Notre journaliste se balade dans le Grand Montréal pour parler de gens, d’évènements ou de lieux qui font battre le cœur de leur quartier.

« Je ne peux pas me sentir mieux que dans une bibliothèque. Je me souviens encore de la sensation vécue quand j’étais petite fille et que j’ai dit à mon père que j’avais lu un livre. Pour moi, c’était comme d’avoir vécu une grande évasion. »

Cécile Bourdon avait 6 ans quand elle a lu Jacques et le Haricot magique. Aujourd’hui, elle en a 87 et nous la rencontrons dans la magnifique nouvelle bibliothèque Maisonneuve, inaugurée en juin dernier après trois ans de travaux.

« J’ai toujours demeuré dans Hochelaga-Maisonneuve. Je fais partie du patrimoine. Mon père était chef de pompiers ici », dit-elle en montrant à travers la fenêtre l’ancien poste qui est aujourd’hui la maison de la culture Maisonneuve, sur laquelle on peut voir une œuvre murale de La Bolduc.

La Bolduc s’est éteinte d’un cancer en 1941 dans l’édifice de la bibliothèque Maisonneuve. De 1926 à 1967, c’est l’Institut du radium qui occupait le bâtiment de style Beaux-Arts conçu 30 ans plus tôt par l’architecte Louis-Joseph Cajetan Dufort pour accueillir l’hôtel de ville de la Cité de Maisonneuve.

Depuis 1981, le 4120, rue Ontario Est a sa vocation actuelle, précise la cheffe de section bibliothèque de l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, Marie-Ève Leprohon.

  • Le somptueux escalier d’époque

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Le somptueux escalier d’époque

  • Le plancher de mosaïque restauré de l’ancien hôtel de ville de la Cité de Maisonneuve

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    Le plancher de mosaïque restauré de l’ancien hôtel de ville de la Cité de Maisonneuve

  • On peut admirer de l’intérieur le vieux bâtiment.

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    On peut admirer de l’intérieur le vieux bâtiment.

  • Un coin lecture fort enviable

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    Un coin lecture fort enviable

  • Le jardin sur le toit

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    Le jardin sur le toit

  • Le coin pour les enfants

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    Le coin pour les enfants

  • Une salle de jeux vidéo

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    Une salle de jeux vidéo

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Or, les travaux de réhabilitation et d’agrandissement ont transformé les lieux et triplé sa superficie. La firme EVOQ Architecture a su magnifier le patrimoine architectural de la bibliothèque tout en ajoutant deux ailes contemporaines. Résultat : 230 places assises, sans compter de multiples locaux et même des jardins sur le toit.

« C’est si beau, Marie-Ève ! », lance Mme Bourdon à la grande responsable de la bibliothèque, alors que nous marchons dans l’une des nouvelles parties que la dame trouvait « trop moderne » avant d’être époustouflée par la lumière que les murs en verre apportent.

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Cécile Bourdon a emprunté des livres de Marie Laberge, Stephen King et Ian Rankin.

Quand il y a des livres, nous ne sommes jamais seuls.

Cécile Bourdon

Si le public n’accède plus à l’intérieur par la porte principale de l’édifice, l’ancienne entrée est mise en valeur. Au sol, le plancher de mosaïque d’origine a été restauré. On retrouve aussi le superbe escalier, les vitraux et même d’anciennes chaises d’échevins.

Mme Bourdon a cité Alphone de Lamartine pour décrire comment elle se sentait si bien entourée d’un décor riche en histoire. « Objets inanimés, avez-vous donc une âme qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ? »

Le pouvoir de la lecture

« Je suis une éternelle étudiante », affirme Cécile Bourdon, qui ne saurait mieux incarner comment les bibliothèques publiques ont démocratisé l’accès à la lecture, au savoir et à la culture.

« L’été, je quittais le couvent d’Hochelaga et j’allais à la bibliothèque. Pour moi, les livres étaient comme mes amis et je ne pouvais pas m’ennuyer [...] Adolescente, je trouvais les livres qui étaient à l’index. »

Les écrits d’Honoré de Balzac et d’Émile Zola étaient censurés par l’Église, rappelle celle pour qui les livres sont une présence rassurante.

« Un milieu de vie »

Si l’architecture de la bibliothèque Maisonneuve conjugue patrimoine et modernité, on peut en dire autant de sa vocation multiple et inclusive.

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Marie-Ève Leprohon, cheffe de section de la bibliothèque Maisonneuve

À côté de nous, dans la salle à café, les deux enfants en pleine partie du jeu de cartes UNO démontrent que ce n’est certainement pas un simple lieu de passage, mais un endroit beau et invitant où on veut rester. Chaque salle a son utilité et son ambiance : le salon silencieux, le médialab, la salle de jeux vidéo ou encore le coin pour les enfants avec des hublots et coussins colorés.

C’est un milieu de vie. On veut que les gens du quartier se l’approprient, que ce soit authentique et décomplexé.

Marie-Ève Leprohon, cheffe de section de la bibliothèque Maisonneuve

Marie-Ève Leprohon rappelle que certaines personnes n’ont pas l’internet à portée de main, et que des enfants partagent un petit appartement et un ordinateur avec plusieurs frères et sœurs.

Un lieu de rencontres dans Hochelaga, au cœur de Montréal

Après les 2700 personnes qui ont participé aux portes ouvertes le 10 juin, plus de 10 000 personnes ont visité la bibliothèque Maisonneuve lors de sa première semaine d’ouverture seulement. « C’était très attendu. Ici, la bibliothèque fait la différence dans le quartier », soutient Marie-Ève Leprohon.

Les nombreux espaces vitrés permettent de voir la vie dans la rue alors que le toit permet de contempler le mont Royal. On y cultive par ailleurs des fines herbes, fruits et légumes qui sont donnés au Chic Resto Pop (qui offre des repas à prix modiques et aide les personnes à intégrer le marché du travail).

« La bibliothèque est là pour soutenir la communauté et fédérer les initiatives », assure Marie-Ève Leprohon en citant des projets d’agriculture urbaine et de littératie numérique.

« C’est un lieu inclusif et on veut mettre en valeur les ressources communautaires du quartier, poursuit-elle. Quand je suis arrivée en poste, on m’a dit comment c’est tissé serré dans Hochelaga-Maisonneuve. Bien justement, on veut s’insérer dans le tissu social. »

Pour l’ouverture officielle de la bibliothèque, le promoteur Pat Laprade a été mandaté pour organiser un gala de lutte à l’extérieur. Ce sport a toujours été populaire dans le quartier, mais c’est aussi un symbole. « C’est la lutte pour l’inclusion, l’instruction et les causes de la vie de tous les jours », dit l’auteur et animateur dont la bibliothèque Maisonneuve est la première qu’il a visitée quand il était petit.

« C’est la lutte pour préserver le patrimoine, le plaisir de lire, l’autonomie et l’imaginaire », ajoute Marie-Ève Leprohon.

« La bibliothèque, c’est pour tout le monde », croit-elle.