La semaine de relâche approche à grands pas. Cinq jours sans école, voilà une belle occasion pour les jeunes de pratiquer les activités qui les font vibrer. Quels sont les bienfaits des passions et comment encourager son enfant à en développer ? Des experts ont répondu aux questions de La Presse.

Émilie Bouthillette, 11 ans, passera la semaine de relâche à l’aréna. Pas question « de rester à ne rien faire chez [elle] ». Pas question non plus de laisser s’écouler sept jours sans pratiquer son sport préféré, la ringuette.

Membre de l’équipe Les intrépides de Saint-Bruno-de-Montarville, la joueuse participera à un camp de perfectionnement organisé par Défis sports, du 4 au 7 mars, à l’aréna de Sainte-Julie. Celle qui a pris part à un camp similaire l’été dernier attend avec impatience ce moment.

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Émilie Bouthillette

« J’aime beaucoup les coachs parce qu’elles sont souriantes, elles sont jeunes et elles m’ont appris beaucoup de choses pendant les semaines d’été. Je pense apprendre beaucoup encore une fois », confie la préadolescente qui joue à la ringuette depuis l’âge de 7 ans.

De son côté, Romy Péloquin, du club de cheerleading l’ImpAkt de Sherbrooke, n’a aucun entraînement prévu avec ses coéquipières pendant les congés. Elle a tout de même l’intention de s’exercer à son sport préféré à la maison lors de la pause scolaire.

« Je vais pratiquer ma gym, mes backflips », énumère la fillette de 9 ans.

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Romy Péloquin

En entrevue, les deux jeunes athlètes parlent de leur sport avec enthousiasme. Un sourire se dessine sur leurs lèvres lorsqu’elles évoquent leurs tournois ou leurs compétitions à venir. Pourrait-on appeler cela une passion ?

Joint au téléphone par La Presse, Robert J. Vallerand, professeur titulaire de psychologie sociale à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), décrit une passion comme étant « quelque chose qu’on aime, qui est important pour nous, dans lequel on va s’investir ».

Mais il y a plus, ajoute ce chercheur reconnu mondialement pour ses travaux sur la passion et les processus motivationnels.

Une passion, ça fait partie de notre identité. Ça va aider à nous définir.

Robert J. Vallerand, professeur titulaire de psychologie sociale à l’UQAM

Un exemple ? « Si je suis passionné par le basket-ball, je vais dire que je ne fais pas que jouer au basket-ball, je suis un joueur de basket », explique-t-il.

Bienfaits

Pendant l’enfance ou l’adolescence – et c’est aussi vrai une fois adulte –, avoir une passion peut contribuer à « donner un sens à sa vie », souligne la psychologue Nathalie Parent. Lorsque l’activité se pratique en groupe, comme dans le cas d’une équipe sportive ou d’un orchestre, elle nourrit le sentiment d’appartenance, ajoute-t-elle.

« Je me sens bien avec mon équipe. Je me sens motivée », témoigne d’ailleurs Romy Péloquin, qui a fait la connaissance de nouvelles amies grâce au cheerleading.

Trouver et développer une passion, c’est également une façon pour le jeune de se découvrir comme être humain et d’acquérir une autonomie face à ses parents.

Il y a quelque chose de spécial de sentir qu’on a choisi une activité, que ce n’est pas celle de papa et de maman. […] C’est très sain de se sentir autonome dans ce choix-là.

Robert J. Vallerand, professeur titulaire de psychologie sociale à l’UQAM

Les habiletés développées grâce à la pratique d’une passion permettront non seulement à l’enfant de s’améliorer dans son activité de prédilection, mais aussi dans d’autres sphères de sa vie, continue le professeur.

Ancien joueur de basket-ball, il illustre son propos en donnant l’exemple de la pression ressentie au moment de marquer un panier lors d’un lancer de punition. Si le jeune a appris à gérer son stress dans cette situation, il sera également en mesure de le faire assis dans une classe devant une feuille d’examen.

