(Gatineau) Le sport a toujours occupé une place importante dans la famille de David Payer.

Son arrière-grand-père, Évariste, fut l’un des premiers joueurs du Canadien de Montréal, dans les années 1910. Son père, Luc, s’est occupé des installations sportives de l’Université d’Ottawa. Quant à David, il a presque tout essayé.

« Le ski, le vélo, le tennis, le soccer, le kayak... »

Et le hockey. Le sport qui a marqué son enfance. Dès ses premiers coups de patin, à trois ans et demi, David est devenu un mordu du sport. Il a commencé comme attaquant, avant de devenir défenseur, comme son joueur préféré, Erik Karlsson, alors avec les Sénateurs d’Ottawa.

« David n’était ni le plus grand ni le plus gros, se souvient son père Luc. Mais c’était un travailleur. Un battant. Il avait du cœur pour 10. »

Jusqu’à ce que les valves de son cœur flanchent.

* * *

C’était en 2019. David venait de terminer son parcours dans le hockey junior et d’amorcer sa carrière comme apprenti électricien. Des jalons importants dans la vie du jeune homme. En parallèle, il se préparait pour une intervention prévue depuis longtemps : la réparation de deux valves cardiaques, conséquence d’une malformation à la naissance.

C’était sa deuxième opération. La première, subie quelques jours après sa naissance, ne l’avait jamais importuné. Il a toujours pu pratiquer tous les sports qu’il désirait. Ça devait être la même chose cette fois-ci. « Après l’opération, je devais reprendre une vie normale, comme avant. »

L’intervention s’est bien déroulée. La convalescence de trois mois, aussi. David est donc retourné travailler. Deux jours plus tard, il a envoyé un message texte à sa mère, Kara Lusignan. Ça n’allait pas bien. Pas bien du tout, même. « Ses yeux étaient jaunes. Ses lèvres étaient bleues. Sa main droite et son pied gauche aussi. On l’a emmené à l’urgence », raconte Kara.

Les deux valves ont flanché. Résultat : David s’est retrouvé en insuffisance cardiaque. Les médecins ont dû l’opérer d’urgence. « C’est là que son cauchemar a commencé », laisse tomber Kara.

David a été placé dans un coma artificiel pendant deux semaines. Sa jambe droite s’est mise à enfler. Les médecins ont dû ouvrir son mollet, pour réduire la pression. Ils ont aussi procédé à une trachéotomie — un trou dans la gorge — pour l’aider à respirer. David a quitté les soins intensifs... quatre mois plus tard.

Une expérience horrible.

Et attendez, je ne vous ai pas encore raconté le pire.

Quelques mois plus tard, au tout début de la pandémie, en mars 2020, David s’est de nouveau retrouvé à l’hôpital. Cette fois, avec une grave infection. Rien à voir avec la COVID-19 ; c’est sa jambe droite qui était atteinte.

« L’infection montait vraiment mal », se souvient-il.

Les médecins m’ont présenté deux options. Ou bien ils m’amputaient. Ou bien ils grattaient le tissu infecté. Après l’opération, il n’y aurait eu que la peau et l’os. Plus de muscle. Que veux-tu faire, avec une jambe pas de muscle ? J’ai eu moins de 24 heures pour décider. J’ai choisi de me faire opérer.

David Payer

Il est revenu à la maison trois mois plus tard.

Sans sa jambe droite.

* * *

Aujourd’hui, David a 24 ans. Il aime toujours le sport. Quand je suis arrivé chez ses parents, pour l’entrevue, il regardait un match de Félix Auger-Aliassime à la télévision. Il participe à des pools de hockey, il encourage les Sénateurs d’Ottawa, il a même recommencé à pratiquer certains sports, comme le golf, le basketball en fauteuil roulant et le vélo (électrique). Mais les possibilités restent limitées, en raison de la qualité de sa prothèse.

PHOTO PATRICK WOODBURY, LE DROIT

David Payer

« Lorsque le genou de ma prothèse est plié, je ne peux pas mettre de poids, car il n’y a pas de résistance. Je ne peux donc pas pratiquer les sports qui demandent d’être accroupi. »

Donc pas de hockey, de course, de ski, de soccer.

Pas grand-chose, en fait.

Heureusement, la technologie a beaucoup évolué ces dernières années. Il y a de plus en plus d’espoir pour des battants qui, comme David, souhaitent reprendre la pratique sportive après une amputation. L’Ottobock Genium X3, par exemple, pourrait lui permettre de courir.

David en rêve.

« C’est une jambe avec un microprocesseur connecté sur le téléphone, explique-t-il avec enthousiasme. Ensuite, il y a des programmes établis en fonction du sport que tu veux faire. Je pourrais donc recommencer à courir, car le genou serait bloqué à partir d’un certain angle. Je pourrais aussi patiner et faire du ski alpin. »

Lorsqu’il évoque le ski, ses yeux brillent.

Quand j’étais jeune, j’allais skier dans la région et au mont Tremblant. J’adorais ça. C’est un bon sport d’hiver. Ça permet de faire de belles sorties. Mais mon objectif ultime, ce serait de pouvoir patiner.

David Payer

« Je ne sais pas si je pourrai rejouer au hockey, ajoute-t-il. Ça serait peut-être compliqué. Mais juste aller patiner avec ma conjointe sur le canal Rideau, pas loin d’ici, ce serait génial. »

Le coût de cette prothèse : 85 000 $. Ses assurances ne couvrent pas tous les frais. David a donc lancé une campagne de sociofinancement, sur le site GoFundMe. Il a déjà amassé 8750 $. Il lui manque 21 000 $. Il est déterminé à les trouver rapidement, pour recevoir sa nouvelle prothèse à temps pour l’été prochain.

Ces dernières années, le sport mineur a souvent eu mauvaise presse. Avec raison, d’ailleurs. Il y a eu trop d’abus. Trop d’injustices. Trop de violence. Trop de racisme. Tout cela mérite d’être dénoncé.

Mais le sport peut aussi être bienfaiteur. Vertueux. Il nous enseigne la patience. La résilience. La persévérance. Le dépassement de soi. Toutes des qualités dont David Payer a fait preuve, ces trois dernières années, dans l’épreuve la plus difficile de sa vie. Le sport nous apprend également la détermination, un trait de caractère qu’affiche David, en évoquant toutes les heures de réhabilitation et de physiothérapie qui viendront avec la nouvelle prothèse.

« Rendu là, ce sera à moi d’expérimenter et de pratiquer.

— As-tu hâte ?

— Tu n’as même pas idée ! »