La Presse vous propose chaque semaine un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Aujourd’hui : Marie*, la quarantaine.

Marie est en couple depuis plus de 20 ans. Un beau duo heureux, solide, avec des enfants et tout plein de projets. Et depuis un an, très exactement, son couple est, en prime, « ouvert ». Elle jubile : c’est sa « revanche ».

« La maternité, ça fuck un peu les femmes », explique la grande et blonde quadragénaire aux yeux bleus, assise dans un joli café de Villeray. « Ça fuck le couple. Parce qu’il est attendu de nous [les femmes] qu’on s’occupe un peu de tout. Même s’il [le partenaire] est extra, je me suis beaucoup investie dans la maternité, j’ai tout donné. » Mais c’est terminé. « Je suis maintenant la fille qui fait passer ses besoins avant. Et j’ai zéro culpabilité. »

Elle se raconte avec un plaisir évident, dans un discours assumé et mûrement réfléchi, et ça paraît. C’est ainsi qu’elle a rencontré son mari à l’université, après avoir eu une poignée de relations stables, sexuellement « satisfaisantes », quoique sans connaître de phase d’« exploration », souligne-t-elle.

Avec son chum, c’est le coup de foudre. « Il était plus vieux, il avait exploré beaucoup [...], fait le party, daté. [...] C’était la première fois que je rencontrais quelqu’un avec une telle confiance en lui. »

Au lit ? « C’est la complicité, l’attirance, fois mille, répond-elle. Le feu ! » Ils sont comme « deux amants », à faire l’amour tout le temps. Évidemment, la folle chimie des débuts dure un temps. Puis, au bout de 10 ans, ils se marient. « Et ça nous a redonné un petit kick tripant. »

Bref, oui, « tout marche ». Monsieur a une « super intelligence émotionnelle », en prime c’est un père « investi » et un compagnon généreux. « Il me donne beaucoup de lousse, dit-elle, si j’ai un contrat à telle place ou un voyage avec une amie, il me dit : go ! C’est un cheerleader. »

Tout va bien dans le meilleur des mondes, donc, jusqu’à quoi ? Vous l’aurez deviné : « Ah, la pandémie », dit en riant Marie. « Là, la différence d’âge embarque [...]. Moi, j’ai 45 ans et les hormones dans le tapis, alors que lui travaille beaucoup... » Mais il y a plus : « Moi, je suis en feu, et là, on est toujours ensemble, beaucoup. » Jusqu’à ce que Marie n’en puisse plus.

Ça devient exigu, étouffant, je manque d’air !

Marie

Et voilà qu’un beau soir, armée de toutes ces réflexions, Marie et son mari se retrouvent dans un resto pour faire le point. Ce dernier n’est pas fou : « Je vois bien que tu es mal », commence-t-il. Effectivement. « Je ne suis pas satisfaite, répond-elle, j’ai envie d’autre chose, et je suggère qu’on devienne un couple ouvert. » Comme ça, crac ? Affirmatif. « Je ne connais personne [d’ouvert], tous mes amis sont célibataires ou en couple straight. J’ai lu ça quelque part et ça avait l’air intéressant ! »

Le mari, « avec son calme habituel », acquiesce. « Je pense que c’est une bonne idée. Je ne trouve pas ça inintéressant, je ne sais pas si moi, je vais en profiter, mais toi, tu es là... »

Depuis un an, très exactement, Marie et son conjoint, règles (pardon, « contrat de mariage 2.0 ») incluses, explorent donc cette « non-exclusivité sexuelle ».

Un « monde »

C’est l’été dernier que tout s’est joué. Marie n’ose pas trop s’afficher en ville, et attend donc de partir dans le Sud, tantôt seule, tantôt avec le mari et les enfants, en alternance, pour plonger. Et quel plongeon : « Le party. [...] Je me suis mise sur une appli, pour la première fois de ma vie. [...] Et là, c’est l’avalanche. Surtout quand tu dis que tu es en couple et seulement là pour l’été, c’est la porte ouverte pour du sexe. »

C’est ce qu’elle veut et ce qu’elle trouve : une demi-douzaine de rencontres avec des hommes de 30 à 35 ans (« un match naturel, dit-elle en riant, avec l’énergie de la femme de 40 ans en feu »), elle vit une combinaison de « stress et adrénaline » qui visiblement lui sied. Elle se revoit laisser les enfants au mari pour partir rencontrer un premier inconnu. « Je vais vraiment faire ça ? [...] C’est comme avoir une double vie. Oui, je le fais. Et j’ai couché avec [lui] à la plage... »

« Je veux juste avoir du fun, résume-t-elle, de la légèreté, que ça clique ! » D’ailleurs, depuis qu’elle s’approprie sa vie sexuelle, Marie le sait : elle est plus calme, plus apaisée. De meilleure humeur, quoi.

Bon pour le moral, tout ça ? « Ça nourrit ton ego, confirme-t-elle. Est-ce superficiel ? Je ne pense pas. Je pense que j’avais besoin de ça. »

Quoi, exactement ? Ses yeux brillent en nous racontant un bain de minuit ici, ou une douche coquine là. Si elle prend son pied ? « La plupart du temps, mais pas toujours. Ce n’est pas si grave, ce n’est pas le but ultime. Le but ultime, c’est d’avoir du fun ! », répète-t-elle. Une fois seulement a-t-elle dû mettre ses « limites » (« il était maladroit, ça ne marchait pas »).

Elle est de retour à Montréal depuis l’automne, et ses aventures se poursuivent, quoique plus tranquillement. « Mon idéal, ce serait d’avoir la personne que j’aime avec qui je vis, et trois gars que je vois de temps en temps. »

D’ailleurs, lui, cette « personne qu’elle aime », comment le vit-il ? Il a rencontré quelques filles, et Marie se dit « contente pour lui ». On n’en saura pas davantage, parce qu’ils ne s’en disent pas plus non plus. Ce n’est pas leur truc. « C’est comme si c’était un autre dossier. » S’ils ont eu ce faisant un regain ? « Non. » Si ça s’éteint ? Non plus. « C’est juste ce rythme-là. [...] Mais je pense que ça lui a enlevé une pression, avance Marie. C’est mon meilleur ami, le meilleur père, le meilleur partenaire, on fait du sport ensemble. »

À un moment donné, répondre à tous les besoins de l’autre, c’est quand même assez lourd. Je pense que ça l’a soulagé, cette affaire-là…

Marie

Parce qu’elle l’a compris : « On a besoin de deux affaires, intellectualise-t-elle de nouveau. De la sécurité, une stabilité, du réconfort d’un bord. Et puis de la nouveauté et de l’adrénaline de l’autre. » Et comme lui a fait remarquer un jour un de ses amants : « Je me suis négocié un solide deal ! », dit-elle en riant. « Je suis chanceuse... », sait-elle aussi. « J’avais déjà une grande admiration pour mon chum, là, je l’admire encore plus pour son ouverture... »

Et si vous voulez tout savoir, non, elle n’a pas peur de tomber amoureuse. « Je ne suis pas là du tout. Est-ce que c’est un risque ? Bien sûr que c’est un risque. » En attendant, « je suis franche avec les gars, mon chum, et moi-même ».

Franche à tel point que Marie a l’intention d’en parler éventuellement à ses enfants. « Je suis la fille qui a eu un modèle, vu une track : la monogamie, la famille, comme grand puits du bonheur. Et ce discours est encore là et ça me dérange, dit-elle. Je voudrais que mes enfants sachent qu’il y a plusieurs façons de faire... » Et de vivre.

* Prénom fictif, pour protéger son anonymat

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