C'est un truisme que d'affirmer que l'emploi dans le secteur de la fabrication, communément appelé le secteur manufacturier, est en crise. Entre 2008 et 2011, l'emploi dans ce secteur a diminué de 10,3 % au Canada, 10,3 % au Québec et 13,3 % à Montréal. Durant cette période, le Canada a perdu plus de 320 000 emplois.La crise du secteur de la fabrication revêt un caractère encore plus dramatique pour Montréal, pour quatre raisons.

1. Montréal est une métropole qui, lorsqu'on la compare avec d'autres métropoles de même taille, connaît une croissance annuelle moyenne de son PIB par habitant qui est moindre; elle se situe au 30e rang sur 32. 

2. Montréal n'est plus le centre de la création d'emplois, puisque 73 % des emplois créés au cours des cinq dernières années l'ont été à l'extérieur de l'agglomération de Montréal, mais dans la grande région de recensement métropolitaine;

3. Montréal peine à retenir sa population, 20 000 de ses concitoyens quittent l'île chaque année pour s'installer principalement en Montérégie, à Laval, à Lanaudière et dans les Laurentides.

4. Montréal a sur son territoire un nombre plus grand d'entreprises liées au secteur de la fabrication qui ont fermé entre 2001 et 2010 quand on compare au reste du Québec; textiles - 54%, vêtements - 57%, papier - 41%, produits du pétrole - 27%, produits en caoutchouc et en plastique - 24%, composantes électriques - 25%, meubles - 22%.

La crise qui secoue le secteur de la fabrication n'est pas propre au Québec et à sa métropole. Les États-Unis, le Japon, la Belgique, le Royaume-Uni, la Suède, la France ont tous été touchés par cette crise à des degrés divers, mais réels.

Les causes de la crise sont bien connues.

· La parité des dollars canadien et américain rend les produits canadiens moins compétitifs sur le marché américain.

· L'accession de la Chine à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) lui a conféré des avantages contractuels indéniables.

· Cette même Chine est devenue le centre mondial de l'emploi manufacturier. En 2002, le nombre de travailleurs dans le secteur manufacturier chinois était estimé à 109 millions, alors que celui de tous les pays du G-7 totalisait 53 millions.

· Il y a le réflexe de la délocalisation. Les pays dits « riches » relocalisent la production vers les pays émergents lorsque la main-d'oeuvre est un coût important dans la chaîne de production. 

J'ai assisté, comme maire d'un arrondissement de l'Est de Montréal, à ce spectacle désolant où une entreprise, MABE, va voir sa production délocalisée vers les États-Unis et le Mexique (2014), alors que la productivité se situait depuis cinq ans sur une courbe ascendante et que les travailleurs avaient renoncé pour la même période à 25 millions de bénéfices.

Je suis particulièrement inquiet de ce qui pourrait se passer, au chapitre des fermetures d'entreprises, lorsque j'apprends que dans les arrondissements suivants la part des emplois qui se trouvent dans des secteurs en restructuration est particulièrement élevée : Hochelaga-Maisonneuve (35 %), Pointe-aux-Trembles (51 %), Montréal-Nord (34 %) et Saint-Léonard (39 %).

Alors, que fait-on? D'abord, l'administration Tremblay doit prendre la mesure de l'urgence de la situation et ne peut plus demeurer silencieuse face au gouvernement Charest.

Il faudra évaluer la tenue d'un forum d'urgence sur la situation du secteur manufacturier à Montréal. À cette occasion, il faut évaluer si les éléments de programmation existants sont adaptés à l'urgence de la situation.

Ce forum pourrait être l'occasion pour l'administration Tremblay de réclamer quelques mesures.

- Une accélération des investissements du gouvernement du Québec à Montréal en ce qui a trait aux infrastructures et aux grands projets.

- De l'aide pour la modernisation des parcs industriels de Montréal. Montréal compte 19 parcs industriels qui regroupent 550 entreprises et totalisent 35 000 emplois. Ces parcs sont vétustes et leurs infrastructures vieillissantes;

- Montréal est dans la situation peu reluisante où 6 % de sa superficie est occupée par des terrains contaminés. Dans les zones analysées, on estime qu'il y a pour 800 millions de dollars de coûts de réhabilitation des terrains.

- Une participation financière du gouvernement du Québec au fonds de relance de l'Est de Montréal qui est doté d'un million de dollars par année, et ce, jusqu'en 2017.

Or, le programme Climat Sol proposé par le gouvernement du Québec est totalement inadapté à la situation de Montréal. À telle enseigne, qu'aucune entreprise industrielle montréalaise ne s'est prévalue des subventions disponibles, tant et si bien que des 25 millions prévus pour Montréal, de 2007 à 2010, plus de 8 millions n'ont pu être dépensés. Cette situation doit être corrigée. 

Plusieurs facteurs se conjuguent et s'aggravent pour faire de Montréal une ville qui est blessée dans son tissu économique. L'administration Tremblay n'a d'autres choix que de réclamer une intervention vigoureuse du gouvernement du Québec. Le temps des silences prolongés, des tergiversations soutenues et des atermoiements indus est terminé. Sans quoi il pourrait bien être trop tard.