Dès que Rafael Alencar De Paula a appris que sa conjointe était enceinte de leur premier enfant, une chose était évidente à ses yeux : il allait prendre une partie du congé parental afin de tisser un lien fort avec son fils.

Il n’est pas seul à avoir pris une telle décision. Selon les données les plus récentes dévoilées par le Conseil de gestion de l’assurance parentale en marge de la Semaine québécoise de la paternité, le nombre moyen de semaines de prestations reçues par les pères a atteint un sommet en 2021, soit 10 semaines.

L’organisme gouvernemental associe cette hausse au fait que, depuis 2021, les couples qui se séparent plus équitablement le congé parental partageable obtiennent des semaines additionnelles de prestations.

Dans les premiers mois de 2021, 20 % des couples prestataires ont bénéficié de cette mesure. Si l’on fait une comparaison avec la même période en 2020, soit un an avant son implantation, seulement 8 % des parents auraient été admissibles à ces semaines supplémentaires.

Père à la maison au-delà du congé de paternité

De son côté, Rafael Alencar De Paula a choisi de passer près de six mois à prendre soin du petit Valentin. Son congé s’est terminé en janvier dernier.

« Je me baladais beaucoup avec lui en poussette. Je m’occupais de la routine : le faire dormir, le faire manger, jouer… », se souvient l’ingénieur d’origine brésilienne.

Lorsque sa conjointe Bérangère Orjubin est retournée travailler au mois de septembre 2022, il s’est même inscrit à un cours de massage pour bébé au centre de ressources périnatales Mieux-Naître, à Laval, où La Presse a rencontré la famille.

En plus d’apprendre des techniques qui lui sont encore utiles aujourd’hui pour apaiser son fils, Rafael Alencar De Paula s’est senti moins isolé grâce à ce rendez-vous hebdomadaire. « La discussion avec les nouveaux parents, ça a beaucoup aidé », affirme-t-il.

Conseillère en intervention au sein de l’organisme lavallois, Amélie Blanchette note une présence accrue des pères dans les différentes activités proposées, comme les cours prénataux, les ateliers de portage ou les causeries, particulièrement dans la dernière année.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Amélie Blanchette, conseillère en intervention au centre de ressources périnatales Mieux-Naître, à Laval

On voit vraiment une différence. […] Des pères qui viennent seuls, on en a plus qu’avant. Des couples qui viennent ensemble, on en a plus qu’avant. Des pères dans le groupe de marche, on n’avait jamais vu ça. Il y a vraiment quelque chose qui est en train de bouger.

Amélie Blanchette, conseillère en intervention au centre de ressources périnatales Mieux-Naître

Des obstacles

Cette volonté des pères de s’impliquer dans la vie de leur enfant dès la grossesse, le directeur général du Regroupement pour la valorisation de la paternité (RVP), Raymond Villeneuve, l’observe depuis des années. Il remarque toutefois que ce vent de changement est freiné par certains obstacles.

« Toute la périnatalité, c’est beaucoup centré sur la mère et l’enfant, et c’est tout à fait normal. Mais les pères et les coparents sont toujours un peu présentés comme le deuxième parent, l’autre parent. […] Si on envoie ce message-là aux pères, aux coparents, ça peut les renforcer dans leur rôle de parent secondaire », s’inquiète Raymond Villeneuve.

L’absence d’une deuxième chaise dans le bureau du médecin lors des suivis de grossesse ou des rendez-vous postnataux, le fait de ne pas aborder les enjeux vécus par les pères pendant les cours prénataux, le confort très limité du fauteuil ou du lit sur lequel dort le coparent à l’hôpital après l’accouchement sont autant d’éléments qui peuvent sembler banals, mais qui ne le sont pas, selon lui.

« Ça envoie comme message que le père n’est peut-être pas si important que ça », résume celui qui est aussi l’instigateur du Comité de travail national sur les pères et la périnatalité.

Ce collectif demande d’ailleurs au ministère de la Santé et des Services sociaux, qui élabore actuellement un Plan d’action en périnatalité et petite enfance, d’accorder une plus grande place aux coparents dans les services offerts en période périnatale.

Le regroupement a lancé au début de l’année une déclaration en ce sens qui a reçu l’appui de près de 1000 signataires. « Nous sommes convaincus que l’approche coparentale, qui consiste à prendre en compte chacun des coparents et à favoriser une meilleure collaboration entre eux, constitue un puissant levier de transformation sociale pour permettre de renforcer l’égalité entre les mères et les pères au quotidien », peut-on notamment y lire.

Consultez la déclaration

Des bienfaits au congé parental partageable

Quatorze mois après la naissance de Valentin, Rafael Alencar De Paula et Bérangère Orjubin constatent d’ailleurs l’impact positif d’une répartition plus égalitaire des soins à prodiguer, des tâches et de la charge mentale.

« Je pense que ça joue vraiment sur la confiance et la complicité du couple », remarque la mère.

« On se comprend mieux, on partage mieux », indique le père, qui a réalisé à quel point un congé parental ne ressemble en rien à des vacances. « C’est plus facile de retourner au travail, rigole-t-il, mais ça vaut le coup. »

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