Dans un monde où la performance se faufile jusque dans la parentalité, de plus en plus de parents choisissent de freiner la course folle du quotidien pour vivre une relâche « ordinaire », dépourvue de voyage, de sorties ou d’activités spéciales. Au menu ? Rien. Ou presque.

Mère de deux enfants de 10 et 13 ans, Carrie Poirier apprend à « relâcher » à la relâche scolaire. Elle prend congé pour passer du temps avec ses filles, mais elle se force à ne rien planifier.

« J’ai déjà organisé des activités sans fin, raconte cette résidante de Blainville de 41 ans. Je me suis retrouvée à faire de l’anxiété de performance. Je me mettais beaucoup de pression pour être la mère parfaite ! »

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Béatrice, 13 ans, et Lauralie, 10 ans, avec leur mère, Carrie Poirier

En allégeant l’horaire et en ralentissant la cadence, elle dit être en mesure de « vivre le moment présent, avec moins de stress et plus de tranquillité ».

Les vertus du slow parenting

Selon la psychoéducatrice Mélanie Bilodeau, la pandémie a aidé les familles à faire du ménage dans leur horaire : plusieurs ont revu leurs priorités et ont tassé des activités qui ne leur convenaient pas.

« J’observe une hausse d’intérêt pour le slow parenting, indique-t-elle. La pandémie a eu ceci de positif : elle a permis à bien des parents de se concentrer sur les besoins de leurs enfants et de se simplifier la vie. Cela se prolonge dans la relâche scolaire avec des activités relaxes, sans matin précipité, sans devoirs et sans horaire surchargé. »

Le slow parenting est un modèle parental qui prône la lenteur et la pleine conscience dans le but d’apporter plus de bien-être, de plaisir et de temps dans la relation parent-enfant.

À quoi fait-elle référence lorsqu’elle parle d’activités « relaxes » ? « Boire un chocolat chaud avec des guimauves, monter une tente dans le salon, organiser une soirée cinéma avec plein de coussins et de matelas par terre, préparer un petit buffet mexicain, énumère-t-elle. Ça n’a pas besoin d’être compliqué. »

Qui dit horaire délesté dit droit à la spontanéité. C’est un aspect de la relâche scolaire qu’apprécie Nada El-Jundi, 33 ans, mère de trois enfants de 2, 8 et 12 ans : pouvoir choisir, à la dernière minute, de quoi sera faite la journée.

C’est un luxe de passer du temps avec mes enfants et d’y aller au jour le jour. Je ne les divertis pas, je ne les tiens pas occupés. Et personne ne s’en plaint !

Nada El-Jundi

Si elle se fie à ses relâches des dernières années, la semaine sera faite de films écoutés en famille, de visites à la bibliothèque et de glissades au parc avec des amis.

Jeu libre et temps d’écran

La psychoéducatrice Sarah Hamel croit au jeu libre, sans règle ni temps limite, durant lequel les enfants peuvent laisser libre cours à leur imagination. « C’est encore mieux si c’est dehors ! », s’exclame-t-elle.

Le mot d’ordre de Chantal Campagna, mère d’un garçon de 10 ans ? Ne plus presser son fils.

Pendant la relâche, je m’interdis de lui dire “dépêche-toi”. Je vois là l’occasion de lui montrer qu’on n’a pas toujours besoin d’être occupé, d’être productif.

Chantal Campagna

Papa de jumelles de 7 ans, Hugo Hernandez partage le même avis : « On ne fait rien et on ne va nulle part, laisse-t-il tomber en riant. Moi-même, je suis plus lousse cette semaine-là, que ce soit dans la routine des filles, dans la préparation des repas, dans le ménage, dans le temps d’écran… La relâche, c’est aussi ma relâche. »

Pour la psychologue Lory Zéphyr, la relâche n’est pas là pour rien : elle arrive dans le calendrier scolaire comme une pause bénéfique pour les enfants. « Il faut se rappeler que cette semaine est faite pour sortir de la routine, pour se reposer, souffler un peu, passer du temps en famille et se reconnecter. »

Pas de culpabilité

Encore faut-il avoir la possibilité de prendre congé…

Selon un sondage réalisé en 2020 par le Réseau pour un Québec Famille, environ le tiers des parents sont en congé pendant la relâche, le tiers d’entre eux s’absentent pour au moins une journée et le dernier tiers travaille. La culpabilité dévore certains parents, pris dans les obligations professionnelles pendant que les grands-parents, les voisins, une gardienne ou le service de garde veillent sur leur progéniture.

« Les parents doivent se déculpabiliser, tout le monde fait de son mieux, martèle Mélanie Bilodeau. Il ne faut pas oublier que peu importe, les enfants seront sortis du cadre scolaire et de la routine. À chacun sa relâche ! »