La Presse vous propose chaque semaine un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Aujourd’hui : Louis*, 61 ans.

Après une vie en dents de scie, et autant de folies, Louis a décidé de se calmer. Depuis 10 ans, il partage donc son quotidien avec une femme qu’il aime. Quelqu’un de « bien » dont il est même « très amoureux ». Une combinaison quasi parfaite, à un détail près : au lit.

« Je n’ai pas le goût de foutre en l’air notre relation », confie le jeune sexagénaire, un sportif à qui l’on donnerait facilement 10 ans de moins, attablé un vendredi après-midi dans une jolie brasserie. « Mais je vais avoir 62 ans, ajoute-t-il. Et j’ai l’impression, des fois, que le temps file. Et que je n’en profite pas... » D’où l’impasse, devine-t-on.

Il faut dire qu’il en a plutôt bien profité jusqu’ici, malgré un départ, disons, tardif. Et plutôt épique. Tenez : à 16 ans, Louis se fait sa première blonde, une relation par ailleurs « platonique » qui dure quatre ans. Puis, il en rencontre une deuxième, qu’il rend enceinte lors de leurs tout premiers ébats ! « Elle s’est fait avorter, mais ç’a quand même été une très belle [première] expérience, se souvient-il. C’était dans un appartement d’étudiant, on avait un matelas à terre, on écoutait les Beatles... »

Après une aventure dans un camp de vacances (avec des ébats dans l’auto, un champ, le bord de l’autoroute), Louis décide de se caser, mi-vingtaine. Pourquoi ? « Je me pose encore la question. La pression sociale ? » Toujours est-il qu’il se marie, avec la mauvaise fille, qu’il trouve un soir au lit avec une amie. « Un choc », résume notre homme. « Je me suis senti confus. Je n’avais vraiment pas vu venir ça... » Surtout que madame lui confie s’être elle-même mariée sous pression, a même caché son homosexualité à sa famille, tout cela à cause de la « religion ».

Louis fulmine, mais on ne sait pas encore trop pourquoi. Voilà, explique-t-il, à ce moment précis de l’entretien : « Moi, quand j’avais 12 ans, je me suis fait tripoter par un prêtre. C’était un viol, aujourd’hui, je peux le nommer, mais à l’époque je ne comprenais pas. [...] Alors j’ai de l’ouverture pour beaucoup de choses, mais la religion, beaucoup moins. »

Il ne s’éternise pas sur ce douloureux chapitre, à part pour confier que cela explique sans doute ses débuts platoniques. « J’hésitais à passer à l’acte, je ne voulais pas reproduire ce que j’avais vécu », analyse-t-il, le recul aidant.

Le temps de « profiter de la vie »

Au tournant de la trentaine, une trahison et un divorce plus tard, notre Louis rebondit. Comment ? « Tu es beau bonhomme, se dit-il, tu as du charisme, alors go ! On en profite ! »

Pendant cinq ans, c’est exactement ce qu’il fait, et à profusion. « Je ne peux même pas les compter. C’était l’une après l’autre », dit-il en souriant. Et il en garde aussi d’excellents souvenirs. « C’était presque toujours plaisant. Je suis quelqu’un de généreux. » Jusqu’à ce qu’il rencontre une femme qui se démarque du lot, à qui il fait un enfant. Leur histoire dure de nouveau quelques années. Et de nouveau, ça ne va pas du tout comme prévu. Mais vraiment pas : madame tombe malade, devient instable, à tendance carrément violente. On vous épargne les détails, mais voilà qu’à 40 ans, Louis se retrouve séparé une fois de plus, avec la garde de son enfant en prime.

Si, au début, il traverse un « immense choc », humain, amoureux, familial, où le sexe est la « dernière de [ses] priorités », la première étant son enfant, on l’aura compris, tranquillement mais sûrement, ses « instincts sexuels » ressurgissent. Et par chance, il est bien entouré, ses amis peuvent garder, tandis que lui revit.

