Des maximes, des pensées, des dictons entendus ou cultivés au fil de notre vie. Trois personnalités partagent ces formules de sagesse provenant de proverbes qui nous guident et nous font avancer contre vents et marées.

Colombe St-Pierre

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

La cheffe Colombe St-Pierre

Se régaler de locutions identitaires et humanitaires

Il n’aura pas échappé aux téléspectateurs suivant Les chefs ! que la mentore Colombe St-Pierre s’avère friande de maximes et proverbes. Mais y a-t-il un aphorisme particulier gravé sur le cœur de la restauratrice ?

La réponse est oui, et depuis belle lurette. Tout remonte à ses années d’études au cégep du Vieux Montréal, au temps où elle écumait les rayons de la bibliothèque scolaire. Du haut de ses 18 ans, elle avalait alors de grandes rations de littérature gastronomique, se passionnant pour l’histoire de la cuisine.

Elle découvre un livre bien particulier : Physiologie du goût, écrit en 1825 par le magistrat et fin gourmet Jean Anthelme Brillat-Savarin. Au menu de cet ouvrage figurent diverses réflexions philosophiques et sociales sur l’art gastronomique, coiffées d’une liste de 20 aphorismes, en guise de préface. L’un de ces derniers présente une résonance toute particulière pour la jeune Colombe St-Pierre : le précepte IV, soit « Dis-moi ce que tu manges, je te dirai ce que tu es ».

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Physiologie du goût

« Tout le monde connaît cette maxime, mais on ignore souvent de qui elle vient. Le fait d’analyser ce que les gens mangent nous donne énormément d’information sur notre société, nos habitudes, nos mœurs, nos coutumes. Se poser des questions sur ce que l’on mange, c’est ce que je fais depuis le début. La physiologie du goût, c’est l’un des livres qui m’ont le plus guidée par rapport à ce que je fais aujourd’hui », confie la cheffe à La Presse.

Rehausseur de goût

Les aphorismes font partie des ingrédients ayant toujours mis du piquant dans la vie de Colombe St-Pierre. Elle loue notamment leur vertu d’élévation et de valorisation, les qualifiant de « guides humanitaires », illustrant cette idée par une réplique tirée du Fabuleux destin d’Amélie Poulain : celui qui connaît ses proverbes ne peut pas être quelqu’un de mauvais. « C’est une façon sympathique et pacifiste d’aspirer à devenir meilleur et à réfléchir sur nos faits et gestes », note-t-elle.

Et c’est justement en adéquation avec cette bienveillance qu’elle essaime, parmi les candidats heureux ou malheureux de l’émission où elle intervient, des pensées de sagesse ou de réconfort taillées sur mesure pour chacun et pour récompenser leur courage de se lancer dans cette compétition culinaire relevée. « L’idée, c’est de les hisser vers le haut, les faire réfléchir par rapport à ce qu’ils sont et leur laisser un petit quelque chose de leur passage, un proverbe qui les suivra toute leur vie », espère-t-elle.

Et qui dit cheffe dit créativité. Sur l’un de ses tableaux disposés au mur, elle couche régulièrement des maximes de son propre cru. Comme celle-ci, inspirée par la préparation d’une lotte, poisson disgracieux, mais tellement délicieux : « Quand tu es bon, tu n’as pas besoin d’être beau. » On vous laisse en digérer le sens.

Dernière de l’émission Les chefs ! lundi à 20 h, à Radio-Canada

Sylvain Sarrazin, La Presse

Roseline Filion

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Roseline Filion

Voix intuitive

Au fond d’elle, la plongeuse de renom Roseline Filion savait que le temps était venu de prendre sa retraite sportive.

C’était en 2017. Cinq mois plus tôt, elle décrochait sa deuxième médaille olympique avec sa fidèle complice, Meaghan Benfeito, à Rio. Elle célébrait un nouveau triomphe. Elle avait encore à donner. À gagner. Non ? « Tu le sais à l’intérieur quand c’est le temps d’arrêter… », confie-t-elle.

