Mon mari et moi, nous nous étions commandés des enfants à notre image. Des enfants que nous pourrions laisser cheminer à la garderie et à l'école du quartier. Des enfants ordinaires.

Mon mari et moi, nous nous étions commandés des enfants à notre image. Des enfants que nous pourrions laisser cheminer à la garderie et à l'école du quartier. Des enfants ordinaires.

Or, à l'issue de ma seconde grossesse, ce que nous avons reçu nous a carrément déstabilisés, m'a fait quitter mon emploi pour m'engager à temps plein dans l'accompagnement d'une enfant différente que nous aimons profondément.

Ma fille de 7 ans souffre de dyspraxie motrice légère, de déficit de l'attention sans hyperactivité, de surdité bilatérale profonde et est porteuse d'un implant cochléaire. Tout comme l'ensemble des intervenants qui travaillent avec ma fille, j'apprends à découvrir l'étendue et les limites de ces mots jour après jour, une expérience après l'autre.

Notre fille est intégrée en classe régulière depuis la maternelle, après avoir fait sa pré-maternelle en classe spécialisée. Et j'assume l'entière responsabilité de la décision de l'intégrer, car plusieurs personnes à l'époque étaient contre cette idée. Ça a été une décision extrêmement difficile à prendre, mais encore aujourd'hui, je suis convaincue d'avoir fait le bon choix.

Bien sûr, cette intégration pose de grands défis à tous. À ma fille la première. D'accord, le personnel scolaire manque cruellement de ressources pour accompagner notre fille à la perfection. Et mon enfant différente détonne et dérange parmi les autres. Mais de là à dire qu'elle leur nuit, il y a un pas que je ne franchirai pas.

Chaque année, nous examinons le cheminement scolaire de notre fille  avec l'ensemble des personnes impliquées auprès d'elle et nous faisons le choix le plus éclairé possible quant à la poursuite de sa scolarité. Rien n'est simple et nous considérons toutes les options possibles. Et il faut faire un choix. Le meilleur. Alors nous faisons notre possible et commettrons probablement quelques erreurs en cours de route. Mais jamais nous ne négligerons la réflexion et les enjeux de cette décision. Jamais.

C'est peut-être pourquoi je suis profondément blessée par certains commentaires que j'ai lus ou entendus au sujet de l'intégration des enfants en difficulté. Par contre, je ne suis pas surprise. C'est avec tous ces préjugés que ma fille devra faire sa vie scolaire, mais aussi sa vie adulte. Et nous, ses parents, nous nous devons de l'outiller avec les moyens disponibles, aussi imparfaits fussent-ils.

Alors suis-je pour ou contre l'intégration à tout prix ?

Quand le prix pour une intégration est-il trop cher payé ? Quand les ressources pour accompagner ces enfants ne sont pas au rendez-vous ou alors quand la différence nous dérange ? Quand le nombre d'élèves par classe et par conséquent le nombre d'élèves en difficultés est si élevé que les enseignants sont dépassés et épuisés ?  

Que ferons-nous de ces enfants lorsqu'ils deviendront adultes ? Espérer qu'ils se trouvent un travail dans une entreprise dont les employés et les patrons seront comme eux des rescapés de toutes espèces ? Ou qu'ils vivent au crochet de la société ? Ou encore qu'ils deviennent le plus autonomes possible dans l'emploi qui leur conviendra ?

Existe-t-il une solution unique à un problème aussi complexe ? Je ne le crois pas. Il faut une panoplie de solutions pour répondre à l'ensemble des besoins qui sont variables d'un enfant à l'autre et d'une difficulté à l'autre. Si l'argent investi dans les ressources professionnelles n'a pas donné les résultats escomptés, ce n'est certainement pas parce que ce n'était pas la bonne solution. C'est peut-être plutôt parce que c'était insuffisant et parce que ce n'est pas l'unique solution nécessaire.  

Ma fille n'est sans doute pas parfaite aux yeux de certains, mais elle tend chaque  jour vers l'excellence.