Non, ça ne va pas assez vite. Mais en cette Journée internationale des droits des femmes, je commence par célébrer des déblocages qu’on aurait eu peine à imaginer il y a une dizaine d’années.

Ainsi, en janvier dernier, la Québécoise Catherine Raîche a été interviewée pour le poste de directrice générale des Vikings du Minnesota de la NFL. Elle n’a pas été choisie, mais le seul fait de participer à ce processus de sélection dans la première ligue sportive nord-américaine est un puissant signe de progression.

Vice-présidente du personnel des joueurs des Eagles de Philadelphie – jamais une femme n’a occupé un poste si élevé dans la hiérarchie des opérations football d’un club de la NFL –, Raîche est dans la jeune trentaine et devrait obtenir d’autres chances de gravir un échelon supplémentaire. « Le fait que j’ai été sollicitée pourra sans doute donner espoir à d’autres femmes », a-t-elle dit dans un article de La Presse le mois dernier.

J’évoque le cas de Raîche, mais je pourrais aussi parler de Kim Ng, nommée directrice générale des Marlins de Miami en novembre 2020. Et d’Élizabeth Mantha, devenue récemment la première femme à arbitrer un match de la Ligue de hockey junior majeur du Québec (mieux vaut tard que jamais !). Et d’Émilie Castonguay, nouvelle directrice générale adjointe des Canucks de Vancouver. Et de Julie Gosselin, première femme à occuper la présidence de Sports Québec.

Voilà des pionnières inspirantes, qui tracent le chemin pour les plus jeunes. Leur rôle est crucial et disons-leur bravo. Elles brisent des plafonds de verre, elles inspirent, elles ouvrent le chemin aux générations qui montent. Mais elles ne peuvent tout accomplir seules.

Les organisations sportives (ligues, équipes, fédérations) doivent emboîter le pas avec plus de vigueur, de volonté et de constance. En sport comme ailleurs, la nomination d’une femme dans un poste traditionnellement masculin doit s’inscrire dans la normalité des choses et non pas dans la catégorie des exceptions. Malgré toutes les récentes réussites, nous n’en sommes pas encore là.

Non, ça ne va pas assez vite. Prenons l’exemple du Canadien. En août dernier, France Margaret Bélanger a été nommée présidente « Sports et Divertissement » du Groupe CH, une décision marquante et historique, puisqu’aucune femme n’avait occupé un poste si élevé dans le long parcours de l’organisation. En clair, elle est responsable de toutes les affaires de l’entreprise, sauf celles qui touchent le volet sportif.

En entrevue au 98,5 FM, Bélanger a alors évoqué le désir de l’organisation d’embaucher une femme dans son secteur hockey. « J’accueillerais avec beaucoup de joie si on pouvait se rendre là. C’est sûr qu’on a des réflexions dans ce sens-là, puis on va voir où ça nous mène, mais c’est Marc [Bergevin] et Geoff [Molson] qui vont décider. »

En novembre dernier, en confirmant le départ de Bergevin, Molson a ajouté que la « diversité » au sein du personnel ferait partie des « orientations » de la nouvelle direction. Tout le monde a applaudi à cette déclaration.

Depuis ? Rien, absolument rien. Le duo Jeff Gorton-Kent Hughes n’a embauché que des hommes.

À Vancouver, le vieux guerrier Jim Rutherford a adopté une approche moderne. Il a récemment nommé Émilie Castonguay et Cammi Granato à des postes de responsabilité avec les Canucks. En voilà un qui parle moins, mais qui agit.

Ailleurs au Canada, les Maple Leafs de Toronto ont fait confiance à Hayley Wickenheiser et à Danielle Goyette. C’est important que l’équipe la plus importante dans son marché donne l’exemple. Parce que cela ouvre la porte à d’autres femmes.

Tenez, qui a pressenti Chantal Machabée pour devenir vice-présidente aux communications du Canadien ? France Margaret Bélanger. Un homme aurait-il eu la même ouverture d’esprit ? Peut-être. Mais peut-être pas non plus.

Le résultat ? En quelques semaines à peine, Machabée a transformé la gestion des relations médias du club, soudainement devenues fluides et amicales après quelques années particulièrement sombres.

Soudainement, les membres de la haute direction du Canadien accordent des entrevues de fond à des journalistes sans qu’il s’agisse d’un évènement exceptionnel. Toutes les mini-nouvelles qui font le quotidien de l’équipe ne sont plus élevées au rang de secret d’État.

Dans La Presse de lundi, on a même eu droit à un magnifique reportage de ma collègue Katherine Harvey-Pinard sur Pierre Gervais, gérant à l’équipement du Canadien. Je sais une chose : sous l’ancienne administration, cela aurait été impossible, encore moins pendant la saison.

Machabée modernise les communications du Canadien. Je salue son travail exceptionnel depuis son entrée en poste. Et, imaginez, elle est capable de rire !

Je ne suis pas dans le secret des dieux. Mais quand je vois Martin St-Louis, pourtant pas un as de la communication lorsqu’il était joueur, subitement devenu efficace dans cet art difficile, j’y vois l’influence de Machabée. Je l’imagine rappeler au coach que les fans aiment l’authenticité et qu’il peut être lui-même avec les médias.

Pour le Canadien, c’est une révolution.

Non, ça ne va pas assez vite. Mais les choses s’améliorent. Le Comité international olympique (CIO), si frileux sur les enjeux sociopolitiques, agit comme leader dans le sport proprement dit.

Au cours des dernières années, le nombre d’épreuves réservées aux femmes et le nombre d’épreuves mixtes ont augmenté de manière sensible. L’objectif : atteindre l’équilibre entre les hommes et les femmes. Aux Jeux d’été de 1996, 34 % des athlètes étaient des femmes. Ce taux a grimpé à 48 % à Tokyo l’été dernier et la parité devrait être atteinte à Paris en 2024.

Non, ça ne va pas assez vite. Mais le 8 mars est une bonne journée pour constater que les choses bougent aussi dans le bon sens. Il faut maintenant continuer de secouer l’establishment sportif.