Quelle cruelle ironie pour le peuple du Sud-Soudan que de voir l'attention du monde entier se porter maintenant sur l'aboutissement du référendum de ce week-end concernant la division avec le nord, alors que, depuis la signature de l'Accord de paix global (APG) il y a six ans, la région n'a cessé de se débattre avec de graves crises qui, elles, sont passées sous silence dans les médias.

Quelle cruelle ironie pour le peuple du Sud-Soudan que de voir l'attention du monde entier se porter maintenant sur l'aboutissement du référendum de ce week-end concernant la division avec le nord, alors que, depuis la signature de l'Accord de paix global (APG) il y a six ans, la région n'a cessé de se débattre avec de graves crises qui, elles, sont passées sous silence dans les médias.

En 2005, la communauté internationale a changé son point de mire après que le nord et le sud aient signé l'accord qui a mis fin à la plus longue guerre civile continue de l'Afrique et qui a fait deux millions de morts et quatre millions de déplacés. Pendant ce temps, les crises constantes auxquelles le Sud-Soudan faisait face et qui requéraient toutes une réponse d'urgence, ont été largement ignorées ou minimisées.

Le taux de mortalité demeure élevé au Sud-Soudan: une mère sur sept décède des suites de complications liées à la grossesse. La malnutrition est chronique, et les épidémies régulières de maladies faciles à prévenir continuent de mettre en danger la vie de la population. On estime à 75% le nombre de personnes qui n'ont toujours pas accès aux soins de santé les plus élémentaires.

Les bombes ont peut-être cessé de torpiller le pays depuis 2005, mais les crises sanitaires sont loin d'être terminées.

Le Sud-Soudan est actuellement en proie à l'une des plus importantes épidémies de kala-azar depuis huit ans. Le kala-azar est une maladie tropicale négligée, provoquée par la piqûre d'un phlébotome porteur du parasite, un insecte qui est endémique au Sud-Soudan. Hépatomégalie, fièvre, faiblesse et épuisement font partie du tableau symptomatique de la maladie. En l'absence de traitement, la quasi-totalité des malades décèdent dans une période d'un à quatre mois. Pourtant, lorsqu'un traitement est administré à temps, les chances de guérison peuvent atteindre 95%. À la fin du mois de novembre 2010, Médecins sans frontières avait soigné 2355 personnes atteintes du kala-azar dans les États du Nil supérieur, soit huit fois plus que l'année précédente.

Cette épidémie a fait encore davantage de victimes étant donné l'affaiblissement du système immunitaire des habitants, conséquence de l'aggravation de la malnutrition.

L'insécurité continue de gangréner une grande partie du sud, culminant en 2009 avec l'augmentation des affrontements violents causés par l'Armée de résistance du Seigneur (LRA), qui sévit dans les États de l'Équatoria, et l'augmentation des «violences interethniques» dans les États du Nil supérieur et du Jonglei. Au cours de cette période, les femmes et les enfants ont été pris pour cible, et 250 000 personnes ont été déplacées. En 2010, les violences interethniques, la LRA et l'émergence de nouvelles milices ont fait plus de 900 morts et 215 000 déplacés. L'instabilité dans les régions frontalières avec le nord a exacerbé encore davantage la situation, engendrant un accroissement des déplacements et des crises sanitaires.

Entre-temps, les bailleurs de fonds internationaux, dont beaucoup avaient des enjeux dans la réussite de l'Accord de paix, ont alloué la majorité des fonds à des initiatives de développement à long terme, au détriment des besoins immédiats et urgents de la population.

Alors que le monde entier s'intéresse surtout à la situation politique du pays en raison du référendum, il ne faut surtout pas perdre de vue les populations qui ne font que passer d'une urgence à l'autre. Le Sud-Soudan est toujours pris au piège d'une crise humanitaire. Comme il faudra encore des années pour organiser un système de santé viable, c'est dès à présent qu'il faut s'employer à mieux répondre aux besoins les plus urgents des habitants, qu'il s'agisse de nourriture, d'abris ou de soins de santé.

Et pour cela, une réponse solide et de grande envergure doit être organisée, quel que soit l'aboutissement du référendum.