Toute sa vie, Martin St-Louis a confondu les sceptiques. Trop petit. Parcours atypique. Jamais repêché. Il a atteint la Ligue nationale sur le tard, à 23 ans. Personne – sauf lui – n’avait d’attentes. Les Flames de Calgary l’ont même soumis au repêchage d’expansion, avant de racheter son contrat pour qu’il s’en aille.

L’attaquant québécois s’est accroché. Sa pertinacité a été payante : il a conclu sa carrière avec une Coupe Stanley, un trophée Hart, un Art-Ross, trois Lady-Byng, une victoire à la Coupe du monde, une médaille d’or olympique et une plaque au Temple de la renommée.

Si une personne peut surprendre agréablement les partisans du Canadien derrière le banc, c’est lui. Les doutes ? Les critiques ? Il s’en nourrit. La pression ? Il connaît la chanson.

Maintenant, soyons réalistes. Jamais, au grand jamais, les nouveaux patrons du Tricolore n’auraient nommé l’entraîneur d’un club bantam du Connecticut à la tête de la plus grande franchise de l’histoire s’il n’était pas un de leurs proches.

La vérité ? Kent Hughes et Jeff Gorton ont choisi un camarade. Un homme de confiance, qui fréquente les mêmes cercles sociaux qu’eux.

Hughes et St-Louis se connaissent depuis plus de 30 ans. Dans une entrevue à The Athletic, St-Louis a raconté que Hughes était son entraîneur au niveau bantam. Les deux ont ensuite dirigé des équipes de hockey mineur dans le même circuit, en même temps, dans le nord-est des États-Unis. Trois de leurs fils jouent actuellement au sein de la même formation, celle des Huskies de l’Université Northeastern, dans la NCAA.

Gorton et St-Louis, eux, se sont croisés avec les Rangers de New York, en 2014-2015. Leurs fils ont évolué au sein de la même organisation sportive, les Rangers Jr de Mid-Fairfield, en même temps, sans toutefois être coéquipiers. C’est d’ailleurs avec ce club que Martin St-Louis était associé jusqu’à sa nomination avec le Canadien.

Pour un gestionnaire, il y a des avantages à s’entourer de gens qu’on connaît bien. La période d’adaptation est plus courte. La communication, plus facile. La courbe d’apprentissage, un peu moins raide. Vous savez aussi exactement à quoi vous attendre. Martin St-Louis est « un gagnant respecté et un homme dont les qualités de compétiteur sont reconnues par tous ceux qui ont croisé sa route », a souligné Kent Hughes. Bref, un leader. Un profil qui manque cruellement au Canadien.

(Parenthèse. Où était Shea Weber ces dernières semaines ? Même blessé, même à la préretraite, le capitaine aurait dû se trouver sur le pont avec le reste de l’équipe, pendant que le paquebot coulait. Fin de la parenthèse.)

Cela étant écrit, on ne peut pas ignorer la très, très faible expérience de Martin St-Louis comme entraîneur. J’insiste : l’expérience ne fait pas foi de tout. Au contraire. Le leadership, le pragmatisme, la créativité, l’intelligence émotionnelle et la capacité de résoudre des conflits sont des critères d’embauche tout aussi importants, voire plus. Et peut-être que St-Louis sera capable de compenser son inexpérience par d’autres qualités.

Mais ce sera un boulet.

Analysons les choses froidement. Le Québécois hérite d’une équipe navrante. Pitoyable. Démotivée. D’un club plombé par l’attitude de vétérans malheureux qui, depuis des semaines, semblent chacun avoir leur propre ordre du jour. L’arrivée de deux nouveaux patrons – Jeff Gorton et Kent Hughes – n’a eu aucun effet. C’est même pire que jamais. Depuis le grand ménage de novembre, le Canadien n’a gagné que 3 de ses 23 matchs.

Comment ces vétérans réagiront-ils au fait d’être dirigés par un coach recrue ? Par un entraîneur qui, hier encore, dirigeait des garçons de 14 ans ? Surtout, comment Martin St-Louis réussira-t-il, lui, à imposer son autorité ? C’est une chose de le faire avec des adolescents qui vous idéalisent. Ç’en est une autre d’y parvenir avec des vétérans désillusionnés, qui espèrent être échangés à une équipe compétitive le plus vite possible.

Martin St. Louis a un gros défi devant lui. À lui de confondre les sceptiques une fois de plus. À lui de nous surprendre. À lui de nous prouver que s’il a eu le job, ce n’est pas parce qu’il fréquente les mêmes arénas que ses patrons. C’est parce qu’il était le meilleur candidat.