Nos ancêtres aimaient donner des surnoms au Soleil. Galarneau, par exemple. Comme dans cet extrait, tiré du roman Salut Galarneau !, de Jacques Godbout.

« Salut Galarneau, bonjour Soleil ! C’est papa qui disait ça en se levant le matin. Il disait : notre père à tous, c’est le soleil. Il s’appelle Galarneau lui aussi, comme nous. »

Le joueur de tennis Alexis Galarneau portait bien son nom, mardi, au stade IGA. Grâce à son énergie et son jeu inspiré, le Québécois a allumé une foule jusque-là assoupie par la pluie et la grisaille. Mon collègue Nicholas Richard, dont la vue est meilleure que la mienne, a même cru discerner le début du commencement d’une éclaircie, tout juste après un as du jeune Galarneau.

Le Lavallois, 237e au monde, s’est incliné 4-6 et 5-7 contre un adversaire nettement supérieur, Grigor Dimitrov, 19e. Ce fut néanmoins un duel serré, éblouissant même, duquel Alexis Galarneau est sorti ragaillardi.

À sa sortie du terrain, des dizaines de nouveaux partisans l’attendaient, crayon à la main, pour recueillir son autographe. Quelques minutes plus tard, une vingtaine de journalistes l’accueillaient en conférence de presse. Tout un contraste avec l’anonymat de ses tournois précédents, à Saint-Brieuc, Indianapolis ou Winnipeg.

« Je suis extrêmement fier », a-t-il lancé, comblé.

Vous auriez dû voir son sourire. Tellement grand que je n’arrivais pas à compter le nombre de dents. Vous devez savoir que c’était son premier match en carrière dans le tableau principal de la série des Masters. Que la partie était présentée sur le court central. Dans un stade où lui-même, enfant, il a chassé les autographes et assisté aux entraînements de Rafael Nadal.

Ce rendez-vous, obtenu grâce à un laissez-passer des organisateurs, il le souhaitait depuis 15 ans.

Au moment d’entrer sur le terrain, nous a-t-il raconté, « j’essayais de rattraper la petite fille qui m’accompagnait, mais elle allait trop vite ! Je suis venu tellement de fois à ce tournoi-ci… C’était spécial. C’était mon nom [dans les haut-parleurs]. Je voyais ma famille au loin. Mon équipe, juste à côté du terrain. J’étais prêt pour ce moment-là. Ça fait longtemps que j’en rêve, et que je le visualise. J’étais content de le réaliser, et d’avoir un accueil aussi chaleureux.

— Et c’était comme dans tes rêves ?

— Je pense que c’était encore mieux ! »

Il faut le reconnaître, nos attentes pour cet affrontement étaient basses. Très basses. Sur papier, le duel s’annonçait aussi inégal qu’un match de balle-molle entre les 4 Chevaliers et les légendes des Loisirs de Sainte-Louise-de-Marillac. D’un côté du terrain, on retrouvait Dimitrov, 31 ans, vainqueur de huit tournois. De l’autre, Galarneau, 23 ans, fraîchement diplômé de l’université, et n’ayant jamais affronté un joueur du top 40.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Grigor Dimitrov et Alexis Galarneau

La foule — malheureusement clairsemée – a mis du temps à se ranger derrière le Québécois. Elle était discrète. Prudente. Comme si elle attendait de voir ce dont Galarneau était capable, avant de l’encourager.

Galarneau l’a peu à peu charmée. En ciblant les lignes. En retournant des flèches avec aplomb. En défiant son adversaire, avec de longues balles en fond de terrain.

À 1-0 dans la deuxième manche, Galarneau a réussi un superbe coup en profondeur pour remporter un long échange. La foule a vivement réagi. Le petit nouveau a de nouveau ciblé la ligne du fond lors de l’égalité. Encore avec succès, pour briser le service de Dimitrov. Les spectateurs se sont levés d’un bond et se sont mis à scander « Let’s go, Alexis ! », en tapant dans leurs mains.

Ces encouragements ont électrisé Galarneau. Il a pris l’avance 5-3, avec le service. Situation confortable pour remporter la manche. Puis le Bulgare a activé son mode turbo, et nous a rappelé pourquoi il était parmi les têtes de série à Montréal.

Jeu Dimitrov.

Jeu Dimitrov.

Jeu Dimitrov.

Jeu Dimitrov.

Et voilà, c’était fini.

« La façon dont il est revenu dans le match, à 5-3 sur mon service, bravo ! », a commenté Galarneau.

À partir de là, il a très bien joué. La principale différence, ç’a été son expérience. Pour le reste, au niveau tennistique, je pense que j’ai ma place à ce niveau.

Alexis Galarneau

Galarneau a raison d’être fier. Il a remporté 57 échanges. Dimitrov, 68. Une performance honorable pour l’espoir québécois, d’autant que son adversaire servait particulièrement bien (10 as, 81 % de points gagnés sur son premier service).

Maintenant, quelle sera la suite pour la coqueluche du jour ?

« La semaine prochaine, je m’en vais à Vancouver pour un tournoi Challenger, à 125 000 $. C’est la plus grosse catégorie des Challengers. Ce sera une bonne occasion de compétitionner, de prendre le momentum. Après ? J’espère entrer dans le tableau des qualifications du US Open. Mais en ce moment, je suis environ 15 rangs trop loin. Il faudrait que beaucoup de joueurs se désistent. »

Je le lui souhaite. Il le mérite.

Allez, salut Galarneau.

Bonne route.

Et merci pour l’éclaircie.