Avec son essai Les flamboyantes, la psychanalyste française Charlotte Montpezat s’intéresse à la place des femmes de plus de 50 ans dans la société. Des femmes souvent invisibilisées, stigmatisées, stéréotypées, alors qu’elles vivent une période de leur vie où elles sont plus libres, disponibles et épanouies que jamais.

Le jour de ses 45 ans, sur son bureau, une lettre de la direction des ressources humaines l’informe de son nouveau statut de « sénior » dans l’entreprise. « Sénior », vraiment ? Est-elle déjà dans le monde des préretraitées ? s’interroge-t-elle. A-t-elle vieilli d’un seul coup sans s’en rendre compte ? « Quel choc, et à 45 ans, un âge où on est très en forme, efficace, créative, dynamique… sénior, le mot m’a coupé les jambes », lance Charlotte Montpezat que nous avons jointe à Paris. « Car on utilise le mot sénior à 45 ans, mais aussi à 85 ans, mais ce n’est pas tout à fait la même chose ! », dit-elle.

Elle découvre plus tard que cette lettre était liée aux objectifs du ministère du Travail et faisait partie du dispositif appelé l’accord sénior afin de préparer les employés à passer le cap de leurs 50 ans.

PHOTO FOURNIE PAR CHARLOTTE MONTPEZAT

Charlotte Montpezat, autrice du livre Les flamboyantes

Ça part de bonnes intentions, mais à 50 ans, très souvent, c’est la guillotine en entreprise. On nous met de côté et c’est plus difficile pour les femmes que pour les hommes.

Charlotte Montpezat

Mais pourquoi vouloir mettre à l’écart ces femmes de plus de 50 ans ? C’est la grande question qui est abordée dans cet essai. Charlotte Montpezat part de sa propre expérience, mais interroge des spécialistes sur la représentation et l’employabilité de ces femmes, qui constitue un vrai problème. En France, on compte 17 millions de femmes de plus de 45 ans et 9 millions en âge de travailler.

« On ne peut pas faire l’impasse sur une partie aussi importante de la société. Nous sommes la première génération de femmes dans l’histoire de l’humanité à avoir la chance d’être, entre 45 et 65 ans, en pleine puissance de nos moyens, physiques et intellectuels. Il faut vraiment secouer les stéréotypes et briser les injonctions qui nous limitent », dit-elle. D’où le titre Les flamboyantes, car ces femmes sont plus épanouies que jamais.

« J’ai 57 ans, et franchement je n’ai jamais été aussi en forme et bien dans mes baskets ! Nous sommes, à 50 ans, allégées des responsabilités familiales et de la charge mentale (car nos enfants sont grands), libérées de la fonction procréatrice, libres, fortes, actives, disponibles, pleines de ressources et d’expériences, il faut changer le regard de la société de la femme périmée de plus de 50 ans. Ce nouvel âge, disons-le, il faut l’inventer », estime Charlotte Montpezat.

Un âge craint

Beaucoup de femmes redoutent l’identité sociale de la femme de 50 ans. « Parce que c’est lié au corps et à la biologie. La philosophe Camille Froidevaux-Metterie écrit que l’existence des femmes est déterminée par leur corporalité. Alors que les hommes vivent, dans la vie professionnelle, comme s’ils n’avaient pas de corps ni d’enfant, les femmes y sont toujours renvoyées », analyse l’autrice. Elle rappelle que c’est en 1972 que Susan Sontag a publié The Double Standard of Ageing, où elle souligne que le vieillissement des femmes et des hommes sont deux réalités très différentes. La dépréciation étant plus importante envers les femmes que les hommes.

« Ce qu’on constate aussi, c’est que la représentation des femmes de plus de 50 ans n’est pas adéquate. On pense tout de suite à une grand-mère ! Et paradoxalement, on voit Martha Stewart en couverture du magazine Sports Illustrated. C’est bien qu’une femme de 80 ans soit en couverture, mais elle ne fait pas son âge et elle a été largement photoshopée… et ce qu’on montre finalement, ce n’est pas une femme de 80 ans ! »

L’autrice estime que moins les femmes de 50 ans et plus sont montrées et moins elles se sentent montrables.

On finit par avoir une mauvaise image de nous-mêmes. On doit affronter une société effrayée par le vieillissement, cacher nos corps considérés comme périmés, car encore aujourd’hui, la valeur sociale des femmes est indissociable de leur esthétique, et de leur corps.

Charlotte Montpezat

L’autre sujet qui fâche, c’est la discrimination. Selon l’Organisation internationale du travail, l’âgisme et le sexisme sont les deux plus grandes discriminations, devant l’origine ethnique et le handicap. Une enquête de l’Organisation mondiale de la santé menée en 2021 dans 57 pays révèle qu’une personne sur deux a des attitudes modérément ou fortement âgistes. « Ce sont des préjugés qui sont véhiculés dans toute la société, les entreprises, les médias, le cinéma et les réseaux sociaux. Je pense qu’il faut reconnaître le problème et le combattre. Face à une telle discrimination, la volonté des femmes et des entreprises ne suffit pas, les pouvoirs publics doivent intervenir pour faire avancer les choses. »

Les flamboyantes

Les flamboyantes

Éditions des Équateurs

208 pages