Depuis peu, Justin et Roxane roulent des mécaniques dans les pièces d’un spa de l’Estrie. Et pour cause, il s’agit des tout premiers robots à prodiguer des massages thérapeutiques en Amérique du Nord. L’idée de se faire pétrir par un bras d’acier guidé par l’intelligence artificielle vous intrigue ? La Presse a tenté l’expérience.

Ils sont fort beaux, ces robots semblant jaillir d’un roman d’Asimov. Mais Roxane et Justin ne sont là que pour votre bien, « embauchés » comme massothérapeutes mécaniques un peu plus tôt cette année par Euro-Spa, un établissement de Saint-Ignace-de-Stanbridge.

Conçus par une entreprise technologique française, ces deux spécimens ont été ramenés sous le bras de Josef Bilher, propriétaire du spa. « Cela faisait deux ans que je recherchais une solution pour pouvoir continuer à offrir des massages quand un thérapeute annule une séance ou n’est pas disponible. J’ai trouvé cette start-up française, nous sommes allés les voir à Lyon, ma femme a essayé le robot et je leur ai dit : ‟J’en veux deux” », raconte-t-il.

M. Bilher souligne aussi le fait que certaines personnes peuvent être incommodées sous les mains et les yeux d’un thérapeute, pour toutes sortes de raisons. « Il peut y avoir une question de gêne. Certains peuvent sentir de l’inconfort à l’idée de se faire toucher, d’autres par rapport à la nudité », explique le propriétaire, évoquant aussi la possibilité d’une anxiété sociale de clients.

Le début de la fin du massothérapeute humain ? Aux yeux du propriétaire, il s’agit plutôt d’une offre complémentaire.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Josef Bilher s’est rendu en France pour tester lui-même cette nouvelle technologie et l’importer au Québec.

Quand le projet a été lancé, il n’a jamais été question que le robot remplace un thérapeute. Jamais. Mais quand on n’a pas de thérapeute disponible, que ce soit à cause de la pandémie ou de la pénurie de main-d’œuvre, c’est une belle option.

Josef Bilher, propriétaire d’Euro-Spa

Go-go, gadget au massage

Il est maintenant temps de se faire malaxer la peau. Dans la salle où trône le robot Justin, on choisit d’abord, escorté d’une surveillante, les paramètres de sa séance sur une borne interactive : pression, type de massage (suédois, haut du dos, californien relaxant, en profondeur), ambiance sonore…

Une fois dévêtu, on s’allonge sur la table chauffante, on dépose sa tête dans un « coussin-beigne », d’où on aperçoit un moniteur de contrôle sur lequel s’affichera la progression de la séance. À portée de main, une télécommande permet d’élever ou d’abaisser l’intensité de la pression.

Dernière étape, l’appareil effectue un balayage optique 3D complet du corps du client pour en détecter la morphologie et adapter ses mouvements. Le massage peut alors commencer. Le drôle de bras articulé placé à nos côtés prend vie, évoquant les robots industriels. À son extrémité, non pas une main, mais plutôt une sorte de sabot, enveloppé par un gant de silicone médical. Le contact est à la fois doux et franc, entamant le massage suédois d’intensité moyenne que nous avions sélectionné.

Passant alternativement d’un côté et de l’autre de la colonne vertébrale, Justin remonte les muscles et les pétrit avec vigueur et précision.

La sensation est étrange, mais rapidement, on oublie que des rouages sont à l’œuvre et on se laisse emporter par les ondulations du robot au gré du corps.

Pour l’instant, il est capable de travailler sur l’ensemble du dos, mais Euro-Spa collabore au développement de la machine, pour qu’elle puisse s’occuper des jambes, notamment.

Sans contredit, l’expérience, au demeurant fort agréable, reste assez différente du travail d’un massothérapeute humain. Par exemple, le fait de ne sentir qu’un seul point de pression au lieu des deux mains habituelles est un peu déroutant. Aussi, même si l’on peut contrôler l’intensité du massage pendant son exécution, on ne pourra pas demander au robot de se concentrer sur une zone en particulier ou lui indiquer où se trouve LE nœud qui agace. Mais globalement, Justin et Roxane se bornent à ce qu’on leur demande de faire : masser le dos, et ils s’en sortent bien. Nous avons poussé l’intensité au maximum, ce qui a permis d’agir en profondeur sans pour autant nous faire grimacer.

De l’intimité en masse

Pour les clients un peu timides ou gênés, cette option est à considérer. Mais ceux souffrant de robophobie feront-ils confiance à ces masseurs d’acier ? « C’est impossible qu’un accident survienne », rassure Josef Bilher, qui utilise lui-même les automates deux fois par semaine.

Dans le bras robotique qui vous masse, des capteurs scannent votre morphologie et lui permettent d’agir précisément sur le corps.

Josef Bilher, propriétaire d’Euro-Spa

Il faut compter 85 $, taxes en sus, pour une séance avec un des robots masseurs, s’étalant sur 45 minutes (une dizaine de minutes de préparation et une grosse demi-heure de massage). Et si la question vous venait à l’esprit : non, Justin et Roxane ne sont pas habilités à fournir un reçu pour les assurances.

Verra-t-on ces outils fleurir dans les spas québécois ? M. Bilher dit avoir été contacté par quelques confrères, mais que l’investissement tend à freiner les ardeurs. Quand on lui demande combien cela représente pour un seul robot, le propriétaire d’Euro-Spa montre deux doigts. 20 000 $ ? Non, il faut ajouter un zéro à ce nombre. Le duo robotique ne chôme pas : il a offert plus de 400 massages depuis son inauguration. Et vous, oseriez-vous vous faire triturer par une main d’acier dans un gant de silicone ?