« Veuillez rester immobile pendant la reconnaissance faciale. Identité confirmée. Bienvenue chez vous, père Noël. »

Aussitôt la voix de synthèse éteinte, les lourdes portes du bunker glissent sur leurs rails magnétiques, ouvrant le passage au vieil homme couvert de neige. « Bon, ne perdons pas de temps, au boulot, les cocos. Alexa, mets-nous de la musique d’ambiance, s’il te plaît, mais pas Vive le vent. Plus capable. » Résonne alors Little Saint Nick dans la planque industrielle, tandis que des hologrammes de sapins et des lasers rouges et verts tapissent les lieux. « Ha, les Beach Boys, excellent choix, ça va nous réchauffer ! », approuve le barbu.

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Sur sa montre connectée, il actionne quelques commandes pour brouiller réseaux et localisation. « Hé, hé, glousse-t-il, désormais mon adresse IP indique que je suis aux Bahamas. Ces cloches de journalistes iront fouiller partout pour m’y trouver. Quoiqu’ils seraient capables de me soupçonner d’évasion fiscale... Tant pis. C’est pas comme si je faisais des profits ! » Le père Noël dégaine alors son iChose pour évaluer les milliards de destinations qui l’attendent cette année. Scintillant de mille feux, la carte mondiale fait briller les pupilles du bonhomme.

« Bon, avant tout, allons recharger le matériel, histoire de ne pas tomber en panne comme en 2022. Nom d’une fée des Étoiles, quelle galère ce fut ! » Empruntant les escaliers roulants, le voilà au sous-sol de son repaire. S’approchant des rennes, il appose son index sur leur museau : 22 % de batteries restantes pour l’un, 14 % pour l’autre. « Parle-moi d’obsolescence programmée, toi... », se lamente-t-il, en branchant de gros câbles sur le flanc des bêtes. « Recharge en cours. Sera complète le 23 décembre », lancent les rennes.

« C’était moins une. Allons préparer le plan de match, maintenant », se résout le père Noël, regagnant l’étage. Poussant sa tablette dernier cri où il consulte La Presse Peluche tous les matins, il s’installe dans un fauteuil moelleux et se coiffe d’un casque de réalité virtuelle. « Début de la simulation », annonce Alexa. Et voilà saint Nicolas projeté dans son futur trajet, observant les ouvertures des chaumières et les mises à jour annuelles. Des larmes coulent sur ses joues alors qu’il survole certaines zones du monde. « Terrible, terrible... Chaque année, c’est pareil », chevrote-t-il.

Soudain, l’homme virtualisé sent que l’on tire sa manche énergiquement. Après un sursaut, il se débarrasse de son casque et découvre 6G, un de ses fidèles lutins. Drôle de nom, n’est-ce pas ? Il en a hérité parce qu’il a toujours un temps d’avance technologique, ce qui en fait l’un des compagnons favoris du père Noël.

« Hé, 6G, salut, vieille branche !
— Bonjour, monsieur ! Bon retour ! J’ai une super idée.
— Parle donc, mon bon 6G, mon oreille poilue t’est dévolue... »

Le lutin se penche pour chuchoter son plan secret à son saint patron.
« Comment ça, j’ai pété ?!, s’indigne ce dernier.
— Non, non, non. ChatGPT. C’est un logiciel qui répond à plein de questions par intelligence artificielle. On pourrait s’en servir pour établir les choix de cadeaux cette année. »

D’abord songeur, le père Noël s’enthousiasme. « Bien sûr, il faut vivre avec son temps ! Demandons à ton programme de sortir la liste complète des Terriens et de désigner un cadeau pour chacun. D’habitude, on le fait à la main, alors ça devrait nous épargner cette tâche fastidieuse. »

6G lui apporte l’ordinateur portable extra-plat du bunker et ils tapotent ensemble quelques paramètres. Après maints moulinets de réflexion, le logiciel commence à transmettre une série de noms et de présents correspondants. Mais en la consultant rapidement, quelque chose chiffonne notre père Noël...