D’ailleurs, les passions, qui sont « une forme de motivation intrinsèque très aboutie », peuvent nourrir la motivation scolaire, observe Elizabeth Olivier, professeure adjointe au département de psychopédagogie et d’andragogie de l’Université de Montréal.

« Si on a une grande passion pour un sport en particulier, en plus de faire ce sport-là, on peut lire sur ce sport, faire des jeux de société autour de ça, avoir des groupes de discussion sur le sujet… On peut faire plein d’activités qui ont un caractère scolaire en lien avec la passion », souligne l’experte qui s’intéresse à la motivation et à l’engagement scolaire.

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Émilie Bouthillette (à gauche)

Entre harmonie et obsession

Une passion peut toutefois entraîner des conséquences négatives.

« Il y a deux types de passions : passion harmonieuse et passion obsessive », explique Robert J. Vallerand.

Lorsque la passion vire à l’obsession, elle peut provoquer des problèmes de santé physique et mentale. La personne s’investit alors tellement dans son activité que « son ego est toujours en jeu ». « Elle veut toujours être meilleure que les autres, leur montrer ce qu’elle est capable de faire », détaille le professeur de l’UQAM. La passion obsessive va aussi empiéter sur les autres sphères de la vie, comme les amis, la famille ou l’école.

« Ce n’est pas toutes les passions qui sont saines. On veut développer une passion harmonieuse qui va ajouter à la vie du jeune et non prendre toute la place », résume-t-il.

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Les joueuses des Intrépides de Saint-Bruno-de-Montarville

Le choix du jeune

Comment peut-on encourager son enfant ou son adolescent à trouver et à développer ses passions ? Les experts consultés par La Presse s’entendent pour dire que le choix d’une activité devrait émaner du jeune et non de ses parents. Autrement, il pourrait ressentir une certaine pression « pour faire plaisir » à son père et à sa mère, note le professeur de l’UQAM.

On peut toutefois lui fournir une liste d’activités et lui demander de choisir parmi elles ce qu’il souhaiterait essayer, propose la psychologue Nathalie Parent.

Et si l’intérêt du jeune change d’une saison à l’autre ? C’est normal et même positif.

J’appelle ça l’approche cafétéria. On essaie plein de choses. Ça aide les jeunes à découvrir qui ils sont, ce qu’ils aiment.

Robert J. Vallerand, professeur titulaire de psychologie sociale à l’UQAM

Cela ne veut toutefois pas dire d’abandonner une session complète de cours de guitare, parce qu’après deux séances, son enfant préfère essayer la trompette. Robert J. Vallerand suggère d’inviter le jeune à bien réfléchir à l’activité à laquelle il souhaite s’inscrire puis à s’engager pour une durée précise. D’autant plus que l’inscription à une activité engendre des frais qui ne sont pas toujours remboursables en cas d’abandon.

Et si la passion de son enfant implique un écran, comme les jeux vidéo, devrait-on l’encourager à poursuivre celle-ci ?

« C’est sûr qu’aller encourager plus de temps d’écran, ce n’est pas idéal, répond Elizabeth Olivier. On peut se demander comment investir cet intérêt d’une autre façon. Est-ce qu’on peut lire autour de ce sujet ? Par exemple, il y a des bandes dessinées qui vont rappeler les univers des jeux vidéo. »

Dernier conseil pour les parents : si votre enfant accepte, osez parfois faire l’activité qui le passionne avec lui, recommande Robert J. Vallerand. Pourquoi ? « Pour lui prouver qu’il peut être meilleur que vous. »

« C’est tellement important pour les jeunes de sentir que, quelque part, ils peuvent être meilleurs que leurs parents. Ça fait du bien à leur estime de soi », fait valoir le professeur.

Et pas besoin de vous forcer pour être mauvais. « Éventuellement, s’ils sont passionnés, ils vont devenir meilleurs que vous », affirme Robert J. Vallerand.

Rectificatif
Dans une version précédente de ce texte, nous indiquions qu’Elizabeth Olivier est professeure à l’UQAM. Or, elle est professeure à l’Université de Montréal. Nos excuses.