Mme Beauchamp, vous avez partiellement raison. Mais vous avez surtout tort.

En voulant vous attaquer à l'intimidation chez les jeunes, en définissant de façon claire ce qu'elle est aux yeux du gouvernement, en vous indignant devant l'inaction et le silence des témoins, en tout cela, vous avez raison.

Là où vous avez tort, c'est lorsque vous sous-entendez que les témoins qui n'agissent pas sont les membres du personnel des écoles.

Vous avez aussi tort lorsque vous dites que les ressources présentes dans les écoles sont suffisantes pour assumer toutes les nouvelles responsabilités que votre projet de loi veut leur donner.

Vous vous trompez lorsque vous pensez qu'il suffit d'interdire l'intimidation pour l'enrayer.

Et là où vous et beaucoup d'autres personnes avez toujours tort, c'est lorsque vous pensez que les jeunes sont les seules victimes d'intimidation.

Ce projet de loi n'est qu'une parure, une impression à donner. Un cadeau pour les citoyens. «Nous sommes là pour agir!» affirmez-vous. «Si les écoles ne font rien, nous leur montrerons ce qu'il faut faire!» La base de votre raisonnement est que dans toutes les écoles, on ferme les yeux sur l'intimidation, on délaisse les victimes, on minimise les faits, on voit des actes de violence inadmissibles sans pour autant poser le moindre geste. Et il semblerait que vous vouliez que l'ensemble des citoyens nous voie comme de vilains enfants qu'il faudrait chicaner.

Dans votre projet de loi, ce que nous voyons, c'est que notre supposée inaction est la cause de l'intimidation scolaire. Punissons les écoles (c'est bien ce que je comprends par «sanctions pécuniaires») et l'intimidation disparaîtra.

Mais quelle image du personnel des écoles essayez-vous donc de donner aux citoyens en vous permettant de tels sous-entendus? N'avez-vous donc pas constaté que de nombreuses écoles ont déjà un protocole d'action spécifique à l'intimidation? Que celles qui n'en ont pas ont déjà généralement enclenché un processus pour le produire?

Nous avons constaté le drame de Marjorie et nous sommes désolés devant l'inaction des témoins. À notre école, nous avons agi. Bien avant vous. Parce que l'intimidation n'a pas commencé avec la jeune Marjorie, et elle ne s'arrêtera malheureusement pas avec elle.

Depuis plusieurs années, dans beaucoup d'écoles, nous avons créé des examens et des exercices basés sur des textes sur l'intimidation. Nous avons créé des comités responsables du dossier. Nous avons discuté, en long et en large, avec nos élèves au sujet des évènements. Nous leur avons fait écrire des textes et les jeunes se sont exprimés sur le sujet. Nous avons créé des services anonymes de dénonciation, des boîtes aux lettres, des courriels. Nous sommes intervenus, nous avons suspendu et chicané, nous avons appelé des parents et inventé du temps pour sensibiliser les élèves. Nous avons agi. Du mieux que nous le pouvons, dans les limites de notre formation et de nos ressources, nous avons agi.

Ce n'est pas suffisant. Nous le savons. Il faut faire plus.

Sauf que punir n'est pas agir. Punir, c'est ce qu'on fait quand tout ce qu'on a essayé de faire pour prévenir n'a pas fonctionné. Au lieu d'un projet de loi qui punit après, peut-on mettre en place des moyens, des outils pour agir avant?

Aidez-nous à prévenir. Donnez-nous du temps de libération pour cette personne-référence que vous voulez que les écoles nomment. Donnez-nous les ressources financières pour des conférenciers, pour des formations d'intervenants et de médiateurs parmi les jeunes. Donnez-nous plus de surveillants d'école, des gardes de sécurité qui circulent partout. Donnez-nous des systèmes de sécurité avec des caméras dans tous les corridors. Aidez-nous à faire comprendre aux jeunes qu'il existe une différence primordiale entre dénonciation et délation.