Le sport et la modestie ne sont pas des alliés naturels.

« Appelez-moi Basketball Man », a déjà demandé LeBron James. « Je suis arrivé comme un roi, je suis parti comme une légende », s’est exprimé Zlatan Ibrahimovic après son passage au PSG. Le basketteur Dwight Howard, lui, aimait se comparer à Nelson Mandela. Et c’est sans compter tous les athlètes qui parlent d’eux-mêmes à la troisième personne du singulier.

Mais ces citations sont des modèles d’humilité lorsqu’on les compare aux propos tenus mardi par la nouvelle présidente du conseil d’administration de Hockey Canada, Andrea Skinner. Ça s’est passé lors d’un échange avec des députés fédéraux, dans le cadre du Comité permanent du patrimoine canadien, chargé d’enquêter sur la gestion des dossiers d’agression sexuelle par Hockey Canada.

Andrea Skinner passait un mauvais quart d’heure. Les élus enchaînaient les critiques envers Hockey Canada. Ils se demandaient pourquoi ses dirigeants étaient toujours en poste.

« Je pense qu’il existe un risque important pour l’organisation si tout le conseil d’administration démissionne, et que tous les hauts dirigeants ne sont plus là », a d’abord répondu Andrea Skinner.

Hummm…

Non. Mais bon, laissons-la quand même exposer ses arguments.

« Je pense que cela aura un impact très négatif sur nos garçons et nos filles qui jouent au hockey. Les lumières resteront-elles allumées à l’aréna ? Je ne sais pas. Nous ne pouvons pas le prédire, et pour moi, ce n’est pas un risque qui vaut la peine d’être pris. »

Siri, recule de dix secondes s’il te plaît.

« Les lumières resteront-elles allumées à l’aréna ? Je ne sais pas. »

Attendez, ça ne se peut pas. Faut que ce soit une hallucination auditive. Siri, recule encore de cinq secondes, s’il te plaît.

« Les lumières resteront-elles allumées à l’aréna ? Je ne sais pas. »

J’ai réécouté l’extrait cinq fois. Oui, Andrea Skinner dit bel et bien cela (en anglais). Si nos enfants peuvent jouer au hockey dans des arénas éclairés, ce n’est pas grâce au concierge qui se lève à 6 h, le samedi matin. Ce n’est pas grâce aux villes, qui investissent des sommes colossales dans la construction de nouvelles patinoires. Ce n’est même pas grâce à Hydro-Québec, qui fournit l’électricité. Non, remerciez plutôt Hockey Canada, littéralement une source de lumière dans nos vies.

C’est un plaidoyer surréaliste. Quasi spirituel. On croirait lire l’apôtre Jean, citant Jésus devant une foule : « La lumière du monde, c’est moi. Si quelqu’un me suit, il ne marchera pas dans la nuit, mais il aura la lumière qui donne la vie. »

Dans quel cosmos les dirigeants de Hockey Canada vivent-ils pour croire que leurs démissions plongeraient notre sport national dans la Grande Noirceur ? Nous sommes déjà au Moyen-Âge ! Et les décisions absurdes de Hockey Canada, comme ce règlement à l’amiable qui a permis à huit joueurs d’éviter un procès pour viol collectif, ne font que perpétuer l’âge des ténèbres.

Dans son témoignage, Andrea Skinner a ajouté que Hockey Canada était un « bouc émissaire ». Que personne, dans son organisme, n’avait agi de manière « inappropriée ». Que des politiciens commettaient aussi des agressions sexuelles. Elle a même attribué une note de A au président et chef de la direction de Hockey Canada, Scott Smith, pour sa gestion lamentable de la crise actuelle. Un cas d’école de la complaisance d’un conseil d’administration.

Puis, grand classique, elle a accusé les journalistes et les politiciens de « désinformation ». Je tiens à souligner que sans le travail des journalistes, l’histoire de viol collectif serait restée camouflée. Nous n’aurions pas appris, non plus, l’existence d’un fonds servant à financer les frais de défense en cas de poursuites pour agressions sexuelles. Et les politiciens effectuent leur travail en exigeant des comptes à Hockey Canada.

Ça fait maintenant quatre mois que les patrons de Hockey Canada promettent plus de transparence – tout en fermant les stores. La farce a assez duré. Partez. Maintenant. Et faites-nous confiance.

Nos arénas seront éclairés.