Je suis fier que le Québec puisse compter sur une société d'État comme Loto-Québec. Une société publique qui régule un loisir, mais un loisir qui peut rapidement devenir un fléau.

Je suis fier que le Québec puisse compter sur une société d'État comme Loto-Québec. Une société publique qui régule un loisir, mais un loisir qui peut rapidement devenir un fléau.

Le consensus est général: le jeu n'est pas mauvais en soi, mais il importe d'être contrôlé pour éviter les débordements sociaux et fiscaux. Afin d'atteindre cet objectif d'équilibre, nous avons choisi, au Québec, de confier le jeu à une société d'État. Ainsi, celle-ci veillera à contenir les débordements. Mais elle fera également d'une pierre deux coups : les profits iront au trésor public. Fort bien. Mais certains se montrent ambitieux et voudraient (trop) pousser l'expérience.

Sous l'unique spectre économique, le jeu en vaut la chandelle. À la recherche d'une nouvelle clientèle, Loto-Québec cherche à vendre le jeu aux jeunes. Or, ces derniers aiment le poker et craquent pour la chanteuse Lady Gaga. On apprenait donc cette semaine que notre société d'État allait acheter pour près de 300 000$ les droits de la chanson de l'heure, Poker Face, afin de vendre un nouveau produit, Lotto Poker.

De l'aveu même du porte-parole, Loto-Québec «recherche la clientèle des jeunes dans la vingtaine et dans la trentaine, et Lady Gaga est plus populaire auprès de cette clientèle-là». Maintenant, pensons un instant qu'il s'agit d'une société d'État, dont la totalité des actions appartient au ministre des Finances du Québec. Pourquoi, alors, le gouvernement tente-t-il de faire jouer les jeunes? Pour remplir ses coffres? Nous donner de quoi payer nos hôpitaux? Soyons sérieux. Une taxation responsable fait son possible pour taxer un comportement nuisible, non pas l'encourager. On ne crée nullement de la richesse par cette publicité envahissante de Loto-Québec. Mais nous créons au contraire un coûteux problème social.

Les 14 et 15 mai, l'ADQ proposera à ses membres de confier la gestion de Loto-Québec au privé. Il serait douteux d'utiliser le même argument que pour la gestion par le privé de la SAQ, où l'on argumente que la bouteille de vin coûtera 10% de moins. Il n'est pas non plus question d'augmenter le taux de remise afin de convaincre les joueurs d'augmenter leurs achats de billets de loterie. Il s'agit plutôt, selon l'ADQ, d'augmenter «de plus de 200 millions de dollars le dividende qu'elle verse annuellement dans les coffres de l'État».

Si l'ADQ vise ainsi à réduire les coûts de fonctionnement de la société et d'économiser dans son administration, soit. Mais je doute que l'on sauve 200 millions en «coupant dans le gras». Il s'agit, évidemment, d'augmenter le bassin de joueurs et leurs achats respectifs. Or, nous revenons au même questionnement: est-ce réellement souhaitable que l'État québécois engrange des deniers supplémentaires en encourageant les jeux de hasard?

Vidéo-poker, jeu en ligne, publicité omniprésente et destinée aux jeunes, casinos: la liste des contentieux commence à s'étirer. Alors que des études montrent que 5% des Québécois admettent avoir des problèmes de jeu et que même Loto-Québec admet que la proximité et l'accessibilité sont des facteurs importants, il est grandement temps de pousser la réflexion sur la place du jeu au sein de notre société.