À la recherche d’un nouveau souffle, le Canadien a causé la surprise en repêchant un attaquant format géant de la Liiga finlandaise et en échangeant un jeune défenseur russe contre un ancien troisième choix qui tarde à éclore.

Hmmm.

On a déjà vu ce film, n’est-ce pas ?

Oui. C’était en 2017-2018. Jesperi Kotkaniemi, Mikhail Sergachev et Jonathan Drouin tenaient les rôles principaux. L’histoire était prometteuse. Le potentiel était là. Je me souviens même d’une séquence passionnante en finale de la Coupe Stanley. Malheureusement, la fin fut aussi brouillonne que celle de Game of Thrones.

Cinq ans plus tard, le Canadien tente une reprise, avec de nouvelles têtes d’affiche : Juraj Slafkovsky, Alexander Romanov et Kirby Dach. Le premier a été sélectionné au tout premier rang du repêchage, jeudi soir, au Centre Bell. Le deuxième est parti et le troisième est arrivé, dans deux transactions simultanées. Des décisions tout aussi audacieuses que risquées du directeur général Kent Hughes. Oui, le potentiel de succès existe. Mais la possibilité d’un autre échec, également.

Commençons par la sélection de Juraj Slafkovsky. Une surprise. Ça fait 30 ans que le Canadien cherche obstinément des centres offensifs. Il en a enfin trouvé un, Nick Suzuki. Il pouvait en ajouter un deuxième dans ce repêchage. Soit Shane Wright, soit Logan Cooley. Il leur a plutôt préféré Slafkovsky, un gros ailier dont la production, dans la Liiga finlandaise, a été inférieure à celles de Jesperi Kotkaniemi et de Joel Armia au même âge.

Points par match en Liiga à 17 ans

Aleksander Barkov (3e) : 0,91

Kappo Kakko (2e) : 0,84

Patrik Laine (2e) : 0,72

Joel Armia (15e) : 0,70

Anton Lundell (12e) : 0,64

Jesse Puljujärvi (4e) : 0,56

Jesperi Kotkaniemi (3e) : 0,51

Mikko Rantanen (10e) : 0,50

Teuvo Teravainen (18e) : 0,45

Juraj Slafkovsky (1er) : 0,30

Kasperi Kapanen (22e) : 0,30

Cette sélection m’a étonné. Entendons-nous, ce n’est pas grâce à sa saison de 10 points en 31 parties que Juraj Slafkovsky a prouvé au Canadien qu’il était le meilleur espoir de sa cohorte. Ni avec ses deux buts en 18 matchs de séries. Ni en étant blanchi en sept parties au Championnat du monde junior.

Alors, c’était pour quoi ?

Pour ses prestations dans trois tournois internationaux. La première fois, c’était à la Coupe Hlinka Gretzky, en août 2021. Slafkovsky et Filip Mesar, aussi repêché par le Canadien jeudi, avaient mené la Slovaquie jusqu’à la finale. Slafkovsky s’était distingué avec une partie de quatre points contre l’Allemagne.

La fois suivante, c’était en février, aux Jeux de Pékin. J’y étais. J’ai eu la chance d’assister en personne à trois de ses matchs. C’est là que j’ai compris pourquoi il faisait tant rêver les recruteurs.

Slafkovsky est grand (6 pi 4 po). Il est dynamique. Il est fort. Il a l’œil du marqueur, il bouscule ses adversaires et il patine étonnamment bien pour un joueur de sa taille. Il a terminé en tête des marqueurs, et ce, même s’il était le plus jeune joueur du tournoi. Vous me direz que c’était contre des équipes nationales raboutées et privées de leurs meilleurs éléments. C’est vrai. Sauf qu’il a quand même mieux fait que tous les autres hockeyeurs présents — et ça incluait quatre des cinq premiers choix du repêchage de 2021.

La troisième fois, c’était au Championnat du monde senior, en Finlande, au mois de mai. L’état-major du Canadien s’était déplacé. Le voyage en valait la peine. Le jeu inspiré de Slafkovsky a séduit Jeff Gorton et Kent Hughes. Les dirigeants du Tricolore l’ont revu quelques jours plus tard, lors des tests physiques, à Buffalo. Gros coup de foudre. Le Slovaque les a charmés avec sa répartie et sa confiance en lui.

Ces trois tournois ont de quoi nourrir l’enthousiasme des partisans. Or, les 25 autres semaines passées en Finlande, Slafkovsky n’a pas été dominant. Loin de là, même. Il y a eu de longues léthargies. Pas juste avant les Jeux, lorsque son entraîneur-chef lui donnait peu de temps de jeu. En séries également. Son potentiel est élevé, mais il représente un choix plus risqué que Shane Wright et Logan Cooley.

J’ai des réserves semblables à propos de l’autre nouveau venu du Canadien, Kirby Dach. Cet attaquant de 21 ans est lui aussi un géant (6 pi 4 po) aux mains agiles. C’est ce qui avait convaincu les Blackhawks de Chicago de le repêcher au troisième rang, en 2019. Sauf que depuis une blessure à un poignet subie en décembre 2020, Dach a régressé. La dernière saison a été catastrophique. Il a été le pire centre de la LNH au cercle des mises en jeu (32 %). Et malgré plus de 350 minutes avec Patrick Kane, et 450 minutes avec Alex DeBrincat, il a été limité à seulement 26 points en 70 parties. C’est peu. Deux fois moins que Jonathan Drouin au même âge, lors de sa dernière année à Tampa Bay.

Contrairement à Slafkovsky, Dach devra produire dès cet automne à Montréal. Mais à haut niveau, les deux restent des projets à moyen terme. Souhaitons ardemment que l’équipe de développement du Tricolore connaisse plus de succès avec eux qu’avec les joueurs acquis entre 2012 et 2018…

Pour obtenir Dach, le Canadien a cédé des choix, ainsi qu’un de vos préférés, Alexander Romanov. Je l’ai souvent écrit, je n’étais pas un grand fan de Romanov. J’ai d’ailleurs appuyé Dominique Ducharme, dans les séries de 2021, lorsqu’il l’a laissé dans les gradins. Je dois reconnaître que la saison dernière, Romanov s’était amélioré. Surtout dans sa zone. Sauf que son potentiel offensif est limité. Aussi, le Tricolore a de meilleures options parmi ses espoirs. Cette transaction devrait faire moins mal au Canadien que celle de Mikhail Sergachev.

Allez, ça suffit l’analyse.

Sortez le maïs soufflé.

Éteignez les lumières.

Le prochain chapitre du Canadien commence maintenant.