(Tokyo) D’habitude, c’est assez facile de déterminer le meilleur athlète au monde dans sa discipline. En course ? Le plus rapide. En aviron ? Le plus puissant. En haltérophilie ? Le plus fort.

Même au hockey et au baseball, il y a un large consensus autour de Connor McDavid et de Mike Trout. Mais au volleyball, comment fait-on pour déterminer le meilleur joueur ?

Est-ce le meilleur serveur ? Le meilleur attaquant ? Le meilleur passeur ? Le meilleur bloqueur ? Le meilleur récupérateur de ballon ?

Votre réponse vaut la mienne. Sauf qu’il y a un joueur qui se démarque plus que les autres. L’attaquant polonais d’origine cubaine Wilfredo León. Son surnom : le Cristiano Ronaldo du volleyball.

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Wilfredo León est surnommé le Cristiano Ronaldo du volleyball.

« Actuellement, c’est le meilleur joueur sur la planète », affirme avec assurance Glenn Hoag. L’entraîneur-chef de notre équipe nationale est bien placé pour en parler : León a charcuté la défense canadienne, dimanche, avec 10 points d’attaque et 5 as en seulement trois manches.

Ce gars-là est surhumain. Il vole comme Superman. Étire ses bras comme Monsieur Fantastique. Frappe comme Hulk. Contre le Canada, León enchaînait les services à 130 km/h. En mai, il en a même réussi un à 135,6 km/h. Un record mondial. Pour vous donner une échelle de grandeur, c’est presque la vitesse d’un lancer dans le baseball majeur. Sauf que le ballon a la grosseur de votre tête. Et il pince. Vous tenez à vos radius ? Tassez-vous de là.

« Il est unique au monde, renchérit Glenn Hoag. Des fois, des gars vont sortir un service à 129-130 km/h. Lui, c’est de façon régulière. Nicholas [Hoag] a joué avec lui à Pérouse [en Italie]. Il disait que León se fâchait quand il servait en bas de 130 km/h. Qu’il n’était pas satisfait. C’est incroyable. Au moment où il s’élance, on essaie de déplacer la réception. On se dit : OK, on va aller à droite. Mais même là, la vitesse de réaction… »

Parlons-en, de la vitesse de réaction.

Nicholas, c’est comment, affronter un service de León ?

« Ça vient vite [rires]. Ça ne tourne pas beaucoup. En fait, ce n’est pas une réception. C’est une défense. Il faut que tu gardes la balle de ton côté, que tu aies la première attaque et que tu marques tout de suite. Sinon, c’est un serveur qui peut changer le match à lui seul. Il l’a fait, d’ailleurs, à la fin de la deuxième manche. »

Le Canada menait 21-20 lorsque León s’est amené au service. L’attaquant polonais a réussi un as. Bang. Puis un autre. Bang, bang. Ses coéquipiers ont ajouté trois points consécutifs. Les Canadiens venaient de perdre la manche, en route vers une défaite en trois sets de 25-15, 25-16, 25-21.

Ce n’était pas la première fois que León écrasait les Canadiens. « En Ligue mondiale, on avait les Polonais dans les câbles, se souvient Glenn Hoag. Puis [León] a sorti quatre as de suite… » Dans une autre partie contre la Serbie, le printemps dernier, León a réussi 13 as – en seulement quatre manches. L’ancien record mondial était de… 7 !

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Le parcours de Wilfredo León est inusité.

Né à Cuba, il a vite été initié au volleyball par sa mère, elle-même volleyeuse. Il n’a que 14 ans lorsqu’il se joint à l’équipe nationale de volleyball de Cuba. Je répète : 14 ans. C’est comme si un hockeyeur bantam jouait sur le même trio que Sidney Crosby aux Jeux olympiques.

À 15 ans, León est élu meilleur réceptionneur sur le circuit international. À 17 ans, il est vice-champion du monde. Puis à 20 ans, il fait défection. « J’ai rencontré ma future femme, et je savais que je voulais vivre avec elle en Pologne », a-t-il raconté il y a quelques années à des médias polonais.

Quand j’ai quitté Cuba, la Pologne était une destination naturelle pour moi. J’y ai acheté un appartement. Ma femme a joué un grand rôle dans ma décision. J’aime tout de mon nouveau pays. Je suis et je me sens Polonais. [Quitter Cuba] était une bonne décision.

Wilfredo León

Pendant près de sept ans, il est privé de compétitions internationales, le temps que son transfert d’allégeance soit approuvé. Il se concentre donc sur le championnat européen. Sa domination est totale : il remporte quatre titres consécutifs de la Ligue des champions. En 2019, il fait officiellement ses débuts avec la Pologne. Sa présence a un effet immédiat sur les résultats de l’équipe nationale, maintenant classée deuxième au monde. Lors des matchs de premier tour, à Tokyo, il a inscrit 23 points face à l’Iran, 18 contre l’Italie et 17 contre le Japon. La Pologne a facilement terminé au premier rang de son groupe, devant l’Italie et le gagnant de la partie disputée cette nuit entre le Japon et l’Iran. Le Canada a ravi la quatrième et dernière place menant aux quarts de finale. Un résultat qui réjouit Glenn Hoag.

« On est vraiment prêts. On joue un des meilleurs volleyballs que j’ai vus – et ça fait longtemps que je suis cette équipe. […] Grande satisfaction d’être passés. C’était notre premier objectif, se rendre en quarts de finale. C’était acquis avant le match [contre la Pologne]. On a donc plutôt voulu gérer les joueurs. On a des gars qui sont maganés, qui sont blessés. Je n’ai donné que deux sets à Gord [Perrin]. C’est ce qui était entendu. Le résultat importait peu pour nous. Même qu’on voulait un tirage contre la Russie, qui, bien qu’elle soit première dans l’autre groupe, est plus à notre portée, avec un passeur un peu moins expérimenté. »

Le Canada disputera son prochain match mardi, heure locale. Ce sera contre le Brésil, la Russie ou les États-Unis. Trois superpuissances. Des affrontements qui n’impressionnent pas Nicholas Hoag. « De toute façon, pour se rendre jusqu’au bout, il faudra battre les meilleurs. »

Vive les compétitions mixtes !

Le Comité international olympique a ajouté plusieurs nouvelles épreuves au programme des Jeux de Tokyo. Le surf. Le skateboard. Le golf. Mais aussi des compétitions mixtes par équipes. Notamment en judo, en natation, en triathlon et en athlétisme.

Première impression ? C’est vraiment le fun. Tant pour les téléspectateurs que pour les concurrents. Surtout pour les athlètes qui évoluent dans un sport individuel, comme le judo. L’ambiance ressemble à celle dans les compétitions scolaires régionales, dans lesquelles les athlètes fraternisent plus qu’à l’accoutumée. Il fallait voir les judokas français prendre soin les uns des autres et s’encourager en se relayant en finale face aux Japonais. C’était franchement beau. Une idée qui sera assurément déclinée dans encore plus de disciplines aux prochains Jeux.

Pour notre plus grand bonheur.