La Presse vous propose chaque semaine un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Aujourd’hui : Nathalie*, début cinquantaine.

Elle a été trompée. Mais elle a aussi trompé. Vécu les deux côtés. Alors elle le sait : il y a mille facettes à l’infidélité et autant d’histoires à raconter. Voici la sienne.

« Je sais que ce n’est pas correct », répète Nathalie, assise devant un double espresso, à une terrasse ensoleillée d’Outremont, tout dernièrement. « Mais ce n’est pas unidimensionnel. [...] Et moi, j’ai connu toutes les facettes : j’ai été trompée, j’ai trompé, et j’ai été la maîtresse... »

Avec ses longs cheveux bruns et son regard vif, Nathalie a l’air d’une femme forte. Déterminée. Une fonceuse, quoi. Pourtant, elle en a bavé. Tenez : son tout premier amoureux, un « amour d’adolescence, avec une sexualité d’adolescence, passionnée », est mort tragiquement, après 10 ans de vie commune. Elle n’avait pas 30 ans quand son château de cartes s’est effondré.

« Toute l’histoire de ma vie était écrite, se souvient-elle. On avait une maison, un enfant, on pensait peut-être en avoir un autre. Tout a été à réécrire... » Elle ne s’épanche pas sur le sujet, mais confirme : « J’ai trouvé ça dur. »

Après ce deuil, elle fréquente un deuxième homme quelques années, un ami d’ami avec qui elle a un deuxième enfant. « C’était un gars super bien, il était super bon, il m’a apporté un bel équilibre », résume-t-elle. Au lit ? « Correct, mais c’était plutôt un ami, nuance-t-elle. Je ne me souviens pas de grands ébats. Moi, j’aime mieux quelque chose de plus passionné... »

D’ailleurs, elle l’a trompé.

Mais je ne voulais pas tromper pour tromper.

Nathalie

L’amant en question, un collègue de travail (« beau, grand, il sentait bon »), est lui aussi « engagé ». « Je veux que ça mène à quelque chose », lui dit-elle. Et après quelques mois de « flirts » et autres ébats à la « sauvette », sur l’heure du dîner, ils laissent tous deux leurs conjoints respectifs pour faire un moyen bout de chemin.

Combien de temps leur histoire a-t-elle duré ? Quinze longues années.

« Je savais que ce n’était pas correct, mais je n’étais pas heureuse, la vie est courte, dit Nathalie, en parlant de sa tromperie. Je ne voulais pas m’emmurer dans une relation qui ne me convenait pas. » Ou qui ne lui convenait plus.

Et avec l’amant, devenu mari, dans une grosse famille recomposée ? « Les premières années, c’était très bien. On avait beaucoup de spontanéité, beaucoup d’amour. On a essayé plein de choses », dit-elle, mentionnant jouets, positions et toutes sortes d’activités érotiques. « Pour moi, le sexe, c’est super important, c’est une manière de communiquer. S’embrasser aussi, c’est super important, ça exprime beaucoup, ces gestes-là, c’est important », glisse-t-elle ici. On comprendra plus tard pourquoi.

Et puis ? Et puis monsieur a eu des problèmes de santé, conjugués à des soucis érectiles. « Je me suis posé des questions, se souvient-elle. Est-ce que c’est de ma faute ? Est-ce que je ne suis pas assez sexy ? C’était difficile d’en discuter, et je comprends. » Sauf qu’en prime, monsieur est devenu « morose », bête avec elle, tout sourire avec les autres. Ils n’avaient plus d’intimité, et Nathalie a fini par vivre une aventure avec un autre collègue. L’affaire n’a pas duré, et Nathalie s’est mise à douter... de son propre mari. Vous suivez ? « Il voyageait beaucoup, se souvient-elle, et nous n’avions plus de sexualité. » Et voilà qu’en fouillant dans son téléphone, elle découvre des tas de profils sur des tas d’applications de rencontre. Une double vie, tentaculaire. « C’était tellement gros, j’en ai mal au cœur. [...] Ça faisait des années ! [...] Il m’a trompée assidûment ! [...] Oui, moi aussi, je l’ai trompé, concède-t-elle. Quelques mois, c’était le fun, mais j’ai arrêté ! »

Son sentiment de trahison est palpable.

Avec ses problèmes de santé et ses problèmes érectiles, il était capable avec d’autres, mais pas moi ?

Nathalie

Toujours est-il que fin quarantaine (permettez qu’on résume), Nathalie l’affronte. Puis le quitte. Nouveau vertige. Après toutes ces années, elle s’est « sentie libérée », dit-elle. « J’ai décidé de me retrouver, moi. Qui suis-je ? Qu’est-ce que j’aime faire ? »

Elle s’inscrit à son tour à un site, mais ne veut surtout pas s’engager. « J’avais assez donné, j’avais le goût de liberté. » Et c’est sur Ashley Madison (au slogan extraconjugal révélateur : Life is short, have an affair, La vie est courte, vivez une aventure) qu’elle trouve son bonheur. « Je ne veux pas de one night, déclare-t-elle, mais des amis avec bénéfices [...] Et je veux comprendre pourquoi les gens font ça. »

Elle finit par rencontrer deux hommes, avec qui elle est amie à ce jour. Et oui, elle a compris. « Ce qu’ils cherchent, c’est l’intimité, pas juste la sexualité, explique-t-elle. Ils veulent se coller, jaser. [...] Ces câlins, caresses, prendre soin de l’autre, la communication, c’est ce qui manque à plusieurs couples... » Nous y voilà. Ses yeux se remplissent tout à coup de larmes. « Si j’avais su ça, je ne serais peut-être pas là ! [...] Qu’est-ce que je peux faire pour que ça ne m’arrive plus ? J’ai toujours cette crainte... »

On comprend que ses blessures ne sont pas encore guéries, mais qu’elles cicatrisent tranquillement. « Ces deux gars-là m’ont vraiment aidée, confirme Nathalie, en parlant de ses deux amants. Tu sais, quand ton mari flirte avec plein de femmes, tu te trouves moche. Ces deux gars-là m’ont fait sentir belle et désirable. »

On ne peut pas s’en empêcher : se sent-elle coupable d’être à son tour la maîtresse ? « Oui et non, c’est difficile à expliquer. Je sais que ce n’est pas correct, en même temps je suis célibataire [...] et ils m’ont beaucoup apporté. Ils m’ont redonné confiance en moi ! »

À preuve : depuis eux, Nathalie a essayé plein de choses : le libertinage (avec deux couples, « mais je ne recommencerais pas »), la fréquentation d’un ami, puis d’un autre, et elle se demande enfin si elle va oser à nouveau s’engager.

« Je comprends maintenant mieux certaines facettes du couple. Ces petits gestes au quotidien qui font plaisir. Les gars aussi trouvent ça important », sait-elle maintenant. Et elle n’a pas l’intention de l’oublier.

* Prénom fictif, pour protéger son anonymat

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