La Presse vous propose chaque semaine un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Aujourd’hui : Sara*, 35 ans

Sara a 35 ans et elle n’est ni en couple ouvert, ni polyamoureuse, ni rien. Elle est monogame, très heureuse de l’être, et au-delà du sexe, elle aime surtout la tendresse.

« Je ne me reconnais pas du tout dans les témoignages des gens de ma tranche d’âge », confie d’emblée la jeune femme, rencontrée plus tôt ce mois-ci dans sa petite cuisine, où trônent jouets, crayons de couleur et autres figurines. Nous sommes chez une jeune famille et ça paraît.

« Je connais plein de personnes en couple ouvert, pas hétéronormatives. Moi ? Je me décrirais comme plate dans ma sexualité ! », dit-elle dans un éclat de rire. Entendons-nous : « Moi, je ne la trouve pas plate, nuance-t-elle, on est très heureux dans notre petit confort très normatif, très vanille. Ça nous convient. »

Elle est en couple avec son copain depuis 10 ans, et idéalement pour la vie, poursuit-elle. « Idéalement, ce serait l’homme de ma vie et il n’y en aurait pas d’autres ! »

Il faut dire qu’il est son premier « vrai chum », et vice-versa. Avant lui, elle a eu certes quelques fréquentations, mais rien de très significatif. « J’étais toujours sur mes gardes. » Sur ses gardes ? Parce que sa toute première relation « pénétrative », comme elle dit, autour de ses 18 ans, alors qu’elle rêve que ce soit « magique » (« veux, veux pas, on met ça sur un piédestal… »), ne se passe pas exactement comme prévu. « J’avais l’impression d’être un trou, laisse-t-elle tomber. Ce n’était vraiment pas tendre. Il n’était pas à l’écoute de mes besoins. J’ai dû lui dire deux fois d’arrêter. […] Et ça a pris ces deux fois avant qu’il arrête. Alors j’ai été sur mes gardes suite à ça. »

Et puis des « mauvaises dates » et autres « moments plates » du genre, Sara en a vécu plusieurs. Mais elle ne voit pas cela comme des agressions. « J’appellerais ça… des violences, nuance-t-elle. Parce que c’était violent. » Exemple ? Une autre fois, dans un party, un type veut l’embrasser, l’amène dans un coin, et ça a fini… en « doigté » ! « J’ai dit non, mais il l’a fait pareil ! J’ai dû me sauver… »

Autre exemple : en voyage, quelque part dans la vingtaine, un type essaye de la forcer à embrasser une autre fille, en les tenant toutes les deux par la tête. « Euh… non ! », illustre-t-elle. « J’ai vraiment le sentiment de devoir être sur mes gardes dans des situations de vulnérabilité. »

Ceci explique-t-il cela ? Toujours est-il que pendant toutes ces années, Sara cherche avant tout « un câlin, cette tendresse, un geste d’affection ».

Si je ne sens pas cette tendresse-là, je vais voir ailleurs. Parce que pour moi, c’est ça qui est le plus important.

Sara, 35 ans

Pour le reste, elle le sait : « Le côté sexuel, je peux le faire toute seule ! Si je veux un orgasme, je peux me masturber ! » Alors qu’un câlin, ça, ça se fait à deux.

Mi-vingtaine, des amis lui présentent un jeune homme, son copain actuel, le père de ses enfants. « Vous iriez bien ensemble, lui dit-on. Vous avez les mêmes valeurs, les mêmes buts. » Et à l’écouter se confier, on comprend qu’ils ont bien vu.

Cela dit, ça n’est pas exactement fluide d’emblée. Au lit, à leurs débuts, c’est même « particulier », poursuit Sara. « Lui et moi, on avait beaucoup de choses dans nos têtes, analyse-t-elle. On avait beaucoup de stress, et moi, toutes mes craintes. […] Et je pense que quand on est trop dans nos têtes, le plaisir part. »

Elle pense juste : ils ont dû mal à se laisser aller, et cela leur prend finalement une bonne année avant d’y arriver. « Mais on avait du plaisir dans l’acte quand même ! » Et puis ils ont chacun fait « un bout de chemin », et ont surtout beaucoup communiqué : « comment tu aimes ça ? veux-tu que je fasse ça ? comment ? », illustre-t-elle. Depuis, tout va bien de ce côté.

Côté tendresse, par ailleurs, il n’y a jamais eu de souci, elle a toujours été au rendez-vous. « On est très affectueux, on aime se donner des caresses, se tenir par la main », illustre-t-elle. C’est surtout avec l’arrivée des enfants qu’ils ont mis le doigt dessus. Vingt minutes par-ci, par-là, à l’arraché, « ce sont nos petits moments où on se colle. […] Des petits moments à juste profiter d’être les deux ensemble. Et ça nous fait tous les deux du bien ! »

Leur bulle peut durer de 20 à 30 minutes, parfois une heure, « et c’est vraiment un moment relaxe, pas compliqué, où on partage des caresses. […] Les bras, les jambes, des fois, oui, les fesses ». Mais des fois pas. « Des fois c’est génital, des fois non. » Notamment quand ils sont fatigués, on l’aura deviné. « Des fois, on n’a pas l’énergie pour du sexe, mais on a juste envie de tendresse. »

Tout le monde est différent, sait-elle, et tout le monde a aussi des besoins variés. « Mais nous, ça vient répondre à un besoin de contact, d’amour physique, autre que le sexe. » Si les personnes plus âgées l’expriment souvent, Sara a le sentiment que les gens de sa génération sont davantage dans l’acte et la « performance ». Les « prouesses », quoi. « Et c’est correct, dit-elle, mais j’ai l’impression qu’on parle moins de cette tendresse […], que c’est moins valorisé. »

Et peut-être qu’on devrait ? C’est du moins son avis. « Ce n’est pas à négliger, fait-elle valoir. Non, on n’est plus dans la passion des premiers jours. On essaye juste d’être bien et heureux dans notre relation. […] Au final, la passion peut partir, aller et venir ; la tendresse, c’est ça qui permet de passer au travers des moments où il y a moins de passion. C’est ça, au final, qui permet de faire durer une relation, conclut-elle. Enfin, c’est ma vision… »

* Prénom fictif, pour protéger son anonymat