Dimanche dernier, le gala de l'ADISQ a récompensé à nouveau nos artistes d'ici. Ceux qui nous ont séduits au cours de la dernière année sur les ondes des radios musicales. Plus que tout autre moyen, les radios font encore découvrir la nouvelle musique.

Dimanche dernier, le gala de l'ADISQ a récompensé à nouveau nos artistes d'ici. Ceux qui nous ont séduits au cours de la dernière année sur les ondes des radios musicales. Plus que tout autre moyen, les radios font encore découvrir la nouvelle musique.

Une étude publiée en septembre par la firme Edison aux États-Unis confirme que la radio hertzienne est le principal moyen par lequel les jeunes de 15 à 24 ans découvrent la nouvelle musique. La radio est numéro 1, les amis sont numéro 2 et YouTube est numéro 3! Alors jusqu'ici, la radio a bien traversé les 15 premières années de l'internet. Comment se passeront les 10 prochaines années pour la radio traditionnelle face à l'internet?

Côté revenu, l'année 2009 au Canada a affiché une décroissance de 5,2% des revenus publicitaires en radio. Est-ce uniquement la récession ou la pointe de l'iceberg? En musique, depuis 15 ans, le tandem internet-lecteur MP3 a tout chamboulé. La musique n'aura jamais été autant copiée, distribuée, partagée, écoutée que depuis l'avènement de l'internet, mais le coup a été très dur pour les compagnies de disques. Leur modèle d'affaires reposait sur ce qu'ils ont perdu, le contrôle total de la distribution musicale.  

Le nouveau tandem aujourd'hui est l'internet haute vitesse sans-fil et téléphone intelligent. Le wi-fi est déjà partout et le 3G aussi. Actuellement, aux États-Unis, un mobile vendu sur cinq est un téléphone intelligent. Est-ce une nouvelle réalité menaçante pour le modèle d'affaires traditionnel de la radio? Oui. La radio ne contrôlera plus l'exclusivité de l'accès à la diffusion d'un flux audio continu en direct et mobile.  

La radio doit maintenant composer avec de nouveaux joueurs, dans de nouveaux appareils mobiles et un nouveau canal de distribution. C'est tellement vrai qu'aux États-Unis présentement, la chicane est prise. Deux associations (National Association of Broadcasters et Recording Industry Association of America) ne demandent rien de moins aux fabricants (Consumer Electronic Association) que tous les téléphones intelligents intègrent obligatoirement la radio FM. Votre iPhone ou votre BlackBerry deviendrait obligatoirement une radio FM. Pour le fabricant, je vous épargne toutes les pierres qu'ils jettent dans la marre, mais il traite tout simplement la NAB et la RIAA de grand-papa et grand-maman bornés qui cherchent à perpétuer les vieux modèles traditionnels.

Il y a présentement une radio internet qui vit une croissance inouïe depuis qu'elle a lancé son application iPhone en 2007. La radio Pandora est accessible seulement aux États-Unis et compte néanmoins plus de 50 millions de membres. Elle accapare 50% de toute l'écoute radio sur internet, loin devant les géants de la radio américaine que sont Clear Channel et CBS. Un succès qui repose sur une offre musicale personnalisée (unique à chaque auditeur), gratuite et pratiquement sans interruption publicitaire. Pandora joue une publicité de 30 secondes aux 30 minutes alors que la radio commerciale en joue facilement 12 à 15 minutes à l'heure. Vous en voulez?

Au Canada, Pandora est géobloquée. Non pas à cause du CRTC, l'internet n'est pas réglementé, mais à cause des droits à payer aux compagnies de disques. Ils sont plus onéreux qu'aux États-Unis où Pandora retourne aux ayants droit musicaux plus de 50% de tous ses revenus. C'est sans doute le facteur important qui fait que les entreprises canadiennes investissent peu, voire pas du tout, dans la diffusion musicale par internet. La radio FM retourne moins de 10% de ses revenus aux ayants droit musicaux.  

Il reste aux radios encore quelques années pour engranger les profits, car d'ici 2020. C'est assuré que les droits augmenteront pour la radio FM qui devra en plus partager, pour la première fois de son existence, son contrôle exclusif sur la diffusion mobile de contenus audios en direct et gratuits. Elle devra partager sa place au tableau de bord de la voiture où les appareils mobiles diffuseront indifféremment toutes les sources sans fil, qu'elles viennent du wi-fi, du cellulaire, de la FM ou du satellite.  

La nouvelle compétition forcera la radio à miser sur son essence même: la diffusion de masse, l'instantané et le direct. Une essence très diluée depuis 15 à 20 ans au Canada et aux États-Unis avec la consolidation, la mise en réseau et l'utilisation abondante des technologies permettant la diffusion en différé, partout en même temps. L'avenir serait-il prometteur pour les disc-jockey? Ceux et celles qui nous transmettre leur passion et leurs nouvelles découvertes musicales? Je dis que oui. Il y aura toujours de la radio, en direct, animée, rassembleuse et passionnée. Pour le reste, d'ici à ce que Pandora ajoute de l'animation en direct, on parlera de chaînes musicales et non pas de radio.

* L'auteur a aussi été vice-président de la programmation de Radio RockDétente pendant six ans et président du conseil d'administration de Musicaction pendant quatre ans.