Le débat qui a cours sur la fermeture de la centrale Gentilly-2 semble limiter la réflexion à la part de 3% du portefeuille énergétique du Québec, aux emplois existants et aux retombées économiques locales. La fermeture de la centrale aurait des conséquences beaucoup plus néfastes à moyen et long terme.

Le débat qui a cours sur la fermeture de la centrale Gentilly-2 semble limiter la réflexion à la part de 3% du portefeuille énergétique du Québec, aux emplois existants et aux retombées économiques locales. La fermeture de la centrale aurait des conséquences beaucoup plus néfastes à moyen et long terme.

À l'origine, la décision d'aller de l'avant avec la construction de Gentilly-2 visait non seulement la production d'électricité, mais aussi l'appropriation et la maîtrise d'une technologie. Ce choix a notamment ouvert la voie à la mise en place de programmes de formation universitaire et à la création d'un réseau d'entreprises spécialisées, tant en matière d'études et d'analyses que de fabrication de différents équipements.

La fermeture de la centrale se traduirait par l'abandon de la technologie et le rejet de tous les efforts déployés jusqu'à maintenant par de nombreux travailleurs québécois pour acquérir, maintenir et renforcer la maîtrise de cette technologie.

La fermeture de la centrale aurait aussi bien d'autres répercussions 

- L'abandon des programmes universitaires dans le domaine nucléaire - qui, au Québec, serait intéressé à étudier dans un domaine où l'élément-clé des principaux débouchés n'existerait plus? L'apport de la recherche-développement en médecine nucléaire et dans de nombreuses applications industrielles se trouverait grandement réduit.

- L'abandon de l'apport du génie québécois au perfectionnement de cette technologie. En près de 30 ans d'exploitation, les quelque 800 employés qui ont fait carrière à Gentilly-2, formés dans les universités québécoises, ont participé activement au perfectionnement de la technologie, tant sur le plan de la sûreté et de la sécurité que des aspects techniques. À preuve, plusieurs innovations mises au point au Québec avec la contribution de différentes entreprises sont mises à profit dans les centrales CANDU.

- Le recul du rayonnement international du génie québécois - la centrale Gentilly-2 a permis l'émergence d'une expertise, de compétences et d'un leadership au niveau international. Plusieurs Québécois ont participé avec brio à la conception, à la construction et à la mise en service des centrales CANDU un peu partout dans le monde, à savoir en Argentine, en Corée du Sud, en Roumanie ou en Chine.

La filière hydraulique représente le principal élément du portefeuille énergétique du Québec. Il s'agit certes d'un avantage parce qu'elle constitue jusqu'à maintenant une source d'énergie fiable, sûre et renouvelable et que nous avons acquis un savoir-faire inégalé dans le monde. En revanche, la prédominance de cette filière représente un inconvénient majeur, surtout en raison de sa trop grande concentration. Bien malin celui qui peut prédire aujourd'hui l'état de nos réserves d'eau dans 20 ou 30 ans, le comportement de nos barrages vieillissants à la suite d'un éventuel tremblement de terre (d'une magnitude nettement inférieure à celle du récent séisme japonais) ou l'incidence des vastes réservoirs que nous avons créés sur la production des gaz à effet de serre.

Dans ce contexte, pouvons-nous vraiment nous permettre aujourd'hui de fermer Gentilly-2 pour la simple raison que cette centrale assure seulement 3% de la production d'électricité du Québec? Malgré le caractère modeste de cette production, la maîtrise de la technologie pourrait bien devenir assez rapidement une carte maîtresse dans notre portefeuille énergétique. L'objectif visé il y a 40 ans a été largement dépassé. Le maintien, voire l'accroissement de cette expertise passe assurément par la réfection de Gentilly-2.

Une décision autre que la poursuite des activités de la centrale ne serait qu'un pas de plus vers la tiers-mondialisation et l'isolement du Québec. Je trouve très dommage que certains politiciens en fassent spontanément un enjeu électoraliste sans saisir tous les tenants et aboutissants de la fermeture de la centrale. Cette attitude dénote un flagrant manque de vision et un bien piètre leadership. Par chance, il nous resterait l'Ontario pour faire progresser le savoir-faire dans le domaine!