Les gouvernements occidentaux - les États-Unis en tête - n'ont pas l'autorité morale pour exiger que l'Iran cesse son programme nucléaire, soupçonné de contenir un volet militaire.

Même s'il n'est pas souhaitable que l'Iran se dote de l'arme nucléaire, les États-Unis et leurs alliés ne peuvent empêcher un État de se doter d'un instrument de dissuasion lorsqu'eux-mêmes possèdent de tels outils. Ces États devraient peut-être commencer par faire disparaître leurs propres arsenaux nucléaires et ensuite ils pourront se permettre de faire la leçon à l'Iran.

Une autre raison qui justifie le moralisme occidental envers l'Iran est que son gouvernement est souvent dépeint comme étant le Mal incarné dans nos médias occidentaux. Et ils ont souvent raison de le faire, notamment en raison des pratiques antidémocratiques des dirigeants iraniens. Par contre, les dirigeants de l'Occident - en particulier américains et britanniques - semblent oublier qu'ils sont eux-mêmes en grande partie responsables du régime despotique actuel en Iran.

Il faut remonter à l'année 1953 pour comprendre l'Iran de 2012. Car c'est durant cette année 1953 que le gouvernement iranien, dirigé par Mohammad Mossadegh, a été renversé par un coup d'État organisé par les gouvernements britannique et américain, à travers les services secrets britanniques et la CIA. Nationaliste iranien, Mossadegh est nommé premier ministre en 1951 et est surtout l'instigateur de la nationalisation du pétrole iranien, jusque-là possession des intérêts britanniques. Pour protester contre cette nationalisation appuyée par les mouvements populaires, les Britanniques ont d'abord organisé un embargo général contre le pétrole iranien. Mais ils ont surtout planifié le renversement éventuel de Mossadegh. C'est ce qu'ils ont fait en 1953, avec l'aide du gouvernement américain présidé par Dwight Eisenhower.

À l'aide d'un plan ressemblant étrangement aux changements de régimes qui ont eu lieu durant ce qu'on a nommé le printemps arabe-- réseaux sociaux en moins -, Britanniques et Américains ont réussi à renverser le gouvernement de Mossadegh et à restaurer le pouvoir du servile Mohammad Reza Pahlavi, dit le Chah. Celui-ci conservera le pouvoir jusqu'à la Révolution islamique de 1979, qui vise à mettre fin à la domination occidentale sur les politiques iraniennes. C'est depuis ce temps qu'un régime contrôlant et hostile à l'Occident est en place à Téhéran.

Ce qui est particulièrement paradoxal lorsqu'on tient compte de ce coup d'État de 1953 et de la rhétorique occidentale actuelle vis-à-vis l'Iran est que, pour leurs propres intérêts impérialistes, les États-Unis et les Britanniques ont renversé un gouvernement qui était connu pour être partisan d'une démocratisation du système politique iranien. Autrement dit, ces deux pays, en 1953, ont renversé le type de gouvernement qu'ils disent désirer pour l'Iran en 2012.

Comme un individu, un peuple réagit lorsqu'on l'agresse, lorsqu'on s'ingère dans ses affaires personnelles ou qu'on tente de le piller de ses ressources. On ne peut reprocher à un individu collectif qui subit une domination et qui se fait dicter ses politiques par un tiers durant des décennies de vouloir se protéger de ses envahisseurs et de tout faire en ce sens, comme d'instaurer un régime contrôlant ou de se doter d'une arme de dissuasion nucléaire. D'autant plus que ceux qui tentent de dicter sa conduite ou de le dominer possèdent eux-mêmes de telles armes de dissuasion. Le peuple ou l'individu qui accepte cette subordination à un tiers est un peuple ou un individu qui accepte de se laisser dominer, ce qui est contre-nature. C'est en ce sens qu'il faut comprendre le régime iranien actuel. Ce régime réactionnaire est le pur produit des politiques impérialistes américano-britanniques au cours du XXe siècle, comme le sont les régimes des Castro et Chavez en Amérique du Sud, après des décennies de domination américaine sur leurs pays respectifs.

Si les Américains et leurs vassaux occidentaux veulent mettre fin aux régimes despotiques sur la planète, qu'ils commencent par mettre fin à leur impérialisme et leurs ingérences camouflées au sein des autres États de la planète. Alors peut-être que les régimes comme celui de l'Iran cesseront d'émerger.