Au Québec, il n'y a pas si longtemps, la religion catholique constituait notre seul et unique horizon. Attachée au passé et à ses traditions, c'est ainsi que la génération de mes grands-parents a vécu. Cette religion avait réponse à tout et toutes ces réponses devaient être apprises par coeur à l'école. Puis est venue la Révolution tranquille. Déjà, on entendait des voix s'élever pour dénoncer la nouveauté. Lionel Groulx dans Chemins de l'avenir, déclarait que les jeunes Québécois de l'époque dégénéraient sous l'influence des nouvelles façons de penser venue d'Europe. Sartre et Camus risquaient de nous corrompre.

Au Québec, il n'y a pas si longtemps, la religion catholique constituait notre seul et unique horizon. Attachée au passé et à ses traditions, c'est ainsi que la génération de mes grands-parents a vécu. Cette religion avait réponse à tout et toutes ces réponses devaient être apprises par coeur à l'école. Puis est venue la Révolution tranquille. Déjà, on entendait des voix s'élever pour dénoncer la nouveauté. Lionel Groulx dans Chemins de l'avenir, déclarait que les jeunes Québécois de l'époque dégénéraient sous l'influence des nouvelles façons de penser venue d'Europe. Sartre et Camus risquaient de nous corrompre.

Aujourd'hui encore, on entend des enseignants se plaindre du danger de la nouveauté. Les nouvelles technologies seraient en train d'abrutir et d'aliéner les jeunes comme jamais auparavant, en les enchaînant au cycle infernal de la consommation. La réussite scolaire serait un souci laissé loin derrière le travail qui permet de payer ces miracles technologiques portables. Certains reprochent aux étudiants de chérir ces nouvelles chaînes que le capitalisme fixe à leurs poignets sans se rendre compte que ces jeunes ne sont pas responsables de l'éducation qu'ils n'ont pas reçue.

D'autres, sans doute fascinés eux aussi par la technologie, disent qu'au contraire le monde de l'éducation doit s'adapter à la nouvelle réalité technologique des étudiants et remplacer les bons vieux dictionnaires par des smartboards parce c'est ça qui intéresse les étudiants et qu'après tout, le client a toujours raison. Les enseignants sont souvent aussi aliénés que leurs étudiants.

Pour ma part, je vois dans la popularité du culte des nouvelles technologies chez les jeunes et les un peu moins jeunes, qui sont parfois leurs enseignants, le symptôme du rapport encore trop mythique que nous entretenons avec la réalité. Sans que nous n'ayons, la plupart du temps, la moindre idée du fonctionnement de ces petits appareils, nous pouvons presque instantanément savoir où nous sommes, d'où nous venons et comment aller où nous voulons aller.

En un seul clic, nous pouvons commander un article qui se trouve à l'autre bout du monde et il apparaîtra comme par magie dans notre boîte aux lettres quelques jours plus tard. Bref, ces technologies, avec leur prodigieuse efficacité et instantanéité, cultivent la pensée magique. Personne ne sait comment ça marche, mais c'est tellement facile, grâce à elles, de voir s'exaucer pratiquement tous nos désirs! Avec un iPhone dans les mains, vous êtes sauvés, vous faites partie du peuple élu des Temps modernes!

La technologie est ainsi devenue l'opium des jeunes. Comment pourraient-ils résister à l'ensorcellement de notre époque par la technologie? Par des enseignants qui, au lieu de baisser les bras en disant qu'il faut se moderniser et suivre le courant, montrent par leur enseignement et par l'exemple de leur vie qu'un autre rapport au monde est possible. Des enseignants qui, osant remettre le goût des classiques à l'honneur, montreront qu'il est possible de vivre dans un monde où l'on n'exige pas à chaque objet de notre désir la disponibilité immédiate, où tout n'a pas à être à la portée d'un seul clic. Toute la réalité n'a pas à être sous la main.

Il est possible d'enseigner à apprécier la lenteur, à aimer sentir le temps qui passe. Ce temps qui nous permet de penser, d'apprendre à savoir nous arrêter, de prendre nos distances pour avoir le temps de réfléchir. Au cégep, un véritable enseignement de la philosophie ne doit pas s'adapter à la technologie, mais plutôt permettre d'apprendre à penser la technologie, pour qu'il soit enfin possible d'apprendre à vivre sans opium, c'est-à-dire d'apprendre à vivre en pensant.