Avec un semblant de reprise de la tête à la 54minute, Cristiano Ronaldo a voulu faire croire qu’il avait marqué le but gagnant du match opposant le Portugal à l’Uruguay, qui a qualifié lundi la Seleção das Quinas en huitièmes de finale de la Coupe du monde au Qatar.

Aussitôt qu’il a aperçu le ballon franchir la ligne des buts, Ronaldo s’est dirigé vers le poteau de coin, sautant en pivotant sur lui-même, au son du désormais célèbre cri « Siuuuu » qui a résonné parmi les quelque 89 000 spectateurs du stade Lusail de Doha. Une manière bien ostentatoire de signifier à tous que ce but d’une subtilité invisible à l’œil nu était bien le sien.

Le but a plutôt été accordé quelques minutes plus tard par la FIFA à celui qui avait centré le ballon vers la cage uruguayenne, le meneur de jeu du Portugal et (tout juste) ex-coéquipier en club de CR7 à Manchester United, Bruno Fernandes.

Les deux Portugais sont réputés en froid depuis que Ronaldo a accordé une entrevue controversée à l’animateur anglais Piers Morgan à propos de tout ce qui ne tourne pas rond – autour du ballon – à Manchester. Et qui a valu au prolifique attaquant de 37 ans une rupture de contrat quasi immédiate avec le club qui l’a révélé à la planète.

Ce n’est sans doute pas en s’appropriant le but de Bruno que Cristiano fera taire les rumeurs d’une mésentente entre eux. Sans l’intervention de Ronaldo, Fernandes n’aurait pas déjoué le gardien uruguayen avec ce ballon rentrant. Mais en réclamant ce but marqué « un peu avec un courant d’air et un peu avec le cheveu de Dieu » – pour détourner la célèbre réplique d’un autre meilleur joueur de tous les temps –, Ronaldo ajoute une pierre à l’édifice de son égocentrisme.

On me dira, avec raison, qu’on ne marque pas 118 buts en sélection nationale sans « jouer perso ». Surtout quand on a perdu sa pointe de vitesse. Il reste que pour moi, qui suis le parcours de Cristiano Ronaldo et admire son jeu depuis près de 20 ans, ce but-qui-n’est-pas-le-sien-mais-qu’il-s’attribue-néanmoins résume sa personnalité. Pour le meilleur et pour le pire.

« Qui a marqué le premier but entre Ronaldo et Bruno Fernandes ? Je pense que c’était un grand match et le reste ne compte pas », a déclaré en conférence de presse le sélectionneur du Portugal, Fernando Santos. Voilà comment on éteint un feu naissant devant les médias. John Herdman devrait prendre des notes.

La vedette de ce match remporté 2-0 par le Portugal fut sans contredit Bruno Fernandes. Il a converti un pénalty qu’il a lui-même obtenu au début des arrêts de jeu, après qu’un petit pont sur Sebastián Coates a bifurqué sur la main du défenseur dans la surface de réparation. Le numéro 8 a bien failli transformer son doublé en triplé, lorsque son tir a frappé le poteau à la 98minute.

PHOTO KIRILL KUDRYAVTSEV, AGENCE FRANCE-PRESSE

Bruno Fernandes

Le match a donné lieu à des vagues successives d’attaques de part et d’autre. Bruno Fernandes était au cœur de l’action, relayant quantité de ballons. Le Portugal a dominé la possession avec des phases de jeu inspirées mais aussi beaucoup de tirs précipités de ses attaquants, de l’extérieur de la surface de réparation. L’Uruguay a surtout anticipé la contre-attaque.

Federico Valverde, qui a un début de saison exceptionnel au Real Madrid, a eu peu d’emprise sur le match. Rodrigo Bentancur, qui trouve enfin ses marques à Tottenham, s’est créé toute une occasion à la 32minute, effaçant milieux et défenseurs portugais grâce à un slalom élégant depuis le milieu du terrain. Le gardien Diogo Costa a eu de la chance d’amortir le tir de Bentancur avec son arrière-train…

Le sélectionneur uruguayen Diego Alonso a tardé à faire entrer les attaquants Luis Suárez et Maxi Gómez (à la 72minute) pour Edinson Cavani et Darwin Núñez, plutôt effacés. L’attaque uruguayenne a été aussitôt redynamisée. Gómez a frappé le montant et Suárez a fait bouger l’extérieur du petit filet. Le vent avait tourné, mais c’était trop peu, trop tard.

Il s’agissait en quelque sorte d’une revanche pour le Portugal, éliminé en huitièmes de finale du Mondial russe il y a quatre ans par l’Uruguay, 2-1.

La Celeste, qui a fait match nul contre la Corée du Sud en lever de rideau, n’est pas encore éliminée. Elle devra obtenir un résultat contre le surprenant Ghana à son ultime match de groupe pour se qualifier. Et espérer répéter l’exploit d’une victoire en Coupe du monde, qui l’esquive depuis 1950, après un premier sacre au tout premier Mondial de 1930.

« Nous sommes des négligés » a déclaré Cristiano Ronaldo dans sa fameuse entrevue à Piers Morgan, une semaine avant le coup d’envoi du Mondial. Les Portugais le sont moins que ce que laisse entendre son prolifique attaquant, même s’ils n’ont jamais remporté une Coupe du monde.

Certes, les Portugais se sont qualifiés par la peau des fesses, grâce à deux buts en finale des éliminatoires de Bruno Fernandes face à la Macédoine du Nord (qui avait éliminé l’Italie). Mais cette Seleçao portugaise, bien au-delà de Cristiano Ronaldo, est extrêmement équilibrée et talentueuse, avec ses Bernardo Silva, Rúben Neves, Rúben Dias, João Félix, Rafael Leão et João Cancelo, peut-être le meilleur latéral droit du soccer mondial. Cette équipe a tout ce qu’il faut pour se rendre loin dans le tournoi, malgré la blessure subie lundi par le défenseur Nuno Mendes, dont les larmes semblaient trahir qu’il ne rejouera pas de sitôt.

Une anecdote pour finir : d’ordinaire, les réalisateurs des matchs – et pas seulement en Coupe du monde – s’efforcent de ne pas filmer les spectateurs qui perturbent le jeu en courant sur le terrain. Lundi, on a bien vu le drapeau arc-en-ciel d’un manifestant fuyant les agents de sécurité, qui portait un t-shirt en soutien à l’Ukraine et aux femmes iraniennes. Le symbole LGBTQ+ a ensuite été ramassé par l’arbitre. Je ne serais pas surpris que quelqu’un, dans l’équipe de télédiffusion de la FIFA, l’ait fait exprès…