Et revoilà Louis sur le marché, à profiter pleinement, comme au début de sa trentaine. Il s’entend encore répéter : « On va coucher ensemble, mais on ne se réveillera pas ensemble. » Et de toute évidence, ça ne va pas trop mal pour lui. « Une semaine, j’ai couché avec sept femmes différentes, se souvient-il, les yeux pétillants. Dont trois différentes la même journée. L’étalon. On ouvre les vannes. On se fait plaisir. »

Un vrai tombeur : au travail, à vélo, à la caisse, même chez la coiffeuse, les avances fusent de toute part. « As-tu le goût ? se fait-il régulièrement demander. Je devais dégager les phéromones ! [...] Et ça fonctionnait autant que je voulais. N’importe où, n’importe quand. »

Si ça le comble ? Affirmatif. « C’est sûr ! Le sexe, c’est comme la pizza, peu importe quelle sorte, c’est toujours bon, garni, moins garni ! »

Sauf qu’au bout de 10 ans, son enfant grandissant, Louis finit par se questionner :

Je ne peux pas continuer comme ça […]. Le sexe pour le sexe, à un moment donné, ça donne quoi ?

Louis

Nous y voilà. C’est là que, par l’entremise de différents amis, il finit par rencontrer sa conjointe actuelle, vers 50 ans. « Et avec elle, j’ai eu le goût de développer une vraie relation. Pas une aventure sexuelle », déclare-t-il. Pourquoi elle, au juste ? « Sa stabilité, répond-il sans hésiter. Son équilibre. Elle est très rationnelle. Et très belle... » Ils ont les mêmes valeurs, une entente parfaite en voyage, partagent une foule d’intérêts.

Et au lit ? « Eh bien, c’est ça, répond-il en soupirant. Je dirais que c’est le seul élément où on n’est pas parfaitement compatibles. » Mais encore ? Les débuts sont « corrects ». D’ailleurs, il ne lui cache rien, et lui « déballe » tout son passé. Mais de son côté, elle a un parcours moins actif. Et visiblement davantage de pudeur. « Elle m’a déjà dit : ça n’a pas besoin de durer longtemps, et on n’a pas besoin d’en discuter des heures... Ah oui, et : tu n’as pas besoin de me faire plaisir. »

Pas facile, pour Louis. « Moi, j’ai toujours été dans l’échange. Ça n’a jamais été unidirectionnel. Alors je finis par me retenir. J’ai de la misère à avoir du plaisir seul ! [...] Je dirais que mon niveau de satisfaction est à 70 %. Peut-être que je suis trop exigeant ? »

Il n’avait pas prévu nous le dire, mais oui, il a fini par la tromper. C’était il y a quelques années. Une « aventure », comme il dit, « purement sexuelle ». Si ça l’a troublé ? « Encore une fois, je me sens confus, répond-il. C’était bon, mais je m’en veux. [...] C’était un besoin que j’avais. Ça m’a fait du bien. Et je me suis senti de nouveau mâle. » Mais oui, bien sûr, il se sent « coupable ».

Bref, il ne sait pas trop. Dernièrement, il a essayé d’aborder le sujet : « J’ai un peu l’impression qu’on est devenu des colocs, plus que des amoureux », lui a-t-il dit. De son côté, madame, la ménopause aidant, n’a tout simplement plus envie. Il n’a pas osé se confier davantage. Pourquoi ? « Chicken », dit-il en riant.

Mais ce n’est pas tout. « J’ai vécu seul assez longtemps pour assouvir mes besoins et reconnaître que j’aime mieux être en couple », dit-il. Alors, oui, il « refoule » les discussions. « Chicken, répète-t-il. J’ai beaucoup de difficulté à accepter que je n’aurai plus de plaisir. [...] Mais je ne suis pas prêt à sacrifier tout ce qui va bien avec ma conjointe. Dans la balance, le sexe pèse moins que tout le reste », croit-il.

* Prénom fictif, pour protéger son anonymat

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