L’été dernier, le Canadien faisait face à un problème de riche : il avait trop de centres pour ses deux premiers trios. Sauf que Phillip Danault est parti. Jesperi Kotkaniemi aussi. Leurs remplaçants n’ont pas comblé les attentes.

Aujourd’hui, la ligne de centre du Tricolore est l’une des plus faibles de la Ligue nationale. Malgré tout son talent offensif, Nick Suzuki a terminé la saison avec le pire différentiel (- 29) de tous les centres du circuit. Christian Dvorak (- 19) suit, pas très loin derrière. Sans surprise, Kent Hughes souhaite renforcer l’équipe à cette position.

L’enjeu ?

Les bons centres sont aussi difficiles à trouver qu’un magnolia déjà en fleurs ce printemps.

« Nous croyons que la position de centre est la plus importante », a expliqué Hughes samedi. « Du moins, parmi les joueurs d’avant. On va continuer d’évaluer les options pour s’améliorer. Mais j’ai toujours dit, comme agent, qu’il est très difficile de trouver des joueurs de centre. Il y en a qui n’ont pas encore signé [de contrat] pour l’an prochain. Est-ce une option pour nous ? On verra. Plusieurs choses devront arriver. Pour le moment, on n’a pas nécessairement la masse salariale pour attirer quelqu’un. Il y a aussi le repêchage. Si on repêche un joueur de centre, ça peut changer les choses. »

Parmi les centres qui obtiendront leur autonomie complète dans quelques semaines, il y a plusieurs joueurs de qualité. Evgeni Malkin. Nazem Kadri. Andrew Copp. Vincent Trocheck. Claude Giroux est capable de jouer comme pivot, lui aussi. Mais il y a un candidat plus intrigant que les autres. Un centre qui a produit plus de points que tous les joueurs du Canadien cette saison, qui excelle défensivement et qui vient de gagner le trophée Mark-Messier en raison de son leadership exemplaire.

En plus, il est québécois. Mieux encore, il était jusqu’à récemment un client de Kent Hughes.

Qui ça ?

Patrice Bergeron.

Hé, ho, ne me lancez pas tous vos fléchettes en même temps. Je sais très bien que Patrice Bergeron a grandi dans la région de Québec et qu’il était un fan fini des Nordiques. Je sais aussi que les joueurs des Bruins de Boston ne passent pas au Canadien, et vice versa. Je sais tout ça. Sauf que dans l’histoire du sport, on n’en est pas à une surprise près.

Stéphane Quintal, repêché au premier tour par les Bruins, a terminé sa carrière avec le Tricolore. À l’inverse, Mats Näslund, lui, est parti à la retraite dans l’uniforme noir et jaune des Bruins. Guy Lafleur a joué pour les Nordiques. Ronaldo et Figo ont défendu l’honneur du FC Barcelone et du Real Madrid. Pire encore : Johnny Damon et Jacoby Ellsbury ont quitté les Red Sox de Boston pour les Yankees de New York comme joueurs autonomes. Des fois, avec un peu d’argent, l’impossible devient un peu plus possible…

Malheureusement, l’argent, c’est un gros problème pour le Canadien. Pour acquérir de nouveaux joueurs, Kent Hughes devra obligatoirement se départir d’un gros contrat. Ce sera difficile d’échanger Carey Price, Jeff Petry ou Brendan Gallagher. Christian Dvorak ? C’est plus réaliste.

Si le Canadien réussit à faire un peu d’espace sous le plafond salarial, il pourrait être dans la lutte pour offrir un contrat de trois ans à Patrice Bergeron.

Oui, c’est beaucoup d’années pour un joueur qui fêtera ses 37 ans cet été. Oui, une régression est inévitable. Et oui, il faudrait lui faire un pont d’or pour le convaincre de poursuivre sa carrière à Montréal, avec un club de bas de classement. Par contre, pour le Canadien, les avantages surpasseraient largement les inconvénients.

La présence de Bergeron dans l’alignement permettrait de réduire la chaleur autour de Nick Suzuki, qui, face aux meilleurs trios adverses, voit son différentiel descendre comme la température à Iqaluit en janvier. Selon Evolving Hockey, Bergeron a été le meilleur attaquant défensif de la LNH cette saison. Il a été aussi le meilleur pivot de la LNH aux mises en jeu (62 %). Les espoirs du club profiteraient assurément de ses enseignements.

PHOTO WINSLOW TOWNSON, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Patrice Bergeron a excellé cette année au cercle des mises en jeu, remportant 62 % de ses duels.

Mais surtout, Bergeron est un leader exceptionnel. Il est le joueur idéal pour aider les jeunes de l’organisation à passer au travers d’une période de transition qui s’annonce difficile.

Son coéquipier Jake DeBrusk l’a déjà comparé à Jon Snow, vaillant guerrier de la série Game of Thrones qui fait toujours passer les intérêts de son groupe avant les siens. Une comparaison qu’avait appréciée Bergeron. « J’aime ça ! Je pense que Jon Snow est brillant. Il était là pendant toute la série. Il est le personnage principal de l’émission. Il pense aux gens en premier. Il fait tout bien », m’avait-il confié avant la finale de la Coupe Stanley, en 2019.

Il y a quelques semaines, Brad Marchand a expliqué aux médias locaux comment Bergeron exerce son leadership dans le vestiaire.

Il apporte beaucoup à l’équipe, sur la glace et à l’extérieur. Il est en contrôle dans le vestiaire et sur le banc des joueurs. Il est capable d’avoir le pouls des joueurs. De savoir ce que les gars ressentent sur la glace. Il sait comment les approcher.

Brad Marchand, au sujet de Patrice Bergeron

Leur coéquipier David Pastrnak a raconté une anecdote amusante à ce sujet, récemment, au balado Spittin’ Chiclets.

« [Brad] et moi, on s’aime. Mais parfois, sur la patinoire, on se crie l’un après l’autre. Une fois, Bergeron était assis entre nous. Marchy et moi, ça faisait 30 secondes qu’on se relançait. Bergy a lancé : “Ça suffit !” Et le silence fut. Le silence absolu. Nous n’avons prononcé aucun mot avant notre prochaine présence. C’était incroyable. Je m’estime chanceux d’être son partenaire de trio, et de pouvoir apprendre de lui chaque jour. »

Autre avantage d’embaucher Bergeron cet été ?

Sa retraite approche. Il n’a d’ailleurs pas exclu de la prendre cet été. S’il décide de poursuivre sa carrière, et qu’il le fait à Montréal, le Canadien sera en meilleure position dans deux ou trois ans pour le recruter au sein de son équipe de direction.

Alors, est-ce un scénario réaliste ?

Il y a suffisamment de si pour mettre Paris, Londres, New York et Tokyo en bouteille. Mais qui ne tente rien n’a rien. Ça vaut le coup d’essayer.