Voilà qu'un autre temps des fêtes se termine. Encore des magasins bondés de clients pressés. Encore des tonnes de «Joyeux Noël» ou de «Joyeuses fêtes» souvent lancés avec empressement et sans réelle conviction profonde. Encore l'existence à vitesse grand V où tout le monde court.

Puis, il y a ces gens qui ne courent pas, qui font partie du paysage, qu'on oublie en quelque sorte. Je pense à tous ces itinérants enjambés par les acheteurs pressés. Pour eux, les «Joyeuses fêtes» lancées ici et là n'ont été que des blessures répétitives qui leur sont assénées par une société qui ignore leur existence, qui ignore que pour eux, il n'aura pas été très joyeux, ce Noël.

Mais pour les plus démunis, Noël ou pas, il n'y a rien de neuf. Pour eux, à longueur d'année, le portefeuille, le garde-manger et le coffre à espoir sont vides. Ils survivent. Simplement. Certes, bon nombre d'entreprises tentent de se dédouaner chaque année durant la période des fêtes en donnant un petit 100$ par-ci par-là à des organismes de charité pour démontrer qu'ils ont un bon fond, qu'ils sont habités par une volonté de justice sociale. Mais qu'en est-il pour le reste de l'année?

Ces quelques deniers, bien qu'ils viennent en aide momentanément à certains démunis, ne constituent qu'un bien maigre prix de consolation. Pour ces derniers, la problématique demeure tout entière. Comment réussiront-ils à survivre le reste de l'année? Alors qu'on est en train d'emprisonner les moins nantis dans leur triste réalité, qu'on est en train d'obliger nos étudiants à se gaver de Kraft Dinner, on continue de verser d'importantes primes au rendement aux grands gestionnaires de l'État. Et tout cela sans parler des riches individus qui ne paient pas leur juste part en impôts.

Mais c'est tellement plus facile de casser du sucre sur le dos de ces maudits BS! On oublie parfois que ces BS, ce sont aussi les travailleurs en région qui ont perdu leur emploi en raison d'une fermeture d'usine, ces travailleurs à statut précaire qui tombent malades, ces mères monoparentales qui n'arrivent plus à joindre les deux bouts. On préfère s'imaginer l'image caricaturale du BS: le gros lard de 300 livres avachi sur son divan qui attend son chèque pour renouveler ses provisions de bière et de marijuana.

Or, la réalité n'est pas aussi pointue que cela. De la détresse, il y en a partout au Québec et pour des gens de tout acabit. Comment expliquer que des hommes et femmes travaillant de 50 à 60 heures par semaine, dans des conditions parfois indécentes, ne parviennent même pas à toucher le cinquième du salaire de leurs employeurs, qui ont souvent la vie beaucoup plus facile?

Tout cela sans parler de la réalité des étudiants québécois qui deviendra de plus en plus sombre dans les années à venir. Alors que l'accès aux études devrait être basé sur les compétences intellectuelles d'un individu, bientôt, nous tomberons dans un marchandage des études. Seuls les gosses de riches pourront aspirer à suivre les traces de leurs parents.

Face à un portrait si inquiétant, quoi se souhaiter pour 2012? Quelles résolutions prendre? Il serait naïf de prétendre que tout bonnement, durant la prochaine année, un éclair de génie atteindra la population et que tout à coup, une volonté de social-démocratie revampée nous habitera. La doctrine individualiste a déjà trop fait de ravages au cours des dernières années. Il nous faut réapprendre à vivre ensemble. Il nous faut apprendre à accepter les différences, à s'aider, à devenir une société résolument empathique.

Il ne s'agit pas ici de faire de sacrifices humains ou encore, de refuser certains plaisirs que la vie peut mettre sur notre chemin. Il s'agit plutôt de réfléchir et d'effectuer des choix politiques éclairés qui iront dans le sens du bien commun. Être des citoyens éclairés, quoi!

Pour ma part, je m'additionnerai à ces défenseurs du bien social, à ces gens qui se battent pour un mieux-être collectif. Je m'affirmerai, je militerai, je m'insurgerai, je débattrai. Abdiquer ne fera pas partie de mon vocabulaire cette année. Un jour, à force de s'additionner, peut-être que nous finirons par nous multiplier. Et gagner.