(Kashima, Japon) La dernière fois que les Canadiennes avaient battu les Américaines au soccer, Facebook n’existait pas. L’iPhone et l’iPad non plus. George W. Bush dirigeait les États-Unis, Jean Chrétien était le premier ministre du Canada et, à Québec, Lucien Bouchard venait tout juste de démissionner.

C’était en mars 2001. Dans l’intervalle, les Canadiennes se sont contentées de verdicts nuls ou de défaites. Surtout de défaites. Par dizaines. Dont une qui a marqué les esprits, en demi-finale des Jeux de Londres, en 2012. L’arbitre avait rendu une décision controversée, qui avait permis aux Américaines d’égaliser, puis de gagner 4-3 dans les arrêts de jeu.

Depuis, les Canadiennes ont souvent tenté de venger cet affront. Sans succès.

Elles y sont enfin parvenues, lundi. Le hasard a voulu que ce soit exactement dans les mêmes circonstances qu’à Londres : en demi-finale. Elles ont gagné 1-0, dans un match largement mené par leurs rivales.

Après le dernier coup de sifflet, la Canadienne Janine Beckie s’est laissée choir sur le terrain. Elle était sous le choc – comme nous tous. Desiree Scott et Christine Sinclair, elles, se sont enlacées pendant de longues secondes. Les deux étaient aux Jeux de Londres, en 2012. Malgré plus de 450 sélections combinées avec l’équipe nationale, ni l’une ni l’autre n’avait déjà gagné un match contre les États-Unis.

« Dès que nous avons vu les affrontements pour les matchs éliminatoires, j’en ai parlé avec Desiree, a révélé Christine Sinclair avec un sourire aussi large que l’océan Pacifique. Je lui ai dit que ça faisait neuf ans qu’on attendait une chance de pouvoir prendre notre revanche. Que nous devions tout faire pour les battre. Eh bien, on l’a fait ! »

« Pour nous qui étions là en 2012, c’est bien d’avoir pu prendre notre revanche en demi-finale des Jeux », a-t-elle ajouté avec un sourire large comme l’océan Pacifique.

Sa jeune coéquipière Deanne Rose, 22 ans, en a rajouté une couche.

« Nous avons remis les pendules à l’heure pour les vétérans. Pour celles qui ont disputé le match [à Londres], et qui auraient dû gagner cette partie-là. »

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Parlons-en, de ce match. Pas celui de Londres. Celui de lundi.

Oh que ce ne fut pas facile pour les Canadiennes. Loin de là, même.

Après une première heure de jeu franchement ennuyante – aucun tir cadré –, les Américaines ont changé leurs trois attaquantes d’un coup. Les entrées de Carli Lloyd, de Megan Rapinoe et de Christen Press ont modifié le rapport de force. Dans les 10 minutes suivantes, les Canadiennes ne faisaient qu’encaisser les vagues d’attaques. Comme des sacs de sable protégeant une maison contre la montée des eaux. La gardienne canadienne Stephanie Labbé a dû s’illustrer quatre fois en seulement six minutes. Dans les hauteurs du stade de Kashima, on sentait que la digue était sur le point de céder.

Puis le Canada a envoyé le ballon dans le fond du territoire adverse. L’attaquante Deanne Rose a couru pour le récupérer. La défenseure Tierna Davidson l’a coupée. Au mauvais endroit. Dans la surface de réparation.

Tir de pénalité.

C’est la jeune Jessie Fleming, 23 ans, qui a été désignée. Adolescente, Fleming était surtout une étoile de l’athlétisme. Elle a remporté trois fois le championnat scolaire de l’Ontario au 1500 m et au 3000 m. Mais après avoir vu les Canadiennes remporter la médaille de bronze aux Jeux de Londres, elle a décidé de se concentrer à temps plein sur le soccer.

Jessie Fleming avait visualisé ce moment. Elle savait depuis la veille que si l’occasion se présentait, elle allait tirer vers sa droite. Elle a réussi son coup. Après son but, à la 74minute, elle a couru et s’est laissée glisser sur les genoux devant le banc des siens.

Je lui ai demandé quelles étaient ses pensées à ce moment précis.

« Euh… »

Elle ne s’en souvenait plus vraiment. « Honnêtement, je ne peux pas te le dire. C’est juste spécial de pouvoir contribuer à la victoire des tiens. Nous travaillions là-dessus depuis 20 ans, et de voir les filles si excitées, les voir pleurer après le match… [Cette victoire] signifiait beaucoup pour nous. »

Grâce à son but, les Canadiennes pourront disputer la partie de la médaille d’or face aux Suédoises, vendredi (jeudi à 22 h au Québec). Ce sera une première pour nos représentantes, qui ont remporté le bronze lors des deux derniers Jeux.

« Nous voulions changer la couleur de notre médaille, a indiqué Christine Sinclair. Notre première mission est donc accomplie. Maintenant que nous allons en finale, nous visons l’or. Et nous sommes prêtes. »

Prochain match : Canada-Suède, jeudi, 22 h (heure du Québec)