Derrière les chefs qui ont fait valoir leur plateforme lors des débats, on retrouve des machines partisanes souvent à bout de souffle, inquiètes pour leur avenir.

Derrière les chefs qui ont fait valoir leur plateforme lors des débats, on retrouve des machines partisanes souvent à bout de souffle, inquiètes pour leur avenir.

Les travaux de William Cross et Lisa Young offrent une image très nette des difficultés des partis au Canada. Premièrement, le membership connaît un déclin depuis 30 ans. Deuxièmement, les membres qui restent sont relativement âgés, plus de 50 ans en moyenne. Troisièmement, l'adhésion est souvent éphémère, liée à une course à la direction d'un parti. Enfin, et trop souvent, les membres des partis sont insatisfaits du pouvoir qu'ils ont, éclipsés par les professionnels de la politique et les faiseurs d'images.

Sur la scène québécoise, il n'en va pas autrement. Quand on considère le membership des deux grands partis, la tendance ne fait pas de doute: bon an mal an, à la fin des années 1970, ils comptaient 235 000 membres, soit 6% des électeurs. Au cours des dernières années, ils ne comptaient plus que 165 000 membres, soit 3% des électeurs. Depuis 30 ans, les partis auraient perdu la moitié de leurs ressources humaines fondamentales.

Le même phénomène serait observable au Royaume-Uni et en Italie. En France, c'est pire encore: de 1980 à 2000, les partis politiques français auraient connu une véritable saignée puisque les deux tiers de leurs membres sont disparus. Plusieurs auteurs font un diagnostic accablant: les partis occidentaux sont devenus impotents, voire impuissants dans certains cas.

Cette hémorragie a des effets sur les ressources bénévoles, le recrutement des candidats, la capacité à diffuser le message et l'enthousiasme général qui peut prévaloir au sein d'une formation politique.

Le désengagement serait particulièrement prononcé chez les jeunes. Selon une grande enquête pancanadienne, il y aurait un «clash» entre la culture d'égalité de la génération Y et la structure très verticale des partis. En fait, loin de se démocratiser, les partis se braquent souvent en resserrant la discipline interne. Le contrôle des communications au sein du Parti conservateur est un exemple patent de gestion «top-down».

Les médias ont aussi leur part de responsabilité. En cherchant la nouvelle à tout prix, ils transforment les débats en affrontements et les dissidences en mutineries. Le traitement des divergences entre les clans du Parti libéral du Canada depuis 10 ans a indéniablement miné la crédibilité des Paul Martin, Stéphane Dion et Michael Ignatieff.

Les impacts sont nombreux: les partis ont non seulement perdu de leur crédibilité, mais ils ont surtout perdu leur capacité à innover. Les idées audacieuses viennent plus souvent de la société civile que de la classe politique. Les partis préfèrent répéter les mêmes «lignes» éprouvées que de prendre des risques. On peut ainsi dénoter au sein du Bloc québécois plusieurs symptômes de cette inertie : même chef depuis 14 ans, même discours, mêmes répliques lors du débat. Pas étonnant que plusieurs aient décroché après moins d'une heure.

En matière de financement auprès des membres et sympathisants, le Parti conservateur de Stephen Harper est le seul à tirer son épingle du jeu. Les libéraux, les néo-démocrates, les bloquistes et les verts vont chercher presque 60% de leurs revenus des allocations versées par l'État. Si, comme promis, les conservateurs décidaient d'y mettre fin, les quatre partis de l'opposition seraient proches de la faillite.

Aujourd'hui, les partis politiques ont l'allure d'éléphants alors que notre époque exigerait d'eux de l'ouverture, de la souplesse et une capacité à incarner la vitalité afin de provoquer de nouvelles adhésions.  

On dit souvent que c'est après les débats que la campagne commence vraiment. La suite pourrait peut-être nous étonner, mais si le scrutin du 2 mai devait être marqué par une aussi faible participation électorale que ceux de 2008 et 2004, les partis politiques canadiens auront à faire un «examen de conscience» en vue de se réinventer, bien au-delà d'un changement de chef.