(Doha) Vous avez vu le match. Vous avez renversé votre jus de pamplemousse frais lorsque Alphonso Davies a compté le premier but du Canada en Coupe du monde, après seulement 68 secondes de jeu. Vous avez cru aux chances de victoire pendant la première demi-heure de jeu. Puis les Croates ont désactivé le frein à main, ils ont enfilé quatre buts de suite, et boum, les Canadiens sont déjà éliminés.

J’y reviens dans un instant.

Mais avant, un mot sur ce que vous n’avez pas vu.

L’affrontement qui s’est poursuivi en coulisses, après la partie.

Pas de coups, pas de rififi, pas d’échauffourée, mais beaucoup d’insolence. Les Croates se sont payé la traite en ridiculisant l’entraîneur-chef du Canada, John Herdman, qui avait déclaré à la télévision la semaine dernière que ses joueurs allaient « EFFE les Croates ».

« Je veux remercier l’entraîneur du Canada de nous avoir motivés », s’est moqué Andrej Kramarić, auteur de deux buts. « À la fin, la Croatie a démontré qui EFFE qui. »

PHOTO MARTIN MEISSNER, ASSOCIATED PRESS

John Herdman

L’entraîneur-chef de la Croatie, Zlatko Dalić, a lui aussi piqué Herdman. Il lui a reproché de ne pas être venu lui serrer la main, après la partie, comme le veut la tradition. En effet, Herdman s’est dirigé directement vers le centre du terrain, où ses joueurs étaient affligés par leur défaite.

« Peu importe le résultat, a déclaré Dalić, j’aime toujours féliciter le gagnant. Mais lui n’était pas là. C’est sa façon de faire. […] Il était visiblement fâché. C’est un coach de grande qualité, mais ça va lui prendre du temps pour comprendre certaines choses… »

À jouer avec des allumettes, Herdman a mis le feu, et s’est brûlé. Lorsqu’un journaliste de la BBC lui a demandé s’il regrettait ses commentaires, Herdman a d’abord dit non, avant de faire un acte de contrition.

J’aurais pu être un peu plus calme en sortant de notre caucus. J’en ai pris une sur le menton. J’apprendrai de cela.

John Herdman, sélectionneur de l’équipe canadienne

Herdman a également dû défendre des choix tactiques douteux. Notamment celui d’avoir laissé trop longtemps le capitaine Atiba Hutchinson dans la rencontre. Le vétéran en arrachait sur ses replis défensifs. « Le plan était de le retirer vers la 55minute. Il m’a dit qu’il voulait continuer, qu’il voulait nous garder dans le match grâce à son leadership. »

Après, on ne peut quand même pas reprocher à John Herdman d’avoir échappé la couverture sur Andrej Kramarić ou Marko Livaja. Il n’était pas sur la surface de jeu, où les Canadiens ont perdu la rencontre. Il n’était pas au milieu du terrain, où ses troupes ont été incapables de contenir le talentueux trio croate formé de Luka Modrić, Marcelo Brozović et Mateo Kovačić.

La différence de talent était évidente, surtout dans les affrontements entre les défenseurs canadiens et les attaquants adverses. Les Croates formaient une opposition beaucoup plus forte que tout ce que les Canadiens avaient affronté dans le tournoi de qualification de la CONCACAF. D’ailleurs, les quatre équipes de la région – le Canada, les États-Unis, le Mexique et le Costa Rica – n’ont gagné qu’un seul de leurs huit matchs ici. Leur différentiel total de buts ? - 12.

Dans la défaite, il y a quand même eu du positif. Alphonso Davies a inscrit le premier but de l’histoire du Canada en Coupe du monde, lorsqu’il a dévié un centre parfait de Tajon Buchanan avec une jolie tête. « Je ne pense pas qu’on leur ait rendu la vie facile ce soir, a commenté John Herdman. Peut-être les Croates sont-ils en train de célébrer en ce moment, et c’est super pour eux. Ils ont compté quatre buts, ils le méritent. Mais je pense qu’il y avait beaucoup de fierté dans notre performance. Je pense qu’il y a eu des moments où Alphonso Davies, Tajon Buchanan, Atiba Hutchinson, Junior Hoilett et Jonathan Osorio, tous de jeunes hommes qui ont grandi au Canada, se sont présentés et étaient compétitifs. »

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Tajon Buchanan

Les plus jeunes, ceux qui seront encore là pour le cycle de 2026, apprendront énormément de cette défaite, et de façon plus générale, de cette Coupe du monde. « Nous n’étions pas venus ici juste pour participer », a précisé Alistair Johnston après la rencontre. Sur ce point, c’est mission accomplie. Les Canadiens n’ont pas causé de dommages, mais ils se sont fait un nom. Ils se sont fait une idée, aussi, de leur valeur. De leurs forces. De leurs faiblesses. De ce qu’ils devront améliorer, dans les quatre prochaines années, pour passer au tour suivant.

Les joueurs canadiens sont fiers. Ambitieux. Réceptifs. Le cœur de l’équipe est encore jeune. La génération dorée entame à peine son cycle. Il y a quatre ans, Alistair Johnston, Kamal Miller et Tajon Buchanan jouaient à l’université. Dimanche, ils étaient tous dans la formation partante. Dans quatre ans, ils seront encore dans la fleur de l’âge, tout comme Alphonso Davies, Jonathan David, Stephen Eustáquio et Ismaël Koné. D’autres jeunes – inconnus pour le moment – viendront les rejoindre, inspirés par ce qui vient de se produire.

L’avenir est prometteur.

Et peut-être que dans quatre ans, dans une Coupe du monde présentée à la maison, les Canadiens seront assez forts pour f… oudroyer leurs adversaires.