(Pékin) Les hockeyeuses canadiennes ont amorcé leur tournoi olympique avec éclat, jeudi, en écrasant les Suissesses 12-1. Cette victoire convaincante a toutefois été assombrie par la sortie hâtive de Mélodie Daoust, victime d’une mise en échec non réglementaire au milieu de la rencontre.
Daoust, la joueuse par excellence du dernier Championnat du monde, s’est fait frapper solidement par Sarah Forster le long de la bande. L’attaquante québécoise a eu de la difficulté à se relever, et semblait avoir mal à une épaule. Elle a quitté la patinoire pour le vestiaire sans même s’arrêter au banc de son équipe.
Après la rencontre, nous sommes allés nous enquérir de son état de santé auprès de son entraîneur-chef, Troy Ryan. Or, la zone mixte du Stade national intérieur de Pékin était tout aussi confuse et désorganisée que la défense suisse. Les organisateurs ont confiné les journalistes dans de petits enclos individuels, côte à côte, sur une vingtaine de mètres. Ryan s’est arrêté tout au début de la file, devant l’enclos d’un créateur de contenu de la Fédération internationale de hockey. Loin du contingent de journalistes canadiens dont je faisais partie. Entre nous, l’entraîneur suisse répondait à des questions en allemand. Joli capharnaüm. Nous n’avons donc pas pu poser nos questions à Troy – ni entendre ses réponses, car les haut-parleurs étaient éteints.
Quelques heures plus tard, Hockey Canada nous a envoyé un courriel laconique. « [Mélodie] se repose, et continue d’être évaluée par notre équipe médicale. Il n’y a pas plus de détails concernant son statut pour le prochain match. » Hockey Canada n’a pas précisé non plus s’il s’agissait bel et bien d’une blessure à l’épaule.
Hormis cet incident, ce fut un match de rêve pour les Canadiennes, qui n’avaient pas marqué autant de buts en un match depuis neuf ans. Leur domination a été totale. Même que 12-1, ça ne reflète pas pleinement le massacre que ç’a été.
Les Canadiennes ont cadré 70 tirs vers la gardienne Andrea Brändli. Pensez-y : c’est plus d’un tir par minute jouée ! Savez-vous combien de fois, depuis la Seconde Guerre mondiale, une équipe de la LNH a tiré aussi souvent dans un match sans prolongation ?
Une seule fois !
Ce succès incontestable, en ouverture de tournoi, rassurera les partisans canadiens. En revanche, il force aussi un triste constat : la parité tarde toujours à s’installer au hockey féminin. Il est anormal qu’un duel entre deux des cinq meilleures nations au monde soit aussi déséquilibré.
Comment expliquer cela ?
J’ai posé la question à l’entraîneur-chef de la Suisse, Colin Muller. Il a pris le temps de réfléchir quelques secondes avant de répondre. « Je regardais les résultats de la LNH, hier. Les Maple Leafs ont battu les Devils 7-1. Une équipe peut avoir un bon match et l’autre, une mauvaise rencontre. Je pense que l’écart [au hockey féminin] se rétrécit. N’empêche, le bassin de joueuses talentueuses dans lequel l’équipe canadienne peut puiser est tellement grand que pour être capables de rester dans le match une période et demie, toutes nos joueuses doivent être à leur niveau maximal. »
Des chiffres ? Au Canada, le hockey féminin compte un peu plus de 100 000 adeptes. En Suisse ? Environ 2000. C’est trois fois moins qu’au Québec…
Nombre de joueuses par pays
- Canada : 101 879
- États-Unis : 84 102
- Suède : 7843
- Finlande : 5906
- Tchéquie : 4142
- Russie : 2141
- Suisse : 2011
- Japon : 1436
- Chine : 822
- Danemark : 702
Source : Fédération internationale de hockey sur glace
Colin Muller constate néanmoins des progrès. « Lentement, ça s’améliore. Au dernier Championnat du monde, on a vu des pointages de 4-0, 5-0. Contre le Canada, c’est correct. Si tu peux réduire le nombre de tirs accordés entre 20 et 40, tu te donnes une chance de gagner. Mais à 65, non, tu ne gagneras jamais de match. »
Un autre facteur pouvant expliquer la domination canadienne, croit Colin Muller, c’est le fait que les joueuses d’ici s’entraînent ensemble.
« Et en plus, elles s’entraînent sur une petite surface. Nous pensions que de jouer sur une petite patinoire [à Pékin] allait pouvoir nous aider, car nos joueuses allaient être plus rapprochées. C’est le contraire qui s’est produit. Ce sont les Canadiennes qui étaient plus près de nous. Leur échec avant est remarquable. Nos joueuses ne sont pas habituées à cela. »
Muller a été particulièrement impressionné par la jeune attaquante canadienne Sarah Fillier, 21 ans, qui a réussi deux buts tôt dans la rencontre et cadré 10 tirs. « Elle est incroyable. Mais pour être honnête, j’en vois 20 dans l’équipe canadienne qui sont difficiles à contenir [rires] ! »
Fillier, elle, était rayonnante après sa brillante performance. « C’est incroyable. C’est un rêve devenu réalité d’être aux Jeux, de porter ce chandail et de pouvoir contribuer aux succès », a-t-elle déclaré, le sourire aux lèvres. Ses coéquipières Natalie Spooner et Claire Thompson se sont aussi démarquées, avec cinq points.
Prochain match des Canadiennes : dans la nuit de vendredi à samedi, contre les Finlandaises, qui leur ont livré une belle bataille (5-3) au dernier Championnat du monde. Avec ou sans Mélodie Daoust ? Ce sera à suivre au cours des prochaines heures.