C’est ce que lui disait sa petite voix, à ce moment-là. Et elle l’a écoutée. Aujourd’hui, elle confirme que c’était la bonne décision.

Suivre son intuition : Roseline Filion en fait un point d’honneur. Dans sa vie professionnelle comme personnelle, elle est guidée par sa voix intérieure.

La plongeuse québécoise a appris à suivre son intuition grâce à son thérapeute sportif qu’elle consultait pour apprendre à mieux gérer les situations de stress, inévitables dans le métier.

Les athlètes s’entraînent des heures par jour dans le but d’améliorer leurs capacités physiques et de peaufiner leurs techniques. Rien ne semble laissé au hasard. Pourtant, l’intuition est tout aussi importante sur le tremplin, assure Mme Filion.

« Parfois, j’avais le feeling que j’étais prête à essayer un nouveau plongeon. Parfois, j’étais en haut de la plateforme et je me disais que j’allais me péter la gueule ! », raconte-t-elle.

Vivre pour soi

Sa carrière sportive derrière elle, continue-t-elle d’appliquer la même philosophie dans sa nouvelle vie ? Tout à fait. Suivre son intuition, au fond, c’est se faire confiance. « Vivre dans le doute parce qu’on ne sait pas comment on se sent, ça peut devenir lourd. Et le doute freine tout succès », philosophe-t-elle.

Au micro de Radio-Canada, où elle collabore à plusieurs émissions, elle ne peut pas se laisser gagner par le doute. « C’est en direct, il y a de l’adrénaline ! J’essaie de rester fidèle à qui je suis et de me faire confiance. Je le fais pour moi, parce que j’ai envie d’être là », souligne-t-elle.

C’est l’autre grand principe qui l’inspire au quotidien : vivre pour soi-même et pas pour les autres. Égoïste ? Pas du tout. « T’as une vie à vivre, il faut que tu la vives comme t’en as envie et que tu assumes tes décisions. T’es là pour te rendre heureux », conclut-elle.

Léa Carrier, La Presse

Maya Cousineau Mollen

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Maya Cousineau Mollen

Un tracé qui se construit

Contrairement à d’autres, Maya Cousineau Mollen n’a jamais ancré sa vie sur de grands dictons ou des proverbes anciens. Sa philosophie de vie, elle l’a construite au fil de ses réflexions, de son engagement social, des épreuves qui ont traversé son chemin.

La poète innue a commencé par suivre les conseils de ses parents, qui lui disaient d’étudier pour venir aider les siens. Et elle a écrit. Noté toutes ces pensées fugitives qui lui venaient à l’esprit et qu’elle ne voulait pas laisser échapper. Des pensées qui ont fini par devenir des recueils de poésie. L’automne dernier, elle a remporté le Prix du Gouverneur général pour son deuxième recueil, Enfants du lichen. Une première pour une artiste autochtone francophone. « Parfois, il y a des intuitions qui sont tellement fortes qu’à un moment donné, il faut les écouter. Le souffle de l’intuition est un bon conseiller », dit-elle. Une phrase qui pourrait être devenue une maxime dans sa vie.

Suivre son intuition : voilà donc ce qui la guide désormais, elle aussi. Et toujours s’assurer de voir les deux faces d’une médaille avant de juger. « Ne pas juste se fier à un côté de la médaille, même si des fois, le sujet pourrait nous porter à penser que voir un côté suffit. »

N’empêche, elle était dans une résidence d’artistes à la Maison de la littérature, à Québec, en compagnie d’autres poètes, quand deux pensées sans équivoque ont émergé : « Aller vers l’autre, c’est foncer dans un mur » et « Ne pas laisser entrer l’hiver des autres ».

Tout au long de notre conversation, ses quatre chats viennent à tour de rôle quêter son affection. « Sa famille féline », comme elle l’appelle. À qui elle donne tout son amour, sans condition, qui a vu des membres partir et de nouveaux arriver. « Ma philosophie de l’amour, c’est ça : aimer, ça veut aussi dire laisser aller ; accepter que le bonheur de l’autre n’est peut-être pas avec moi. »

Laila Maalouf, La Presse