Le 27 août dernier, dans les minutes précédant le coup d’envoi du match entre le Toronto FC et le CF Montréal, des partisans montréalais se sont rués comme des barbares vers des supporteurs torontois près du stade Saputo. La direction du CF Montréal m’a parlé d’un « gang rush ». Une attaque éclair.

Que s’est-il passé exactement ?

Selon le compte rendu des agents de sécurité du CF Montréal, « un individu a ramassé un gros morceau de planche et l’a lancé vers le groupe [de Toronto], frappant un supporter du Toronto FC à la tête. D’autres ont ensuite lancé des bouteilles, des briques et des roches ». Un épisode suffisamment intense pour que la police intervienne, « environ sept à huit minutes après le début de l’attaque », et produise un rapport d’incident.

Conséquence de cette attaque : le Toronto FC interdira les spectateurs montréalais dans son stade lors de la prochaine rencontre entre les deux équipes, le 23 octobre. La ligue, elle, menace d’imposer d’autres sanctions au CF Montréal et à ses partisans, « si ce type de comportement continue ».

Malheureusement, il ne s’agissait pas du premier acte barbare dans les alentours du stade Saputo cette saison.

Le 14 août, rapporte le club, une demi-douzaine de partisans montréalais ont tabassé un spectateur dans les tribunes. En plein match. Cet homme portait le nouveau maillot de l’équipe – une hérésie pour le groupe des Ultras, opposé à la nouvelle identité visuelle du CF Montréal. Des Ultras se sont défendus sur les réseaux sociaux, plaidant que l’homme était « intoxiqué » au point de vomir et qu’il avait bousculé une femme.

D’accord. Acceptons la version des Ultras. Est-ce que ça justifiera pour autant que « six ou sept individus » (selon le club) battent un homme dans le cadre d’un évènement sportif ?

Bien sûr que non.

En parallèle, depuis le début de la saison, cinq partisans ont été bannis du stade pour « avoir provoqué une bagarre, utilisé des fumigènes non autorisés et lancé des objets sur le terrain ». Les Ultras déploient aussi des bannières contre le président du club, Kevin Gilmore, invité à « décâlisser ». La grosse classe.

Ça fait beaucoup, beaucoup d’incidents.

En seulement deux mois.

Selon la direction du CF Montréal, tous ces épisodes ont un point en commun : la section 132. Mercredi, le club a invoqué l’attaque contre les partisans de Toronto pour fermer jusqu’à nouvel ordre la section et pour bannir les cinq groupes qui l’occupent. Notamment les Ultras, reconnus pour leurs chants et leurs tifos.

Au total, un peu plus de 150 personnes ont vu leur abonnement résilié. La grande majorité d’entre elles sont des victimes collatérales des gestes faits par un très petit noyau de radicaux.

Les abonnés de la 132 sont évidemment en furie. Plusieurs lient cette expulsion à leur contestation de la nouvelle image de marque – ratée – de l’équipe. Il y a sûrement un fond de vérité dans ces allégations. Sauf que le problème est plus profond. L’attaque contre les supporteurs du Toronto FC, par exemple, n’avait absolument rien à voir avec le nouveau logo du club.

D’autres invoquent la « culture du soccer » pour justifier la confrontation permanente entre les abonnés de la 132 et le club. C’est vrai qu’en Europe et en Amérique du Sud, les groupes de partisans ne sont pas toujours copains-copains avec les directions d’équipe. Par ailleurs, les partisans ont tout à fait le droit de contester le changement d’identité du CF Montréal, une décision désastreuse que le club devrait renverser.

Sauf que…

Sauf que ça ne justifie pas de lancer une planche de bois à la tête d’un partisan du TFC. Ni des roches. Ni des briques. Ni de tabasser un partisan dans les gradins. Ces actes n’ont rien à voir avec la partisanerie. C’est du hooliganisme pur et simple.

Je sais, les supporteurs de la section 132 détestent cette étiquette. Avec raison. Elle est associée aux fauteurs de troubles dans les stades européens. Pourtant, les méthodes employées par le petit noyau de radicaux sont les mêmes : la violence et l’intimidation dans le cadre d’une rencontre sportive.

Est-ce vraiment ça, la « culture du soccer » qu’on souhaite importer à Montréal ?

J’ai eu la chance d’assister à de nombreuses parties de soccer ailleurs dans le monde. Notamment en Europe, à une époque où c’était pas mal plus rock’n’roll. À Prague, j’ai vu des partisans brûler les vêtements d’un homme dans les tribunes. En France, des supporteurs gueuler « enculé » ad nauseam à un joueur sur son départ. À Londres, des milliers de spectateurs simuler une masturbation avant le coup franc d’un adversaire. Au Danemark, des partisans anglais tenter de mettre le feu au drapeau d’un supporteur de Brøndby. J’ai aussi vu des arbitres escortés hors du terrain sous les boucliers des policiers.

C’est une certaine conception de la partisanerie.

De la culture du soccer.

Mais pas la mienne.

Et, je le devine, pas celle de la presque totalité des partisans du club.

Le club a pris une décision courageuse en fermant indéfiniment la section 132. Oui, il y a une centaine de victimes collatérales. Elles ne méritent pas d’être bannies du stade. Et oui, c’est franchement dommage que le club ne parvienne pas à isoler les fautifs du reste du groupe. Mais les épisodes de violence des dernières semaines justifient cette mesure.

Car le hooliganisme, c’est comme de la mauvaise herbe. Mieux vaut arracher les racines avant que la plante ne se répande.