Vous souvenez-vous du comité créé par François Legault pour relancer le hockey au Québec ? Ses travaux sont terminés. Dans quelques heures, son rapport final sera remis à la ministre responsable des Sports, Isabelle Charest.

À quoi faut-il s’attendre ?

À des solutions concrètes. Pour faciliter la pratique du hockey chez les enfants. Pour améliorer le développement chez les adolescents. Il sera aussi question de nouveaux débouchés pour les jeunes de 18 à 24 ans, un groupe historiquement négligé dans les refontes.

Une idée maîtresse du rapport sera l’expansion du hockey universitaire québécois, m’a-t-on confirmé. L’offre actuelle est franchement mince : quatre équipes féminines, trois masculines.

Chaque année, faute de postes disponibles, des dizaines de joueurs de la LHJMQ quittent le Québec pour poursuivre leur carrière dans une université en Ontario, en Alberta ou dans les Maritimes.

Beaucoup de ces futurs entrepreneurs, ingénieurs, professeurs ou médecins ne reviennent jamais ici après leurs études. Un exemple patent de l’exode des cerveaux.

C’est désolant.

Pas seulement sur le plan social.

Sur le plan sportif, aussi.

Le hockey est un sport à développement tardif. La preuve : 180 joueurs ayant évolué dans la Ligue nationale, cette saison, n’ont jamais été repêchés. Ça signifie qu’ils ont débloqué au début de la vingtaine. Torey Krug, Neal Pionk et Frank Vatrano ont obtenu une deuxième chance parce qu’ils ont été remarqués dans la NCAA, à 21 ou 22 ans. Or, au Québec, si un joueur ne fait pas le saut immédiatement chez les pros après son stage junior, à 20 ans, ses carottes sont pas mal cuites…

La création d’une ligue universitaire québécoise forte, avec suffisamment d’équipes pour attirer l’attention des dépisteurs, pourrait donner un coup de pouce aux espoirs locaux.

Le problème ?

Une équipe d’élite, ça coûte cher. Même pour des établissements avec de gros budgets, comme l’UQAM, l’Université Laval ou l’Université de Montréal. Une aide financière du gouvernement pourrait être le catalyseur nécessaire pour faire bouger les choses. Ça tombe bien, la CAQ est tout ouïe.

J’en ai parlé avec Isabelle Charest, il y a deux semaines. La ministre n’avait pas encore reçu le rapport final, mais elle avait eu droit à un bilan de mi-parcours, en février. La question du hockey universitaire était déjà dans les cartons.

C’est sûr que ça fait partie des discussions. J’ai beaucoup gravité autour du monde du hockey. Ça fait plusieurs fois que j’entends ces propositions. Je suis tout à fait ouverte. On voit l’exode de bien des athlètes, vers les universités américaines, entre autres. Je ne suis pas du tout fermée [à l’idée].

Isabelle Charest, ministre responsable des Sports

Dans les discussions, deux projets suscitent l’enthousiasme :

• Une première division (D1) de six à huit équipes, liée à U Sports, qui offrirait des débouchés immédiats à 150 hockeyeurs, principalement de la LHJMQ.

• Une seconde division (D2) d’environ six équipes, non liée à U Sports, qui permettrait à des jeunes de la LHJMQ, du réseau collégial et des ligues civiles de poursuivre leur carrière sportive tout en étudiant. L’Université Concordia, l’École de technologie supérieure et l’Université du Québec à Chicoutimi ont déjà montré un intérêt pour ce circuit.

Le développement du hockey universitaire, c’est une des recommandations. Mais pas la seule. Le comité a ratissé large. Très, très large. Pour s’assurer de couvrir le plus de terrain possible, l’hiver dernier, le président du comité, Marc Denis, a créé de petits groupes de travail.

Des exemples ?

La sécurité des joueurs a fait l’objet d’ateliers. Deux membres du comité, l’ancien arbitre Stéphane Auger et l’adjoint au préfet de discipline de la LNH, Stéphane Quintal, se sont déjà prononcés publiquement au sujet des bagarres. En 2013, lors de la sortie du documentaire Bagarreurs inc., Stéphane Auger avait affirmé qu’il lui était « impossible de défendre de façon cohérente la présence de combats au hockey ». En 2019, Stéphane Quintal avait confié aux Amateurs de sports ne pas comprendre « pourquoi on aurait ça, des bagarres, dans le junior. Surtout avec des gars qui ont 17, 18 ans. C’est un risque de blessure inutile ».

Le comité soutiendra-t-il la ministre dans sa lutte contre les bagarres dans la LHJMQ ?

PHOTO YAN DOUBLET, ARCHIVES LE SOLEIL

Bagarre entre deux joueurs de la LHJMQ.

Un sous-comité, lui, s’est penché sur l’avenir du hockey féminin. Avant la pandémie, il n’y avait que 6000 joueuses au Québec, contre 12 000 en Alberta, et près de 50 000 en Ontario. Comment initier plus de jeunes Québécoises au hockey ? À travers l’école ? Comment les convaincre de s’inscrire dans une équipe par la suite ? Gros mandat.

Un autre sous-comité a par ailleurs analysé les structures existantes. Un sujet encore plus délicat que la religion, dans nos arénas. Des milliers de parents ne jurent que par le réseau civil. D’autres souhaitent son abolition, au profit du réseau scolaire. Si vous rêvez à une victoire totale de votre camp, et à l’anéantissement de l’autre, vous risquez d’être déçu.

Le hockey scolaire ne disparaîtra pas. Il présente plein d’avantages. Les entraîneurs sont souvent des éducateurs, notamment. Sauf que la croissance du hockey scolaire est aussi limitée par un aspect très pratico-pratique : l’accès aux arénas.

Ce ne sont pas toutes les écoles secondaires, et encore moins toutes les écoles primaires, qui possèdent leur propre patinoire. En fait, à part quelques collèges privés, c’est rare. Les écoles doivent louer des glaces à fort prix, et la facture est refilée aux parents. Alors, comment réduire la facture ?

Une idée gagne de la traction, depuis quelques semaines. J’ignore si elle a été retenue dans le rapport final, mais je l’ai entendue de plusieurs personnes. Les gymnases des écoles sont sous-utilisés les soirs et les fins de semaine. Les patinoires municipales, elles, sont souvent disponibles pendant les heures de classe. Y a-t-il moyen de faire un partenariat ? Tes heures contre les miennes ? Quitte à ce que le gouvernement couvre la différence de coût ?

Dans le dernier budget provincial, le gouvernement a prévu une enveloppe de 250 millions pour « faire bouger les Québécois ». Et dans les explications du programme, que retrouve-t-on ? Le partage d’infrastructures sportives entre les écoles et les villes. Tiens, tiens…

Le gouvernement publiera les recommandations du rapport d’ici deux à trois semaines. J’ai bien hâte de découvrir les autres idées de Marc Denis et de ses collaborateurs. Et de savoir quelles propositions le gouvernement retiendra. À moins de six mois des élections, il est clair que la CAQ est prête à investir – et que le hockey québécois est dans une position idéale pour recevoir une passe parfaite sur la palette.

Avec des informations obtenues par Tommy Chouinard, La Presse