Qui, parmi vous, a déjà joué à la traverse ? À la saucisse ? À la scrap, après avoir remporté la mailloche ? Qui a déjoué le cerbère sur le rond, tout en patinant sur la bottine ?

Dimanche, je vous ai présenté une dizaine d’expressions disparues de notre vocabulaire sportif. Aujourd’hui, place aux bijoux déterrés par les lecteurs de La Presse.

Culture physique. Cette expression, soumise par une dizaine de lecteurs, désignait autrefois les cours d’éducation physique. Elle a traversé le XXsiècle. On la retrouve autant dans une promotion de La Presse en 1906 – « La Presse vous offre gratuitement des cours de culture physique dans ses colonnes sportives » – que dans le courrier des lecteurs en 1999. L’expression a été reprise, au début des années 2010, pour le titre d’une émission de radio consacrée au sport, à Radio-Canada.

Décanner. Dans les années 1980, décanner signifiait frapper un ballon de soccer avec une très grande force, rappelle Martin Brongo. L’expression est probablement un dérivé du mot « canne », synonyme de jambe dans quelques régions du Québec.

Jouer à la traverse. Suggéré par plusieurs lecteurs. C’est la bonne vieille tague, dans le carré d’une cour d’école. Aujourd’hui, les enfants jouent plutôt à bouledogue, ou bouledogue couleurs.

Jouer au ballon coup de pied. « Dans les années 1960, à Victoriaville, dans la cour de notre école primaire, on jouait au ballon coup de pied », écrit Pierre Morrissette. C’est essentiellement du soccer, sans position, sans hors-jeu, sans lignes de côté ni filets. Deux morceaux de bois ou deux bottes délimitaient l’espace des buts. Le jeu existe toujours, mais l’expression, elle, a disparu.

La saucisse. Sport pratiqué dans un gymnase, avec un bâton de hockey tronqué et un petit cerceau en caoutchouc. Soumis par Michel Robillard. Aussi appelé le hockey de salon (Éric Gaudreau, Denis Grenier) ou le gouret de salon (Martin Ducharme, Patrick Huot, Louis Savard).

Le galet. L’ancien nom d’une pierre de curling, souligne Jean Boivin. Le mot se retrouve d’ailleurs dans le titre d’un livre de Pierre Richard consacré à l’histoire de ce sport : Le curling… ou le jeu de galets – Son histoire au Québec (1807 à 1980).

Le patinage de fantaisie. Une disparition très récente. Il y a 10 ans, cette expression était encore employée couramment, notamment dans La Presse. Comme dans cet article sur le film Blades of Glory : « Will Ferrell et Jon Heder parodient le singulier univers du patinage de fantaisie. » Ou encore, dans une rétrospective de fin d’année : « Georges Laraque a fait du patin de fantaisie à l’émission Battle of the Blades. » On dit aujourd’hui patinage artistique. (Soumis par Michel Beauchesne)

Le rond de glace : Yves Leduc, André Joyal et Roger Valois m’ont rappelé cette expression, jadis commune chez les plus vieux : patiner sur le rond, ou le rond de glace. Tout simplement remplacé, de nos jours, par patinoire extérieure.

Patiner sur la bottine. Je croyais que cette expression, suggérée par Pierre Labranche, était encore bien vivante. Je l’ai testée auprès d’ados… qui pensaient qu’il s’agissait d’un synonyme pour le hockey de ruelle. Eh bien, non. Ça signifie plutôt être un mauvais patineur.

Ski-bottines. « S’accrocher au pare-chocs arrière d’une voiture pour glisser sur une surface glacée », m’apprend Claude Sauvageau. Les enfants, n’essayez pas ça à la maison…

Des chouclaques. Deux morceaux de robot pour Normand Champoux, qui a dépoussiéré ce vieux mot désignant des couvre-chaussures, ou parfois la chaussure elle-même. S’écrit aussi shoe-claque. Surtout employé pour décrire des souliers de ballon-balai.

Un club-ferme. Un calque de l’anglais farm club. Dans les années 1970, on aurait ainsi écrit dit que le Rocket de Laval était le club-ferme du Canadien de Montréal. Remplacé par club-école. (Proposé par Luc Tremblant)

Éclaireur. Un synonyme de recruteur au sein d’une équipe sportive, rappelle mon collègue Maxime Morin, de RDS. Comme dans ce texte du Droit, en 2008 : « Erik Karlsson ne faisait pas l’unanimité parmi les éclaireurs en prévision du repêchage. »

La mailloche. Pour former les équipes de baseball, lorsque j’étais enfant, un capitaine saisissait un bâton de baseball. L’autre capitaine plaçait sa main au-dessus. Les deux joueurs remontaient ainsi le bâton, jusqu’au bout, appelé la mailloche. Celui qui appuyait sur la mailloche, dans le dernier geste, obtenait le premier choix. Merci à Guy Desruisseaux et Robert Savoie pour les souvenirs.

Texas Leaguer. L’expression reste bien vivante en anglais, mais elle a disparu des médias francophones. Il s’agit d’un petit ballon, au baseball, entre l’avant-champ et le champ extérieur, explique Luc Hallé. Comme dans ce compte rendu de La Presse, en 1923 : « Lavigueur frappa un Texas Leaguer, faisant rentrer deux hommes au marbre. » L’expression tire son origine d’un joueur de la ligue du Texas qui, au XIXsiècle, se serait rendu sur les buts sept fois au cours d’une seule partie grâce à ces petits ballons.

Jouer à la scrap. L’ancien journaliste de La Presse Guy Robillard se souvient très bien d’avoir joué à la scrap. « Quand on n’était pas assez nombreux pour former deux équipes au baseball, on faisait une rotation. Deux frappeurs faisaient équipe, tour à tour, et frappaient tant qu’ils n’étaient pas retirés. » Il existe une variante, jouer au scrub, dans laquelle un petit nombre de frappeurs – souvent un ou deux – affrontent un grand nombre de joueurs au champ.

Le cerbère. L’expression n’est pas complètement disparue, mais elle bat de l’aile. C’est un synonyme, au hockey, de gardien de but. Elle tire son origine du nom du gardien des enfers dans l’Antiquité. Abondamment employée par René Lecavalier et Lionel Duval, se souvient Martin Bergeron. Le professeur Benoît Melançon, du département des littératures de langue française de l’Université de Montréal, a retrouvé une occurrence dans la chanson Gordie Howe, des Baladins, en 1960.

Nous l’avons vu souvent dans une dure impasse Étendre son bâton interceptant une passe S’élancer comme une flèche devant ses adversaires.

Et comme toujours déjouer le cerbère.

Sur ce, joyeux Noël à tous ! Et souhaitons que le rond gèle, pour qu’on puisse s’amuser un peu.