Voici une question à choix multiple : qu’est-ce qui est le plus troublant à propos de Hockey Canada ?

A - Le PDG Scott Smith qui, avec une condescendance stupéfiante, participe à la cérémonie de remise des médailles à l’issue du récent Championnat du monde féminin ;

B - L’approche effectuée par l’organisation auprès de partenaires commerciaux pour vérifier si le départ de certains dirigeants serait suffisant pour qu’ils reprennent leur commandite (une révélation du Globe and Mail de Toronto le mois dernier) ;

C - L’appui renouvelé avec force du conseil d’administration envers Smith et l’équipe de haute direction ;

D - Toutes ces réponses.

Mon choix, bien sûr, est D.

Hockey Canada est une organisation qui habite un monde parallèle, entièrement déconnecté de la réalité, et qui fait terriblement mal au développement du hockey au Canada. L’échec retentissant du dernier Championnat mondial junior en Alberta (des assistances faméliques) en est une preuve parmi d’autres.

Plus encore : en participant à la cérémonie des médailles du Championnat du monde féminin au Danemark le week-end dernier, Smith savait parfaitement — à moins d’être un parfait imbécile – qu’il porterait ombrage à la victoire des joueuses canadiennes. Sa seule présence a généré avec raison un vif intérêt médiatique qui a jeté une part d’ombre sur la belle victoire de nos représentantes.

PHOTO BO AMSTRUP, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Dans La Presse de jeudi, la ministre canadienne des Sports, Pascale St-Onge, s’en est d’ailleurs désolée, qualifiant le geste de Smith de « tellement dommage ». « L’avenir de l’organisation est en péril, a-t-elle ajouté. J’espère qu’elle en est consciente. »

Hélas, non. Hockey Canada souffre d’une absence de jugement aberrante. Dans la tourmente actuelle, cette institution jadis respectée n’a plus comme priorité l’essor du hockey au pays.

À court terme, son véritable objectif est de rétablir l’autorité morale de son conseil d’administration et de sa haute direction, une mission vouée à l’échec.

Si Hockey Canada avait véritablement à cœur le hockey, les membres du conseil d’administration et de la haute direction auraient démissionné depuis longtemps. Ils auraient compris que dans l’état actuel des choses, c’est le seul geste possible pour que les Canadiens et les Canadiennes reprennent confiance envers l’organisation.

Oui, cela leur aurait demandé une bonne dose d’abnégation, dans la mesure où ils se croient manifestement capables de remettre eux-mêmes le train sur les rails. Entre le bien de leur organisation et leurs intérêts personnels, ils ont fait le mauvais choix.

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Plus tôt cet été, Michael Brind’Amour a démissionné de son poste de président du conseil d’administration. C’était la seule décision à prendre et l’avocat québécois l’a bien compris. Il est clair que le conseil a échoué dans son mandat d’encadrement de la haute direction au cours des dernières années.

Le départ de Brind’Amour était une formidable occasion pour injecter du sang neuf au sein du conseil, pour nommer à la présidence une personne n’ayant jamais été associée à l’organisme. La présence d’un regard frais est essentielle pour amorcer le processus de reconstruction.

Les membres du conseil ont plutôt opté à titre intérimaire pour leur collègue Andrea Skinner, une autre responsable qui ne semble pas s’être alarmée à propos des agissements de Hockey Canada dans les dossiers d’agressions sexuelles.

Sans surprise, puisqu’elle fait partie de la « gang », Skinner a vite annoncé son soutien plein et entier au PDG Smith. Sous sa gouverne, les portes de l’organisme demeureront verrouillées à double tour.

Dans sa première déclaration écrite, Skinner s’est octroyé une médaille, ainsi qu’à ses collègues : « Plusieurs administrateurs, dont je fais partie, ont un travail à temps plein. Chacun et chacune de nous ont donné des centaines d’heures loin de nos familles et de notre travail pour remplir nos fonctions d’administrateurs bénévoles. »

Elle a ensuite ciblé un de ses objectifs : « Au cours des prochaines semaines, nous continuerons de nous attaquer à la désinformation visant le conseil d’administration, son milieu et son travail. »

Ouf ! Dans le contexte actuel, Skinner aurait dû s’abstenir d’écrire ces choses. Ce n’est pas le temps de vanter la grandeur d’âme des membres du conseil et il y a plus urgent que de « s’attaquer » à une soi-disant « désinformation ».

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Dans l’espoir de rebâtir les ponts avec les Canadiens et les Canadiennes, Hockey Canada a mandaté un ancien juge de la Cour suprême du Canada, Thomas Cromwell, pour analyser la gouvernance de l’organisme. Son mandat situe bien un certain nombre d’enjeux, notamment à propos du fonctionnement du conseil d’administration.

Le processus me semble néanmoins vicié à sa base. Cromwell a obtenu son mandat du conseil d’administration de Hockey Canada et c’est à ses membres qu’il rendra des comptes.

Sur le plan de la perception publique, il aurait été de loin préférable qu’il n’ait pas à remettre son rapport au conseil d’administration, en quelque sorte le « donneur d’ouvrage » dans cette histoire. Un mur aurait dû exister entre le conseil et lui. J’aurais préféré qu’il agisse à la demande du gouvernement fédéral.

Hockey Canada nous dit que les « premières recommandations sont prévues en vue de l’assemblée générale de Hockey Canada en novembre 2022 ».

Tout cela ne change rien à la dure réalité, celle que Hockey Canada refuse de voir, mais que Justin Trudeau a rappelée avec vigueur à la fin du mois dernier.

« C’est très clair que depuis plusieurs mois, le gouvernement et les Canadiens n’ont plus confiance en la direction de Hockey Canada, a dit le premier ministre. Plus ça va être long à comprendre ce fait assez évident et de base, plus ça va mal aller pour eux. »

En effet.