(Doha) Le premier tour est terminé. Ce que j’en retiens ? D’immenses surprises sur le terrain et d’intenses crises politiques dans les coulisses. Qui sont les gagnants et les perdants jusqu’ici ? L’enveloppe, s’il vous plaît.

Les gagnants

Les spectateurs

La FIFA a décidé de combattre les temps morts. Donc chaque seconde perdue par un joueur au sol, une substitution qui s’allonge ou une célébration qui s’étire est désormais compensée avec du temps d’action, à la fin de chaque demie. Ça nous a donné les matchs de premier tour les plus longs de l’histoire de la Coupe du monde. Maintenant, qui se plaindra de cinq minutes supplémentaires de véritable jeu, au lieu de cinq minutes gaspillées par du tataouinage ? Ni vous ni moi.

Les Japonais

Vaincre les Allemands était déjà un exploit. Battre les Espagnols en plus ? C’était inespéré. Encore plus incroyable : dans ces deux matchs, les Japonais n’ont presque pas touché au ballon. Seulement 26 % du temps contre les Allemands, et 17 % (!) contre les Espagnols. C’est le plus faible taux de possession d’une équipe gagnante d’une partie à la Coupe du monde. Pas juste cette année. Dans toute l’histoire. Une leçon d’opportunisme.

Les Marocains

Une des meilleures formations défensives du tournoi. Elle n’a concédé qu’un seul but, et c’était un centre dévié par un de ses propres joueurs dans son filet. Après l’élimination des Qataris, des Saoudiens et des Tunisiens, les Marocains sont les derniers représentants du monde arabe dans cette compétition. Leur base de partisans, ici, est passionnée, bruyante et intimidante. « Les partisans marocains étaient déchaînés », a raconté le défenseur canadien Alistair Johnston, après la partie de jeudi. « C’est l’ambiance la plus folle dans laquelle j’ai évolué. Jouer au stade Azteca [à Mexico], ce n’est rien comparé à ce que nous venons de vivre. »

Stéphanie Frappart

L’arbitre française est devenue, jeudi, la première femme dans l’histoire à diriger une partie de la Coupe du monde masculine. À souligner, pour le match Allemagne-Costa Rica, elle était aussi assistée par deux femmes.

Les perdants

Les Belges

PHOTO OZAN KOSE, AGENCE FRANCE-PRESSE

La Belgique n’a pas réussi à accéder aux huitièmes de finale.

Lady Pagaille et Capitaine Twist se sont invités dans le camp belge, où les vétérans ont passé la Coupe du monde à laver leur linge sale au beau milieu du souk. « Je pense que nous n’avons aucune chance de gagner, nous sommes trop vieux », s’est d’abord plaint Kevin De Bruyne. Le défenseur de 35 ans Jan Vertonghen, qui s’est sûrement senti visé, a répondu : « Je suppose qu’on attaque mal, car on est aussi trop vieux devant. » Puis Eden Hazard a dû se défendre de s’être battu avec Vertonghen, comme l’a rapporté le journal L’Équipe. « Il y a eu une discussion à l’hôtel, mais nous ne nous sommes pas battus. Je ne suis pas bête non plus. Il est plus grand que moi ! » La Belgique, qui misait sur 12 joueurs trentenaires ici, a battu le Canada, mais ce fut insuffisant pour passer dans la ronde des 16.

Les Allemands

« C’est assurément la fin d’une grande nation du foot », s’est prononcé le quotidien Bild, après l’élimination hâtive de l’Allemagne. « Il ne faut pas chercher trop loin pour dénicher les principaux coupables : la fédération, l’entraîneur et les joueurs. » Ça fait quand même pas mal de monde. Les Allemands n’ont que deux ans devant eux pour requinquer leur programme, avant d’être les hôtes de l’Euro 2024. Ce sera difficile, après ce qu’ils ont démontré ici.

Les Mexicains

Pour la première fois depuis 1990, El Tri n’est pas parvenu à se qualifier pour le deuxième tour. « Nous sommes embarrassés et devons présenter nos excuses », a déclaré un des patrons de la sélection, après la victoire trop courte (2-1) contre l’Arabie saoudite, un résultat insuffisant pour passer au tour suivant. L’entraîneur-chef, Tata Martino, lui, est déjà parti. « Mon contrat a pris fin aussitôt que l’arbitre a sifflé la fin de la rencontre », a-t-il indiqué. Le Mexique, qui sera l’un des hôtes de la prochaine Coupe du monde, en 2026, possédait la deuxième formation parmi les plus âgées de ce tournoi, après l’Iran. Il lui reste quatre ans pour développer une relève digne de sa riche tradition footballistique.

La FIFA et les droits de la personne

Le Qatar, vous l’aurez compris ces derniers jours, n’est pas le champion du monde des droits de la personne. Sa répression envers les membres de la communauté LGBTQ+ et la façon dont furent traités les travailleurs migrants, sur les chantiers de la Coupe du monde, lui ont valu un tsunami de critiques des sociétés occidentales. Réaction du président de la Fédération internationale : « Je pense qu’après ce que nous avons fait, nous Européens, depuis 3000 ans, nous devrions nous excuser pour les 3000 prochaines années avant de faire la morale aux autres. » Dans les jours suivants, la FIFA s’est lancée dans une guerre contre les brassards arc-en-ciel que des capitaines voulaient porter, pour soutenir la communauté LGBTQ+ ostracisée au Qatar. Un geste d’une hypocrisie crasse, considérant que le reste de l’année, la FIFA fait des campagnes de sensibilisation contre la discrimination envers les membres de la même communauté. Pour ses incohérences, son je-m’en-foutisme des droits de la personne et sa servilité envers des régimes autocrates, la FIFA mérite un carton rouge.