Je pense avoir vu tous les épisodes de Radio Enfer. Aujourd’hui encore, je me souviens de l’aplomb de Maria Lopez, la responsable des finances de la radio étudiante. Elle était fière, belle et frondeuse. Ce que j’ignorais, c’est que son interprète, elle, souffrait en silence…

Rachel Fontaine a publié sept courtes vidéos sur les réseaux sociaux, cette semaine. Dans cette série, elle révèle être dans le spectre de l’autisme, grâce aux bons conseils du personnage qu’elle a incarné de 1995 à 2001, Maria Lopez. Une démarche qu’on devine difficile.

« Quand j’ai été diagnostiquée, on parlait d’autisme de haut niveau ou d’autisme de niveau 1 (asperger) », m’a expliqué Rachel Fontaine. Aujourd’hui, le terme « asperger » divise et tend à disparaître, comme il dérive du nom d’un psychiatre ayant vraisemblablement eu des allégeances nazies. Rachel Fontaine parle donc plutôt d’autisme invisible. Elle se dit d’ailleurs « top-gun caméléone ».

« Les autistes de haut niveau ont plus de facilité à s’adapter et à camoufler leurs difficultés, précise-t-elle. Ça ne paraît pas. On est invisibles ! »

Ça ne paraît tellement pas que Rachel s’est longtemps demandé ce qui la faisait souffrir… Les médecins, eux, soupçonnaient un trouble bipolaire ou un trouble de la personnalité limite. À 40 ans, alors que la mère de famille était plongée dans une dépression importante, c’est un étonnant hasard qui l’a finalement sauvée.

Ce qui me gardait sur cette planète, c’était mon garçon. Je ne pouvais pas l’abandonner… Mais j’étais épuisée et mes sens étaient exacerbés. Je sentais et j’entendais tout à la puissance mille ! Je me disais que j’étais folle, que j’étais finie et qu’il n’y avait plus de solution pour moi.

Rachel Fontaine

Puis, un soir, elle est tombée sans le chercher sur le témoignage d’un homme au sujet de l’autisme de haut niveau, en ligne. Elle s’est immédiatement reconnue… Ce qui l’a beaucoup ébranlée : « Je ne comprenais pas, je trouvais que je ne correspondais pas à l’image que je me faisais de l’autisme ! »

Si elle devait creuser cette piste, elle le ferait avec une experte établie du dépistage chez les femmes. Après recherches, elle s’est tournée vers la Dre Isabelle Hénault. « Je n’y croyais tellement pas que je voulais un diagnostic hors de tout doute. »

Elle l’a reçu.

Puis, les pièces du casse-tête ont commencé à s’assembler d’elles-mêmes. Rachel Fontaine a appris que même les meilleures des « caméléones » présentent certains traits, à l’enfance. Pensons notamment à de l’anxiété qui mène à des effondrements, à des troubles obsessionnels compulsifs ou à une routine de laquelle il est très difficile de déroger.

La petite Rachel, elle, devait compter jusqu’à 10 avant d’entrer dans une pièce, ne marchait jamais sur une ligne et était si passionnée par les chiens qu’elle était convaincue d’en être un.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Rachel Fontaine

Je sentais que j’étais décalée. Je ne comprenais pas comment les gens fonctionnaient… Ils mentaient souvent, ils étaient dans des zones grises, ils étaient gentils, mais ne m’aimaient pas nécessairement !

Rachel Fontaine

« C’était dur à suivre, explique-t-elle, mais j’avais la certitude que si j’arrivais à regarder les humains dans les yeux, je pourrais comprendre plus de choses à leur sujet. Comme c’était intimidant, je me suis beaucoup pratiquée en fixant les yeux des animaux. »

Non seulement Rachel a appris à regarder les autres dans les yeux, mais elle a vite réussi à bien les imiter. Au fond, elle jouait un personnage bien avant d’incarner Maria Lopez dans Radio Enfer. Emprunter les comportements, expressions et postures de la majorité était son unique recours pour éviter le rejet…

PHOTO FOURNIE PAR LA PRODUCTION

Rachel Fontaine avec Michel Charette, qui incarnait Jean-Lou Duval dans Radio Enfer et qui participe à une des capsules pour le Mois de l’autisme.

Le jeu était donc tout naturel pour Rachel Fontaine quand, à 18 ans, elle a décroché le rôle de la belle Maria dans la série jeunesse de Canal Famille. Radio Enfer, ce fut six saisons de pur bonheur pour la comédienne : « Maria ne me ressemble pas du tout ! Elle déborde, elle se fout de tout, elle est centrée sur elle-même. Mon Dieu que ça goûtait bon, cette personnalité-là ! Elle m’a appris à avoir du guts et à communiquer. Elle m’a donné beaucoup de courage. »

C’est donc à Maria que Rachel a pensé, quand elle a décidé de prendre parole publiquement en ce Mois de l’autisme. C’est qu’elle était terrifiée à l’idée de parler d’elle-même… « La seule qui me donnerait le guts de faire ça, c’était Maria. »

Dans la série de capsules diffusées sur différents réseaux sociaux, cette semaine, on peut donc entendre le personnage encourager Rachel Fontaine à dévoiler son diagnostic pour sensibiliser à la fois le public et le corps médical…

Comme l’autisme de haut niveau est plus difficile à détecter – particulièrement chez les femmes « caméléonnes » –, Rachel aimerait que les médecins généralistes soient davantage portés à le considérer, lorsqu’ils rencontrent des patientes présentant des traits qui rappellent le trouble de la personnalité limite ou le trouble bipolaire.

Elle souhaite également qu’il y ait davantage d’outils dans le système public pour épauler les gens qui, comme elles, souffrent pendant des années avant d’accéder aux clés qui leur permettent de se comprendre : « Il faut souvent se tourner vers le privé, mais j’ai des amis qui n’ont pas les moyens de le faire. On doit rendre disponibles les ressources adaptées… J’aimerais par exemple créer des ateliers ou des groupes d’entraide. »

Passionnée, elle ajoute se demander comment piquer l’intérêt des étudiants universitaires. Ceux qui, bientôt, pourront dépister le trouble du spectre de l’autisme et guider les Rachel Fontaine de demain vers une certaine paix d’esprit…

Ou mieux, une célébration de qui elles sont.

« Le plus beau trait, chez nous, c’est l’honnêteté, lance Rachel Fontaine. Quand tu connectes avec une personne autiste, c’est extraordinaire ! C’est pur. On ne fait pas dans la dentelle, alors c’est parfois très ‟vlan dans les dents”… Mais c’est pur ! »

Parlez-moi d’une idole de jeunesse qui sait garder pleine l’admiration qu’on lui porte.

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