Stephen Harper est un homme chanceux. En 2009, il s'était fait imposer par l'opposition un budget de relance dont il se serait bien passé.  Ironiquement, ce budget aux racines plus libérales et néo-démocrates que conservatrices lui permet aujourd'hui de se présenter comme l'habile capitaine qui a su ramener le navire canadien en eaux calmes après une sévère tempête internationale. Il n'a donc plus besoin de négocier avec l'opposition et ne craint plus de proposer sa vision économique directement aux Canadiens.

Stephen Harper est un homme chanceux. En 2009, il s'était fait imposer par l'opposition un budget de relance dont il se serait bien passé.  Ironiquement, ce budget aux racines plus libérales et néo-démocrates que conservatrices lui permet aujourd'hui de se présenter comme l'habile capitaine qui a su ramener le navire canadien en eaux calmes après une sévère tempête internationale. Il n'a donc plus besoin de négocier avec l'opposition et ne craint plus de proposer sa vision économique directement aux Canadiens.

Contrairement aux gouvernements de tant de pays qui n'ont d'autre choix que celui de sabrer les dépenses et de hausser les impôts, le gouvernement fédéral canadien a la chance de bénéficier à l'heure actuelle d'une hausse soutenue de ses recettes fiscales grâce au boom des ressources naturelles. Cela lui permet de faire des choix comme celui de diminuer les impôts ou encore de dépenser de manière ciblée dans certains programmes. Avec un niveau d'endettement somme toute modeste, la seule limite sérieuse à sa marge de manoeuvre provient de la croissance vorace des dépenses de santé qui, même si elles ne sont pas sous sa responsabilité directe, tirent inexorablement vers le haut ses transferts aux provinces.

Les conservateurs ont fait leur choix. Ils utiliseront la marge de manoeuvre dont ils disposent afin de réduire de manière importante l'impôt sur le revenu des entreprises. Cette stratégie vise à dynamiser l'économie canadienne par le biais d'investissements privés accrus. Le coût fiscal net de ces baisses d'impôt est largement inférieur à celui beaucoup plus contestable de la réduction passée du taux de la TPS, mais il impose néanmoins une rigueur accrue dans la gestion des dépenses. C'est pourquoi les nouvelles initiatives de dépense proposées par les conservateurs sont autant modestes que ciblées, et qu'une révision des programmes existants devra aussi contribuer au retour à l'équilibre budgétaire.   

C'est sur ce terrain précis de la fiscalité des entreprises que les libéraux ont décidé de se différencier des conservateurs. Plus enclins de nature aux grandes initiatives fédérales de dépense, les libéraux jugent avoir besoin des recettes consacrées à la poursuite de ce que les conservateurs appellent l'avantage fiscal canadien. Ils veulent stopper cette politique et consacrer l'argent ainsi récupéré à des transferts plus importants que ceux promis par les conservateurs, notamment en faveur des aidants naturels, ces proches qui sacrifient temps et argent pour s'occuper directement de leurs parents malades. Ils annonceront également en cours de campagne d'autres initiatives de dépense, au fur et à mesure qu'ils dévoileront les détails de leur plateforme électorale. Il devient d'ailleurs de plus en plus difficile de distinguer la philosophie libérale de celle des néo-démocrates, tant les deux partis partagent la même insistance sur le statu quo fiscal à l'égard des entreprises afin de financer de nouveaux transferts aux particuliers.

Ces grands enjeux, fiscalité des entreprises, compétitivité et place du gouvernement fédéral dans la vie des citoyens, concernent tous les Canadiens. Du point de vue de sa philosophie économique, le Bloc québécois dirigé par Gilles Duceppe est infiniment plus proche des libéraux et des néo-démocrates que des conservateurs. Il défend cependant une approche de la politique fédérale selon laquelle l'avancement du Québec ne se mesure qu'à l'ampleur des transferts qu'il reçoit en provenance du reste du pays. Les Québécois ont donc un choix de plus à faire, entre celui de l'isolement revendicateur et celui de la participation à la définition de la philosophie qui inspirera le développement économique du pays au cours des prochaines années.