(Tokyo, Japon) Il y a un nom intrigant sur la liste de l’équipe de plongeon de l’Italie.

Sarah Jodoin Di Maria.

Ça sonne québécois, non ?

C’est normal. Car Sarah est québécoise. Elle a grandi près de la rivière des Mille Îles, à Laval. Étudié à l’Académie Sainte-Thérèse et au Collège de Montréal. Fait de la gymnastique dans les Laurentides. Skié avec le Club du mont Sutton. À 17 ans, elle ne parlait pas un seul mot d’italien. Maintenant âgée de 21 ans, elle habite à Rome, elle fait partie de la marine militaire italienne et elle représentera Il Bel Paese à l’épreuve du 10 m individuel, le 4 août.

Mamma mia !

Cosa è successo ?

Que s’est-il passé ? Je l’ai contactée pour connaître son histoire. Elle m’a répondu rapidement. « Ça me ferait plaisir de répondre à tes questions, mais le comité olympique de l’Italie nous interdit de faire des entrevues pendant les Jeux. »

Zut. Puis trois petits points sont apparus sur mon téléphone. Un nouveau message, accompagné d’un émoji d’un bonhomme qui pleure de rire. « Mais je peux te refiler le numéro de ma mère. Elle devrait pouvoir te répondre assez bien ! »

***

Sarah Jodoin Di Maria a toujours aimé bouger. À 19 mois, elle se tenait debout sur des skis, pour suivre son grand frère sur les pentes. À deux ans et demi, elle a commencé les cours de gymnastique, « juste pour bouger ». Jeune enfant, Sarah a aussi fait du ballet. De la natation. De l’équitation. « Je te dirais qu’elle a pas mal essayé tous les sports », me raconte sa mère, Carmen Jodoin.

PHOTO FOURNIE PAR LA FAMILLE

Sarah Jodoin Di Maria a fait de la compétition en ski avant de pratiquer le plongeon.

Ce n’est qu’à l’adolescence que les préférences de Sarah se précisent. À 13 ans, elle s’inscrit en sport-études en gymnastique, à l’Académie Sainte-Thérèse, et skie pour le Club du mont Sutton. Elle excelle dans les deux sports. « On trouvait qu’avec le sport et l’école, son horaire était déjà pas mal chargé. Mais elle voulait continuer d’essayer des choses. C’est là qu’elle nous est arrivée avec le plongeon. Elle voulait faire ça de soir. Après l’école. Pour se désennuyer. »

Sarah se découvre une passion. Trois mois plus tard, elle prend part aux Jeux du Québec. Moins d’un an après son premier saut, elle participe déjà à des compétitions nationales – tout en poursuivant ses entraînements en ski et en gymnastique. Tout va très vite. Ça en est essoufflant. Pas tant pour elle que pour ses parents.

« Sarah, elle aimait tout ça », se souvient Carmen.

Lorsqu’elle atteint 16 ans, ses parents la forcent à choisir. « Des fois, elle avait trois compétitions la même fin de semaine. En plus de ses études et de notre travail. Ça n’avait plus de bon sens. »

Sarah se décide.

Ce sera la gymnastique.

Et le plongeon…

« Elle préférait la gymnastique, mais elle avait de meilleurs résultats en plongeon », précise sa mère.

Sarah change alors d’école secondaire et de concentration en sport-études, pour se consacrer principalement au plongeon. Ses entraîneurs de plongeon, eux, ne sont pas convaincus que ce soit une bonne idée de mener deux carrières sportives de front.

« Dans un sens, explique sa mère, la gymnastique l’aidait. Mais certains mouvements pouvaient aussi lui nuire en plongeon. Du moins, c’est ce qu’on lui disait. »

Elle abandonne donc la gymnastique et mise tout sur le plongeon.

