie par une petite masse salariale, la vente de joueurs vedettes et un propriétaire de plus en plus absent. Or, les partisans n’ont rien à craindre, assure le président Gabriel Gervais.

« On est là pour rester. »

C’est ce qu’il a confié aux journalistes de La Presse lors d’une entrevue de 80 minutes, mardi. Une rencontre au cours de laquelle on a aussi appris que le propriétaire, Joey Saputo, est « plus connecté au club que vous ne le pensez ». Que les cotes d’écoute sont en hausse de 9 % depuis un an. Que l’équipe aura 10 000 abonnés la saison prochaine, un record. Et que le CFM planche sur un très gros projet : une rénovation majeure du stade Saputo. Les analyses sont déjà terminées. Pour vous donner une idée, si le CF va de l’avant, le club devra trouver un nouveau domicile en ville pour « une ou deux saisons ».

Je sais, je sais, c’est beaucoup d’infos pour un seul paragraphe. Comme si je vous forçais à manger un gâteau entier en une seule bouchée. Découpons-le donc en petites parts.

Premier morceau : Joey Saputo. Pendant longtemps, il était partout. Quand j’écris partout, c’est vraiment partout, jusque sur le terrain, en train d’engueuler l’arbitre. Sauf que depuis un an, ses présences sont plus rares. Plus espacées. Des partisans craignent qu’il se désintéresse de son club. Et dans le sport professionnel, loin des yeux, loin du cœur, c’est rarement une formule gagnante.

Gabriel Gervais garantit que Joey Saputo et les autres membres de sa famille qui siègent au conseil d’administration du CFM restent impliqués.

« Ils sont très présents. Plus présents que les gens le pensent, indique-t-il. Je vois le C.A. de façon périodique. Une fois par mois. C’est ce que la famille souhaite. Les grandes décisions sont prises de concert avec le conseil. Après, mon équipe exécutive et moi sommes imputables des décisions.

« [Joey] m’a mis en place comme président. Il a fait venir Olivier Renard avant ça. Olivier et moi étions tous les deux présents lors du dernier match local. Joey, lui, est à Bologne présentement. Il a d’autres entreprises dans son portfolio. S’il choisit d’être en Italie, c’est parce qu’il nous fait confiance. Croyez-moi, il est plus connecté au club que vous le pensez. C’est un peu ironique. Quand il est ici, on dit qu’il est trop ici. Quand il n’est pas là, on dit qu’il n’est pas assez là. »

Ces derniers mois, il a beaucoup été question à l’interne d’Horizon 2027. C’est quoi ? Le plan de Gabriel Gervais pour rapprocher le club de la rentabilité.

Le CF ne s’en est jamais caché : depuis son entrée en MLS, il a perdu près d’une dizaine de millions de dollars par année. L’acquisition de joueurs vedettes, dans les premières saisons, a coûté cher. Les spectateurs ont adoré. Mais Gabriel Gervais estime que « ce n’était pas garant de succès sur le terrain ni de rentabilité. Après ça, tu changes ton fusil d’épaule. OK, on sera un club formateur. On va miser sur les jeunes et la vente de joueurs. C’est comme ça qu’Olivier Renard est venu, car il avait déjà fait ça dans le passé. On a démontré qu’on peut être compétitifs. Qu’on peut remplir le stade. Qu’on peut aspirer à ce qu’il y a de plus haut dans la ligue. »

En 2022, le CF Montréal a connu de grands succès grâce à cette stratégie. Cette année ? Ce fut plus difficile. L’équipe a connu un début de saison catastrophique. Le pire de l’histoire de la MLS. Elle ne s’est pas qualifiée pour les séries non plus. Un échec que les partisans les plus fidèles ont imputé au sous-investissement dans la formation. Le CFM n’avait par exemple qu’un seul joueur désigné, sur une possibilité de trois.

Gabriel Gervais s’en défend.

On a investi près de 5 millions US [dans l’acquisition de joueurs]. On a investi dans les améliorations de nos infrastructures. On a investi dans notre programme féminin, avec BMO. On a investi beaucoup dans l’académie. Peut-être que ce n’est pas concret pour les gens, mais il y a énormément d’investissements qui sont faits.

Gabriel Gervais, président du CF Montréal

Et là, il y a un très, très gros investissement dans les cartons.

Le stade.

Oubliez un nouveau domicile au centre-ville, ou un déménagement permanent au Stade olympique. « Notre maison, c’est ici », clame-t-il, en ouvrant les bras vers le terrain du stade Saputo.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Le stade Saputo

Le projet ?

Ajouter des sections « premium », hyper payantes. En ce moment, les 6 % de sièges premium génèrent 30 % des revenus de billetterie. C’est nettement inférieur aux normes des nouveaux stades de la ligue (20 % de sièges premium, pour 70 % des revenus). La croissance du club passe en grande partie par ces nouvelles sections. Le club souhaite également hiverniser le stade, pour y disputer des parties toute l’année.

Les analyses sont terminées.

La prochaine étape ?

Ça va dépendre des plans du Parc olympique, l’organisme qui gère le Stade olympique et les espaces publics autour du stade Saputo.

Une variable très importante, c’est la toiture du Stade olympique. On joue des matchs là en début de saison, et parfois en séries. On attend de savoir quels sont la vision globale, l’échéancier et l’ampleur des travaux [là-bas].

Gabriel Gervais, président du CF Montréal

Car le CF Montréal ne veut pas se retrouver avec deux stades inutilisables en même temps. « On doit se demander comment ces deux chantiers peuvent s’agencer. C’est crucial. »

Dans « le pire des cas », le projet de rénovation du stade Saputo prendra trois ans, estime-t-il. Ça pourrait être plus rapide. « Un an de planification, puis une fermeture d’une à deux saisons. » Et pour ceux qui se le demandent, non, il n’est pas question de partager le stade Saputo avec les Alouettes.

Est-ce que tous ces projets rassureront les amateurs de sport encore traumatisés par le départ des Expos ?

Gabriel Gervais rejette la comparaison avec l’ancienne équipe montréalaise de baseball qui, faute de pouvoir payer ses meilleurs joueurs, les échangeait avant leur apogée. Jusqu’à ce que le pipeline d’espoirs se tarisse, que les partisans s’en lassent et que la franchise déménage à Washington.

« Je ne pense pas que ce soit un bon parallèle. Nous, on est ici pour rester. Oui, il y a cette envie chez un jeune joueur d’avoir des aspirations. D’aller en Europe. Mais d’autres, comme Mathieu Choinière et Jonathan Sirois, ont dit qu’ils sont heureux ici. Ils veulent continuer de jouer en MLS. Ils veulent être sélectionnés au sein de l’équipe nationale. On l’a vu avec Mathieu et Samuel Piette, qui ont été rappelés pour un match contre le Japon. Tu peux avoir une belle carrière avec le CF Montréal. »

Racisme à Gatineau

Dans ma chronique de samedi dernier sur le racisme au sein d’une équipe de hockey M15 de Gatineau, j’ai fait référence au rapport de l’avocat Jules Bernier, embauché par Hockey Québec pour mener une enquête indépendante sur cette histoire. J’ai cité MBernier, selon qui l’enquête interne menée par Midget AAA Gatineau « n’a pas été faite dans les règles de l’art ». Notez que le Comité de protection de l’intégrité (CPI) est d’avis contraire. Bien que le CPI ait retenu partiellement deux plaintes contre les administrateurs de Midget AAA Gatineau, il « ne voit pas de négligence de la part [d’Alain] Sanscartier sur cet aspect », soit l’enquête interne, rapporte Le Droit.