En 2017, l’équipe nationale organise un camp d’entraînement en Chine – mais n’invite pas Sarah. « On lui a dit qu’elle était trop occupée. Elle n’a pas trouvé ça très gentil… » Déçue, Sarah prend elle-même l’initiative de contacter l’entraîneur de l’équipe nationale italienne, l’olympien Domenico Rinaldi, qui a participé aux Jeux de Los Angeles (1984) et de Séoul (1988) en plongeon.

« Comment Sarah l’a-t-elle joint ?

— Je ne sais pas vraiment. Mais vous savez, Sarah, elle est très, très débrouillarde. Quand elle a quelque chose dans la tête, elle peut devenir vraiment intense. Elle va y arriver. Et son but, depuis qu’elle est toute petite, c’est de participer aux Jeux olympiques. Peu importe le sport. »

Le père de Sarah profite d’un voyage d’affaires en Europe pour rencontrer Domenico Rinaldi à Rome. Quelques semaines plus tard, Rinaldi vient à Montréal pour une compétition internationale de plongeon. L’occasion parfaite pour discuter avec Sarah Jodoin Di Maria et ses parents de la suite des choses. Il leur fait une proposition : entraîner Sarah pendant que les autres plongeuses canadiennes seront parties en Chine.

La jeune athlète accepte, et part pour un premier séjour en Italie.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM DE SARAH JODOIN DI MARIA

Sarah Jodoin Di Maria (au centre) avec ses coéquipières de l’équipe d’Italie

« Elle est revenue tout emballée, raconte sa mère. “J’aime ça, nous disait-elle. Je veux retourner là-bas. Je veux m’entraîner avec les Italiens.” Elle était sérieuse. Alors on a entrepris des démarches. »

Sarah a obtenu son passeport italien, grâce à son père, qui possède la citoyenneté. En avril 2018, une fois toute la paperasse remplie, elle déménage définitivement à Rome. Son père reste auprès d’elle pendant quatre mois, afin de lui trouver un logement et de l’aider à s’organiser.

Sarah ne met que trois mois à apprendre l’italien. Son intégration dans sa terre d’accueil est réussie. Notamment grâce à son entraîneur, qui prend soin d’elle comme si elle était sa propre fille.

« Domenico l’a vraiment, vraiment, vraiment aidée, précise Carmen. Comme un père. Surtout dans la dernière année, avec le virus. Moi, ça fait plus d’un an que je ne l’ai pas vue. Alors en Italie, la famille de Sarah, c’est lui. Quand Domenico fait quelque chose en famille, il invite Sarah. Elle est très bien traitée là-bas. Elle est contente. »

***

Quel est le potentiel de Sarah Jodoin Di Maria aux Jeux olympiques ?

C’est vraiment difficile à dire. Car elle n’a pas eu beaucoup d’occasions de se mesurer à l’élite mondiale. Dans la première année qui a suivi son transfert d’allégeance, elle pouvait participer aux préliminaires des compétitions internationales, mais ne pouvait pas être notée.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM DE SARAH JODOIN DI MARIA

Sarah Jodoin Di Maria aux Jeux de Tokyo

« C’était plate pour elle, car elle ne savait jamais où elle se situait par rapport aux autres », explique sa mère.

Sarah a eu le temps de faire seulement deux Grands Prix avec l’équipe d’Italie avant que la pandémie ne frappe, et ne force le circuit à cesser ses activités pendant un an. À la reprise, Sarah a remporté la médaille d’argent au Grand Prix d’Espagne. Puis elle a terminé au cinquième rang à celui du Japon, avec 324,65 points. C’était son meilleur pointage à vie sur le circuit. Aux Jeux de Rio, en 2016, ce résultat lui aurait permis d’atteindre de justesse la finale au 10 m individuel.

« Moi, tout ce que je lui souhaite, c’est de s’amuser, conclut Carmen. Parce que Sarah, elle est déterminée. Exigeante. Courageuse. Et que les Jeux, c’est son rêve. »

Sarah Jodoin Di Maria participera aux qualifications du 10 m individuel, le 4 août à 2 h (heure avancée de l’Est).